Magazine Le Mensuel

Nº 2913 du vendredi 6 septembre 2013

Affaire Déclassée

Tensions entre Damas et Beyrouth. L’épisode Der Kaloustian

Une forte tension a régné en 1962 entre le Liban et la Syrie. Après l’indépendance acquise par chacun des deux pays et la création de la République arabe unie (RAU) en 1958, la disparition de cette dernière, en 1961, laisse ses traces sur les relations bilatérales.
 

A la proclamation de la RAU, l’agitation est à son comble et fragilise l’équilibre communautaire. Le 8 mai 1958, le drapeau de la RAU est hissé sur la citadelle de Tripoli au Liban et des combats éclatent dans les grandes villes libanaises. Les baassistes libanais reçoivent des armes et de l’argent de Damas
Après la chute de la République arabe unie, le nouveau régime syrien en place s’est plaint d’incursions répétées d’éléments hostiles à partir du Liban. Des relations diplomatiques sont envisagées entre les deux pays. Elles ne devaient jamais se concrétiser. Damas s’est abstenu d’adresser une demande officielle à Beyrouth qui ne voulait surtout pas avoir de problèmes avec l’Egypte de Gamal Abdel-Nasser.
Un accord sécuritaire est conclu entre les deux pays en 1961, après l’explosion à Damas de trois voitures piégées venant du Liban. La Syrie accuse Beyrouth de tolérer des activistes hostiles au régime syrien. Le Liban accepte de coopérer.
La Syrie essaie d’autres procédés. Elle révèle le rôle de l’Egypte dans les incidents de 1958. Beyrouth fait la sourde oreille. L’équilibre communautaire est fragile et la rue sunnite refuse que l’on touche aux relations avec l’Egypte nassérienne. Damas a alors recours à des mesures ultimes. Le 12 juillet 1961, il arrête le chef de la brigade criminelle de Tripoli, Emile Khairallah, qu’elle accuse d’espionnage et annonce qu’il sera jugé en Syrie. Il sera remis aux autorités libanaises, le 30 juillet de la même année.
En mars 1962, des troubles éclatent en Syrie dans une lutte entre le pouvoir et les partisans de Nasser. Le colonel Abdel-Karim Nahlaoui déclenche le 28 mars un nouveau coup d’Etat, mais le chef de l’armée syrienne parvient, avec les officiers supérieurs, à rétablir le pouvoir syrien en place. Des arrestations ont lieu.
Le 14 avril 1962, éclate l’affaire de Der Kaloustian. Le tribunal de sécurité de l’Etat syrien, siégeant à Alep, accuse le député libanais Movsès Der Kaloustian d’espionnage au profit d’une puissance étrangère et le condamne à 15 ans de prison. Damas demande au Liban son extradition que Beyrouth refuse catégoriquement. Der Kaloustian est député arménien-orthodoxe de Beyrouth depuis 1943 et jouit de l’immunité parlementaire. Beyrouth estime que le crime dont il est accusé est politique et ne se voit donc pas obligé de répondre à la demande de l’extradition.
Le 25 novembre 1960, Beyrouth avait déjà refusé de donner suite à une note de Damas, réclamant l’extradition de dix réfugiés politiques syriens dont quatre étaient recherchés pour atteinte à la sûreté de l’Etat et six pour rébellion armée. Il justifie son refus par le respect de l’application de la convention judiciaire en vigueur. Le 13 mars 1961, le Liban refuse une autre demande d’extradition de douze réfugiés syriens considérant qu’ils sont recherchés pour crimes politiques.
Les problèmes entre la Syrie et le Liban restent latents. La mésentente est totale. Damas exige une rencontre entre les deux chefs de gouvernement, mais Beyrouth ne répond pas et prend une série de mesures intérieures afin de sauvegarder son équilibre et sa sécurité.

Arlette Kassas

Les informations citées dans cet article sont tirées d’Internet et du Mémorial du Liban: – Le mandat Fouad Chéhab de Joseph Chami.

Création et disparition de la RAU
La RAU, ou l’Union de l’Egypte nassérienne et de la Syrie, et pour une courte période, du Yémen, voit le jour le 1er février de 1958 et disparaît en 1961. A l’origine, elle devait être l’ébauche d’une grande fédération englobant l’ensemble du monde arabe et fut créée après les pressions effectuées par les militaires syriens, face à l’axe hachémite de la Jordanie et de l’Irak. Le 22 février, un référendum porte Nasser au pouvoir. Le nouvel Etat devient entièrement régenté par Le Caire. Un coup d’Etat militaire, mené par Haydar el-Kouzbari, éclate en Syrie en 1961, mettant fin à la 
République le 29 septembre de la même année.

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