Le Liban était présent au petit-déjeuner organisé par l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed), au Palais de l’Elysée, à Paris. Les trois hommes d’affaires représentant le Liban − qui ont requis l’anonymat − travaillent dans les industries du luminaire et du matériel électrique, ainsi que dans la finance. Les débats ont porté sur la «colocalisation». Ce thème central abordé pendant les déplacements du président français François Hollande dans les pays du Maghreb, notamment, s’inscrit comme un élément incontournable du partenariat central euro-méditerranéen. Basée sur le partage de la chaîne de valeurs et des revenus, la colocalisation permet un partenariat plus équilibré Nord/Sud, mais également Sud/Sud entre pays et autres acteurs de la région. A une situation de crise profonde, il faut en effet répondre par des solutions nouvelles. D’une part, l’Europe a besoin de nouveaux relais de croissance pour faire face à ses limites, tant conjoncturelles (consommation atone, investissement ralenti par la rareté du crédit bancaire, exportations en berne) que structurelles (population vieillissante, croissance inférieure à 2%). D’autre part, les pays du sud et de l’est de la Méditerranée (Psem) ne disposent pas individuellement de tous les moyens nécessaires pour réussir leur transition démocratique et poursuivre leur décollage économique.
La colocalisation s’inspire du modèle allemand avec les pays d’Europe centrale et orientale (Peco), modèle qui consiste à externaliser des fragments de la chaîne de valeurs dans les pays voisins dont les coûts sont moindres et les complémentarités évidentes. Dans ce modèle coopératif, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) concluent des accords avec des distributeurs allemands de taille plus ou moins équivalente, qui s’engagent à se fournir majoritairement auprès de fabricants allemands dans les filières de biens de consommation. Forts de cette stabilité dans leurs débouchés, les fabricants (ETI) externalisent dans les Peco la production de biens intermédiaires et de biens d’équipements. Cette stratégie de coproduction des biens intermédiaires leur permet d’importer des produits intermédiaires de qualité grâce à l’utilisation d’ingénieurs et de techniciens des Peco, ce qui octroie en outre à l’industrie allemande un avantage de coût de près de 20%. Les ETI allemandes gardent la conception et l’assemblage et font la coproduction des fragments de la production dans des pays à bas coûts. Ce modèle a été bénéfique pour les Peco, car il permet l’apprentissage, la montée en gamme et l’emploi des diplômés. C’est un deal gagnant-gagnant. Des exemples récents de colocalisation sont cités tels les projets Renault et Peugeot à Tanger, au Maroc, et celui de Fiat en Turquie. Concernant le Liban, des usines de produits intermédiaires ont expérimenté la colocalisation telles Matelec, Sanita et Lecico en Egypte. Interrogé par Magazine, un membre de la délégation libanaise s’est prononcé en faveur de la colocalisation, tout en émettant certaines conditions liées à l’efficience d’un tel modèle. Pour lui, la colocalisation n’aurait de sens pour les pays du Sud que dans la mesure où elle permettrait d’ouvrir à l’industriel plusieurs nouveaux marchés. La colocalisation en Egypte contribuerait à l’autorisation des industries colocalisées à participer aux appels d’offres du secteur public puisque l’Egypte ne permet à l’Etat de se fournir que de produits fabriqués en Egypte et paverait la voie aux acteurs pour tirer profit de traités tels celui de Conesas. En vertu de cet accord, les produits fabriqués en Egypte sont autorisés à faire leur entrée dans tous les pays de l’Afrique sans paiement de droits de douane. L’homme d’affaires libanais a aussi insisté sur l’importance de constituer un organisme mixte à l’instar de la Coface en France pour la sécurisation des lignes de crédit et une autre entité destinée à la garantie des investissements dans leur intégrité en cas d’actes de guerre ou autres. n
EDL
84% du déficit budgétaire
Les responsables retiennent leur souffle dans la mesure où selon les estimations préliminaires, le déficit de l’Electricité du Liban (EDL) s’élèverait en 2014 à plus de 3 650 milliards de livres, alors que le total du déficit du Trésor serait de 4 343 milliards. Ce qui signifie d’une manière plus simple que ce poste des dépenses représenterait 84% du déficit budgétaire. En d’autres termes, le financement du déficit de l’EDL devrait constituer un casse-tête pour les responsables du fait de coûts supplémentaires prévus dus à la hausse du prix de production de l’énergie. Cette hausse est la résultante de l’augmentation du prix du baril du pétrole dont la moyenne tourne autour de 112 dollars, alors que la facturation de la consommation d’énergie est calculée sur la base d’un baril à
25 dollars. A la lumière de ces prévisions, une certaine tension devrait marquer les relations entre le ministère des Finances et celui de l’Energie et de l’Eau, d’autant que le projet de la Loi de finance de 2014, présenté par le grand argentier Mohammad Safadi, a comprimé le déficit de l’EDL en l’évaluant à environ 2 569 milliards de livres. Il serait difficile de croire, vu la conjoncture dans le pays, que l’EDL puisse être en mesure de procéder à un relèvement du tarif de la consommation du courant électrique ou d’améliorer la collecte des factures. Sachant que pour le moment l’EDL subventionne le prix de production du kilowatt heure à concurrence de 60%, la solution du moindre mal serait que l’établissement public maintienne le rationnement et par conséquent diminue le volume de la production. Le fardeau des tarifs de l’électricité produite par les générateurs continuerait d’être assumé par le consommateur.
Taxes
Distorsion du régime fiscal
A la lumière de la difficulté de l’imposition d’un relèvement de la moyenne des taxes à court et moyen termes, les efforts des politiques pourraient se concentrer davantage sur l’élaboration de législations qui contribueraient à élargir l’assiette des contribuables et à lutter conte l’évasion fiscale. Ceci dit, la distorsion fiscale se manifeste au niveau du fait que le Liban est considéré comme un pays en voie de développement à moyen-haut revenu, alors que les caractéristiques de son système fiscal conviendraient plus à des pays en voie de développement à faible revenu. Selon l’Association des banques au Liban (ABL), cette catégorie se caractérise par un faible taux des revenus fiscaux rapportés au PIB, ainsi que par une quote-part plus importante des revenus fiscaux indirects rapportée au total des recettes fiscales. Dans le détail, les recettes fiscales ont représenté environ 16% du PIB, alors que les taxes directes se sont élevées à près de 35% de la moyenne du total des recettes fiscales contre 65% des taxes indirectes au cours des trois dernières années.
Liliane Mokbel