Magazine Le Mensuel

Nº 2923 du vendredi 15 novembre 2013

Presse étrangère

Les fantômes d’un Etat

Cette semaine, une revue de presse régionale et internationale, tournée vers le passé destructeur du Liban, qui explique plus que jamais les rivalités de pouvoir du présent.

REUTERS
Pays: Grande-Bretagne.
Genre: agence de presse.
Diffusion: 7000 dépêches par jour.
2ème agence mondiale, derrière Associated Press (AP).

Il s’agit sans doute de la dépêche consacrée à l’actualité libanaise la plus utilisée par les médias cette semaine.
Il a suffi de cinq minutes, montre en main, pour Assaad Chaftari, pour rédiger ses excuses publiques pour son rôle dans les atrocités commises pendant la guerre civile. Treize ans plus tard, il est toujours le seul haut responsable de la flopée de milices qui a pris part au conflit à l’avoir fait. Le fait que Chaftari soit le seul à avoir pris cette initiative en dit autant sur ses remords et son désir de réparation que sur l’état du pays. La fragilité du Liban découle en partie de la façon dont il a décidé de traiter les plaies de sa propre guerre. Les Libanais ont opté pour l’amnistie de masse. Ils ont fait le choix d’oublier et de passer à autre chose.
Quelques individus ont bien essayé de faire amende honorable pour leurs actions durant la guerre, mais aucun des anciens chefs de guerre, dont beaucoup sont aujourd’hui chefs politiques.
Le seul à l’avoir fait reste Assaad Chaftari, adjoint du chef des services de renseignement de la redoutable milice des Forces libanaises. Il a publié ses excuses en 2000 dans un quotidien libanais. Il disait dans sa lettre ouverte qu’il espérait que cela aiderait à nettoyer les âmes des rancunes du passé et à contribuer à une véritable réconciliation.

TIME MAGAZINE
Pays: Etats-Unis.
Périodicité: hebdomadaire.
Diffusion: 3,2 millions d’unités.
Magazine d’information le plus distribué au monde.

«En prenant les devants, le Hezbollah prépare la bataille décisive de Syrie au nom de Bachar», titre Aryn Baker, responsable du bureau Moyen-Orient de la rédaction de l’hebdomadaire.
Depuis le début du conflit, le régime au pouvoir du président Bachar el-Assad a montré la dépendance de l’opposition armée vis-à-vis des combattants étrangers. Alors qu’une nouvelle campagne est en préparation dans le couloir montagneux entre Damas et la frontière libanaise, il devient de plus en plus clair que le gouvernement syrien est tout aussi dépendant des forces extérieures. A Qalamoun, une région stratégique aux mains des rebelles, le Hezbollah, soutenu par l’Iran, se prépare à un combat de longue haleine qui pourrait dicter l’issue du conflit syrien.
La volonté du régime de sécuriser Qalamoun est planifiée depuis longtemps. Elle est devenue évidente après la bataille de Qoussair, où le Hezbollah est véritablement entré en guerre, un bastion rebelle situé juste au nord de Qalamoun. En reprenant le contrôle de la région, le régime espère créer un corridor vital reliant Damas à la province côtière de Lattaquié, qui abrite le port méditerranéen de Tartous et la communauté alaouite. Une région tout aussi vitale pour la rébellion qui perdrait son principal couloir d’approvisionnement.

AL-HAYAT
Région: Moyen-Orient.
Pays: Arabie saoudite.
Ville: Londres.
Périodicité: quotidien.
Diffusion: 130000 exemplaires.

