L’attentat de Roueiss, dans la banlieue sud, a été suivi d’une série de révélations choc mettant en relief l’existence d’un réseau libano-palestino-syrien, mêlé aux attentats terroristes frappant actuellement le Hezbollah à Beyrouth et dans les diverses régions du Liban. Eclairage.
En alerte depuis l’attentat de Roueiss, le jeudi 15 août, les services de sécurité ont interpellé ces derniers jours plusieurs personnes suspectées d’appartenir à des cellules terroristes. Ces services ont ainsi réussi à mettre la main sur une voiture piégée prête à l’emploi dans le cadre d’un nouvel attentat, ainsi que sur les membres de plusieurs cellules dormantes.
Selon diverses sources, les renseignements récoltés confirmeraient l’existence d’un réseau regroupant des Palestiniens et des Libanais extrémistes, mais aussi des Syriens, information publiée par Magazine il y a quelques mois déjà. Dans les milieux salafistes et sécuritaires interrogés, on souligne également la possibilité de l’instrumentalisation de ces groupes par un ou plusieurs services de renseignements étrangers.
Ainsi, l’enquête sur l’attentat de Roueiss qui a provoqué la mort de 27 personnes et de 320 blessés au moins, s’est intensifiée ces derniers jours. Avec en toile de fond plusieurs révélations fracassantes depuis l’arrestation par la Sûreté générale, le
week-end dernier, de quatre personnes. Ces dernières seraient accusées de faire partie d’un gang de huit suspects impliqués dans des opérations terroristes depuis la découverte d’une voiture bourrée d’explosifs à Naamé, au sud de Beyrouth, juste deux jours après l’attentat de Roueiss.
Samedi 17 août, les agents de la sécurité libanaise ont découvert une voiture contenant plus de 250 kg d’explosifs dans un garage de la ville de Naamé. Les explosifs auraient été destinés à servir à plusieurs autres attentats. Les suspects impliqués dans cette affaire seraient des partisans du cheikh fugitif Ahmad el-Assir, qui a échappé à la justice lors des combats qui ont opposé fin juin ses partisans à l’Armée libanaise et fait une quarantaine de morts à Saïda. La voiture de type Audi a été découverte à proximité du bâtiment de la municipalité de Naamé. Elle était munie de fausses plaques d’immatriculation et contenait cinq barils de TNT, ainsi que 50 kilos de nitrate, autre matière explosive, des détonateurs, des fusibles, ainsi qu’une télécommande permettant de faire sauter des véhicules à distance.
Ce serait un dénommé Mohammad Kassem el-Ahmad qui dirigerait la cellule terroriste. Il était surveillé par les agents de la Sûreté générale avant que sa voiture ne suscite les suspicions d’un voisin qui a fait appel aux agents des forces de l’ordre.
Surveillance des télécoms
La surveillance des communications téléphoniques d’Ahmad a révélé l’implication de sept autres suspects de nationalité libanaise, syrienne et palestinienne dont Tarek Tayara, Saïd Bahri, Khaled Q. et Fouad Ghayath, un Syrien récemment arrêté dans le secteur de Tariq Jdidé, à Beyrouth. L’arrestation de quatre des suspects a permis de trouver sur l’un de leurs portables un appel au jihad, lancé par un cheikh palestinien du nom d’Ahmad S., ce qui aurait mené à l’arrestation de l’homme de religion. L’enquête aurait démontré les liens tissés entre le cheikh palestinien et Majd el-Assir, frère du cheikh Ahmad el-Assir. Tarek Tayara aurait joué le rôle de coordinateur au sein de cette formation en se déplaçant entre les camps palestiniens. Khaled Q. serait, lui, l’homme de main du cheikh palestinien, alors que Fouad Ghayath aurait été chargé de l’aspect financier de l’affaire.
Les enquêteurs suivent également la piste de la voiture piégée ayant servi dans l’attentat de Roueiss, considérée comme un élément central de l’enquête. Ils tentent de déterminer si la voiture, une BMW 735 noire, est ou non volée. Elle aurait appartenu à une femme druze avant d’être revendue à plusieurs autres personnes. Les experts militaires favoriseraient également la piste d’une voiture piégée dans l’explosion de Roueiss, écartant la possibilité d’un attentat suicide.
