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Nº 3060 du vendredi 1er juillet 2016

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Max Zaccar, président de l’Acal. «Le Liban est le marché le plus solvable du monde»

Deuxième pilier du secteur financier, les compagnies d’assurances connaissent une bonne croissance, malgré l’instabilité politique et régionale. Les explications de Max Zaccar, président de l’Association des compagnies d’assurances au Liban (Acal).

Comment se porte le secteur des assurances?
Si l’on doit faire un petit état des lieux, nous sommes 50 compagnies d’assurances, nous souscrivons 1,5 milliard de dollars de primes par an et nous avons 1 milliard de capital de réserve, ce qui fait que nous sommes le marché le plus solvable du monde. Puisqu’en principe, les normes sont 8 fois le capital de réserve, donc nous devrions souscrire 8 milliards de dollars, alors que nous ne souscrivons qu’un milliard et demi. Nous investissons 4 milliards de dollars, la majorité dans les banques libanaises, nous sommes les plus gros clients des banques. En l’absence d’une bourse active, nous sommes, avec les banquiers, le deuxième pilier du secteur financier. Par ailleurs, nous réunissons environ 4 000 employés. Il n’y a pas de chômage dans notre métier. Nous avons plusieurs universités qui forment du personnel pour les compagnies, dont l’USJ, qui a l’Institut supérieur des sciences de l’assurance (Issa), qui fait une formation allant jusqu’au mastère.

Les formations justement sont-elles satisfaisantes? Les compagnies sont-elles en manque d’employés?
Pour le Liban, les formations sont très suffisantes. Quand nous prenons un employé qui a fait son actuariat ou qui a suivi des cours à l’USJ, il peut travailler tout de suite. Comme dans n’importe quelle compagnie, le personnel se renouvelle. Chaque compagnie pourrait recruter quatre à cinq employés chaque année. On pourrait avoir 250 postes annuellement. Le problème au Liban c’est que nos jeunes sont complexés, ils veulent soit travailler dans une banque car ils estiment que c’est le meilleur endroit, soit dans une compagnie internationale, ou s’expatrient. Evidemment, il ne faut pas espérer gagner 15 000 dollars dès le premier mois. Les salaires avoisinent ceux des banques, tout avantage compris. Pourtant, nous avons un très beau métier, très intéressant, tous les jours c’est quelque chose de nouveau, l’aventure.

Le secteur souffre-t-il d’une mauvaise image?
La bonne ou la mauvaise image est mondiale. Un rapport émis par Capgemini indique que l’image s’est améliorée de 10%. Le seul problème c’est qu’il dit aussi que l’image s’est dégradée de 10% chez les jeunes, la génération Y. Pourquoi? Parce qu’ils ne trouvent pas la réponse sur Internet. Ils veulent trouver toutes les réponses sur le Net et les assureurs dans le monde ne sont pas prêts pour ça. C’est quelque chose qui prendra du temps. Nous devons nous adapter pour servir ces clients, nous voulons que cette génération soit satisfaite d’ici cinq ans.

Justement, si l’on parle d’avenir, avec par exemple l’avènement de la voiture sans pilote, les besoins des clients vont changer aussi…
Nous devons nous adapter aux besoins des clients. Demain, on ne va plus assurer vos voitures, on va assurer Google, Microsoft ou quelqu’un d’autre. Qui sera notre client dans le futur? Et comment nous nous comporterons en cas d’accident? C’est un gros dilemme et nous ne sommes pas prêts à ça. Déjà aujourd’hui, le métier a changé. Il y a des produits par téléphone, des applications par le biais desquelles on peut acheter sa police d’assurance. Nous avons aussi des Points of sale (POS) où nous émettons nos polices à distance, pour les règlements des sinistres, on vous envoie directement dans les garages, les déclarations de sinistre sont faites via Internet. Il y a une évolution qui se fait, mais qui va aller de plus en plus vite. Et là, nous allons être de bons copieurs de ce qui se passe à l’étranger.

N’y a-t-il pas trop de compagnies d’assurances pour le Liban?  
C’est une question que nous nous posons actuellement à l’Acal. Nous avons cinquante compagnies, en général familiales et, jusqu’à maintenant, les résultats n’ont pas été mauvais. Le marché se développe entre 3 et 3,5%, pour les secteurs vie et non vie. Le Liban est un pays exportateur aussi et donc ça risque d’être difficile avec nos compagnies d’aller conquérir les marchés qui nous entourent. J’essayerai de développer une idée avec notre ministre de tutelle, celui de l’Economie, et si possible de la Banque centrale. Il s’agirait de bénéficier de «soft loans» pour qu’à l’instar des banques, les compagnies d’assurances puissent trouver un intérêt à fusionner. Aujourd’hui, il n’y a pas assez d’intérêt pour cela. Cela servirait surtout pour s’exporter à l’étranger. Dans tous les pays arabes, ce sont nous qui avons introduit l’assurance, tous nos cadres travaillent là-bas. L’Afrique, l’Irak et l’Iran s’ouvrent à nous. Nous suivons les banques, elles auront besoin de nous, là où elles vont.   

