Au lendemain des incidents sanglants de 1958, qui ont mis le Liban à feu et à sang, la récupération se faisait lentement. Le régime sous le mandat du président Fouad Chéhab peinait à ramener l’ordre et plusieurs événements ont marqué l’année 1961 au Liban. Le plus marquant reste l’attentat contre le Premier ministre Saëb Salam.
En janvier 1961, le gouvernement présidé par Saëb Salam obtenait des pleins pouvoirs lui permettant de mettre en application une réforme entamée quelques mois plus tôt. De grands projets sont à l’ordre du jour. L’essor de l’économie est soutenu par un plan quinquennal de développement à hauteur de 450 millions de livres libanaises. Malgré tous ces efforts, le pays restait divisé. Les répercussions des événements de 1958 continuaient à marquer le jeune Liban et des différends autour de la République arabe unie (RAU) sont ravivés par les discours du président égyptien Jamal Abdel-Nasser qui lance des flèches au parti Kataëb. Des incidents éclatent et le Premier ministre les traite avec la plus grande fermeté. Il devait en payer le prix.
Le 7 mars 1961, un attentat terroriste contre le domicile de Salam est déjoué par le plus pur des hasards, 15 secondes seulement avant l’explosion. C’était au mois de Ramadan, et un moussaharati passait, comme de coutume, dans le quartier vers 2h30 du matin, pour appeler les fidèles à rompre le jeûne. Il aperçoit une mèche qui se consumait. Pris de panique, il appelle au secours. Un jeune Jordanien se trouvant sur place accourt et éteint la mèche, évitant à la région une catastrophe et au pays une nouvelle épreuve aux très graves conséquences.
L’enquête révèle qu’une charge de 105 bâtons de dynamite était placée près de la station d’essence de Mousseitbé, à 50 mètres de la résidence de Salam. Elle aurait causé des dégâts à un kilomètre à la ronde et incendié la station.
Au milieu de l’émoi général, le Premier ministre se contente de remercier le ciel d’avoir épargné au pays une nouvelle épreuve sanglante.
Un caïd suspecté
Les investigations ont permis l’arrestation de plusieurs personnes relevant de Darwich Beydoun, un caïd de la région. Une prime de 25 000 livres libanaises est offerte à qui aiderait à éclaircir l’affaire et à arrêter les coupables de cette tentative d’attenter à la sécurité du Liban en visant le Premier ministre, d’autant que cette sécurité demeurait précaire malgré les efforts
des autorités.
Les recherches se poursuivent discrètement. Il est interdit de laisser filtrer des informations. Six personnes sont relâchées et cinq autres maintenues sous les verrous. Les autorités sont catégoriques: il faut que l’enquête aboutisse, la situation dans le pays ne permettant pas la réédition de tels incidents.
Trois semaines plus tard, l’acte d’accusation retient la responsabilité des personnes déjà en état d’arrestation, ainsi que celle de Mahmoud Ayache, informateur de la police, accusé d’avoir voulu susciter une tension confessionnelle. La peine de mort est requise contre Darwich Beydoun, Ayache, et trois autres accusés, reconnus coupables de la tentative avortée et d’autres complots fomentés contre Saëb Salam. Mais le 7 septembre, leurs peines sont réduites.
Le Premier ministre est confronté à de nombreux défis durant cette période. Des grèves éclatent, dont la plus dure a été celle des avocats. Il présente sa démission et revient à la tête d’un nouveau cabinet en mai. Celui-ci fut de courte durée. Salam démissionne de nouveau en août 1961. Un front sunnite beyrouthin est formé contre lui, au lendemain d’un incident qui devait coûter la vie au garde du corps de Adnan Hakim, chef du parti des Najjadé. Rachid Karamé lui succède à la tête du gouvernement.
Arlette Kassas
Les informations citées dans cet article sont tirées du Mémorial du Liban – Mandat Fouad Chéhab, de Joseph Chami.
Grève des avocats
En avril 1961, l’Ordre des avocats décrète une grève générale ouverte et réclame la fermeture de la faculté de droit de l’Université arabe, jugée illégale. Cette grève dure plus de neuf mois, malgré les mesures prises par le
gouvernement de Saëb Salam pour réorganiser l’enseignement supérieur.