En parallèle, les forces de sécurité auraient également arrêté un Libanais Marwan Hamadé (sans relation avec l’ancien ministre) originaire de Yarin, à Abi Samra, bastion du salafisme à Tripoli. Ce dernier se serait lié d’amitié avec un autre détenu, un certain Abou Sleiman, lors de son incarcération à Roumié en raison de son appartenance aux Brigades palestiniennes extrémistes Abdallah Azzam. Abou Sleiman serait actuellement en Syrie où il aurait créé la branche syrienne radicale de Jund el-Cham, dans le secteur du Krak des Chevaliers. Hamadé aurait été relâché mercredi par l’armée, selon des sources salafistes.
La cellule de Daraya
Début août, les enquêteurs avaient appréhendé Ahmad Dakhakhna, un cheikh égyptien marié à une Libanaise et son fils Abdallah, après l’explosion survenue à leur domicile à Daraya. Les deux autres fils de Dakhakhna, Abdelatif et Mohammad, avaient été tués alors qu’ils manipulaient une charge explosive. Mohammad Massoud, ressortissant syrien, a également été arrêté dans cette affaire. Une deuxième charge explosive est retrouvée au domicile de Dakhakhna. Des sources proches de l’enquête précisent qu’ils «font partie d’une cellule terroriste dormante».
Selon le ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel, Ahmad Dakhakhna a assisté à des réunions présidées par Ahmad el-Assir et aurait recruté des combattants.
L’existence d’une nébuleuse palestino-libano-syrienne, ainsi que la poursuite de la série d’attentats semblent se préciser de jour en jour. «Le rôle des membres palestiniens est avant tout technique en raison de leur connaissance dans le domaine des explosifs. Ils ont également des liens avec certains jihadistes syriens qu’ils ont formés au début de la guerre en Syrie», signale une source sécuritaire. Les régions les plus exposées à une attaque sont, sans aucun doute, les fiefs du Hezbollah, dans le but de saper sa popularité en frappant où cela fait le plus mal. L’engagement indéfectible du Hezbollah en Syrie exacerbera sans doute cette tendance en ramenant le Liban aux années noires de la guerre. L’affaire de Naamé et l’attentat de Roueiss s’inscrivent dans la série sanglante marquée cette année par les attentats visant les convois du Hezbollah dans la Békaa et celui à la voiture piégée à Bir el-Abed, le 9 juillet, ayant fait plus de 50 blessés.
Mona Alami
La psychose
Le directeur intérimaire des Forces de
sécurité intérieure, le général Ibrahim
Basbous, a démenti dimanche qu’une voiture piégée ait été découverte près de sa résidence dans la ville de Chhim dans l’Iqlim al-Kharroub. Pour sa part, le ministre de l’Intérieur Marwan Charbel a également démenti les nouvelles dans un message radiophonique à la radio
Voix du Liban.
Anomalies dans Brigades de Aïcha
L’attentat de Roueiss a été revendiqué par la brigade de Aïcha, fille du Prophète. Cependant, de curieux détails ont été relevés par les
observateurs. Selon le cheikh salafiste Bilal
Dokmak, plusieurs faits apparus dans la vidéo diffusée sur YouTube sont tout à fait contraires aux us et coutumes islamistes auxquels la Brigade radicale prétend adhérer. Les militants sont, en effet, vêtus de jeans et l’un d’entre eux porte deux bagues, contrairement aux usages en cours dans le monde islamiste. L’étendard de l’islam est également de couleur blanche au lieu du noir arboré par les fondamentalistes.
Assir resurgit
En cavale depuis la bataille de Abra, le cheikh extrémiste Ahmad el-Assir s’est manifesté à travers un nouvel
enregistrement sonore. L’imam sunnite a estimé que l’attentat à la voiture piégée, jeudi dernier, était «le résultat des crimes perpétrés par le Hezbollah contre les frères en Syrie». Selon Assir, le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, a utilisé, dans son dernier discours, le terme «takfiriste» afin de justifier la «guerre contre le sunnisme» qui serait susceptible de
causer du tort aux chiites.