Il s’agirait de suivre la diaspora libanaise?
Pas seulement. Pour la diaspora libanaise, nous sommes une valeur ajoutée, parce qu’ils nous comprennent et nous les comprenons. Il y a aussi une valeur ajoutée du point de vue technique. Si je prends l’Iran, par exemple, le pays a besoin d’une mise à jour intéressante, ils ont des gens éduqués, un Internet qui fonctionne bien, nous avons certainement quelque chose à apporter. Déjà en réassurance, nous avons des compagnies libanaises qui sont en train de donner un service aux compagnies iraniennes locales. Si vous prenez l’Irak, c’est un peu pareil. Ils n’ont pas beaucoup évolué depuis la chute de Saddam, alors que c’était le pays le plus en pointe du secteur, avec l’Egypte, il y a 30-40 ans. Ils se sont ouverts au monde, ils ont de grands projets, ils ont des besoins à l’intérieur et ils ont besoin de notre expertise, comme de celle des banquiers libanais. Pour les marchés de demain, on parle bien évidemment de la Syrie, de la Libye, avec la reconstruction. Qui va aller dans ces pays là à part nous? Donc, nous devons être prêts. Si par exemple en Irak, on vient nous dire que le minimum de capital pour une compagnie d’assurances c’est 20 millions de dollars, aucune compagnie libanaise n’a ce capital pour le moment.

Concernant le marché libanais, quelle est la progression des assurances habitation par exemple, qui étaient peu prisées des clients?
Cela progresse lentement, parce que le Libanais est encore fataliste. Il ne réalise pas ce qui peut se passer et l’importance de l’assurance. Sans les assureurs, le monde serait livré à la fatalité, sans protection de l’économie et ou des familles. Nous avons très peu d’assurances habitation. En revanche, les industriels aujourd’hui sont obligés de s’assurer, parce qu’on ne leur renouvelle pas leurs licences s’ils ne le sont pas pour le risque incendie. Pour l’automobile aussi, l’assurance est devenue obligatoire. Jusqu’à présent, certains pensent que c’est une taxe de l’Etat. Mais l’Etat fait son travail car en l’imposant, il crée un esprit d’assurance auprès du public. Quand un sinistre a été payé, les Libanais mesurent l’importance d’une police. Cela crée un mouvement de réflexion.

La bancassurance est-elle un atout pour les assureurs?
La bancassurance fait un excellent travail pour les prêts, aussi bien au niveau du secteur vie, que de l’automobile, que de l’incendie et du transport. Mais quelquefois, c’est perçu comme une obligation de s’assurer auprès de la banque. On ne donne pas le choix, comme à l’étranger, aux clients de s’assurer où ils veulent. C’est une erreur.
Le gouverneur de la BDL a ouvert une brèche avec une circulaire concernant le droit des clients à la transparence et à l’information. Entre autres, il parle de l’assurance et demande que chaque banque travaille avec au moins cinq compagnies. Les objectifs sont doubles: que le client ait le choix, mais aussi que les risques se divisent. Cela n’a pas été perçu comme cela par les banquiers jusqu’à maintenant. De notre côté, nous essayons de trouver avec la BDL une formule pour que ce soit réellement cinq compagnies et non pas une qui continue à garder les affaires, les autres étant là pour la figuration. Ce que nous suggérons, à l’Acal, c’est que les cinq compagnies d’assurances garantissent les mêmes conditions et les mêmes prix. Sinon quel choix le client peut-il avoir? En tant qu’apporteur d’affaires à la compagnie d’assurances, la banque a le moyen de faire pression pour obtenir le meilleur produit au meilleur prix.
 

Les banques, dont ce n’est pas le métier premier, peuvent-elles vendre convenablement les assurances?
C’est là notre autre dilemme. Nous avons demandé que chaque personne proposant un produit d’assurance ait la qualité de courtier donnée par le ministère de l’Economie, qu’il soit enregistré. Comment vont-ils le faire? Si, par exemple, vous avez une banque qui a 150 branches, il faut qu’elle ait au moins 150 personnes enregistrées. Et chaque enregistrement coûte 5 millions de livres libanaises. Il faut qu’il y ait quelqu’un qui puisse répondre aux questions du client sur les produits d’assurance. Cela fait partie de nos demandes. Chacun défend son pré-carré. Cela ne se pose pas uniquement pour les banques, mais aussi pour les autres distributeurs, comme OMT ou LibanPost, qui vendent aussi des produits d’assurance.

Comment luttez-vous contre les fraudes à l’assurance?
Il y a quelque 30% de fraudes au niveau mondial. Nous avons initié un projet depuis deux ans où nous essayons d’avoir toutes les sociétés qui adhèrent. L’objectif est de constituer une centrale de risques pour éviter les fraudes concernant les sinistres, notamment pour les accidents automobiles.

Propos recueillis par Jenny Saleh
 

Les projets prioritaires
Parmi les priorités fixées par Max Zaccar pour son deuxième mandat à l’Acal, la constitution d’un «pool d’assurances sur les hydrocarbures, sur les séismes et sur l’assurance aviation». «Il s’agit de se préparer», indique-t-il. «Nous voulons aussi mettre en marche les assurances décennales qui consistent à assurer les immeubles qui ont été construits pendant dix ans».

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