Houssam Itani met en lumière les carences de l’appareil sécuritaire du Liban.
Pendant que des policiers distribuent des amendes de stationnement dans certaines rues de Beyrouth, l’Etat libanais n’est pas en mesure de convoquer les personnes accusées d’avoir commis un véritable massacre devant un tribunal. Cette impotence peut être élargie à toutes les composantes de l’Etat.
L’incapacité à interroger les accusés, sans parler des poursuites judiciaires auxquelles ils font face, nous ramène à la réalité politique du Liban et du Levant. Il est inutile de dire que la plupart des assassinats, des explosions et des opérations de nettoyage ethnique qui ont eu lieu ici depuis des décennies, sont exécutés par des personnes identifiées qui continuent – et continueront – d’échapper à la loi. Par conséquent, la question posée n’est pas celle de la responsabilité pénale, mais celle de «l’action nationale».
En effet, les attentats contre des fidèles sortant d’une mosquée ne sont pas motivés par des raisons personnelles ou de haine. Ils servent un intérêt supérieur, une cause aux facettes ambiguës, la résistance contre Israël, la libération de la Palestine ou le combat contre les takfiristes. Mais tous ces affluents versent finalement dans la mer du pouvoir absolu. Rien de plus et rien de moins.

LE COURRIER
Pays: Suisse.
Genre: quotidien de gauche.
Diffusion: 7500 exemplaires par jour.

Le quotidien régional suisse consacre un reportage à Rami, «infirmier le jour, sniper la nuit».
Planté à l’entrée d’un centre médical du quartier tripolitain d’Abou Samra, où 90% des patients sont syriens, Rami porte une veste blanche et s’occupe de leur accueil. Ce jeune trentenaire aux joues de marmotte mal rasées, père de quatre enfants, y est infirmier trois jours par semaine. Perché en haut d’une colline de la ville du nord du Liban, le centre de soins se tient à l’écart des quartiers Bab el- Tebbané et Jabal Mohsen, où se trouver au mauvais endroit au mauvais moment peut coûter la vie. Une fois le soleil couché, Rami enfourche son scooter pour se rendre dans son repaire. Chaque fois qu’il se retrouve à découvert entre deux immeubles vétustes, il baisse la tête, tourne la poignée d’accélérateur et crie: «Jabal, Jabal, Jabal! Plus de Jabal». Aucune balle n’a fusé. L’une de ces innombrables tours d’immeuble accueille sa deuxième vie, celle de sniper.

LE MONDE
Pays: France.
Périodicité: quotidien.
Genre: généraliste.
Diffusion: 325000 exemplaires.
1er site français d’information.

Laure Stéphan explique que «la mort de Jameh Jameh réveille les fantômes du Liban».
C’est un soir d’hiver, fin 1992. Elias Tanios, 31 ans, joue au poker dans une maison de Tallet al-Khayat, à Beyrouth, quand on frappe à la porte: des militaires syriens. Ils embarquent les joueurs. Direction le Beau Rivage, l’immeuble où les Syriens, qui occupent le Liban depuis 1976, ont établi le QG de leurs services de renseignement dans la capitale. A deux pas de la plage de Ramlet al-Baïda, dans le centre d’interrogation, Elias Tanios, policier et ex-partisan des Kataëb (droite chrétienne), va être soumis aux pires sévices pendant deux jours. «Jameh Jameh m’a torturé de ses propres mains», affirme cet homme au visage éprouvé. Il sera détenu huit ans en Syrie.
Jameh sera interrogé dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri en 2005. Il porte la responsabilité des tortures et de la mort de nombre de Libanais, musulmans ou chrétiens, au Beau Rivage. Leur nombre n’est pas connu; ils ont subi des sévices à cause d’un mot trop haut à un barrage, de la délation d’un voisin envieux ou de leur appartenance à un parti antisyrien. «Les Syriens avaient une grille d’évaluation assez grossière: un musulman sunnite du Nord? Un islamiste. Un chrétien ou un chiite du Sud? Un collaborateur avec Israël. Et ainsi de suite. Jusqu’en 1990, il y a eu des centaines de disparitions forcées vers la Syrie», explique Wadih el-Asmar, secrétaire général du Centre libanais pour les droits humains.

LIBÉRATION
Pays: France.
Genre: quotidien national de gauche.
Diffusion: 125000 exemplaires par jour.
6e journal du pays, derrière Le Parisien, Le Figaro, Le Monde, L’Equipe et Les Echos.

Le quotidien français de gauche consacre un article à la
«noblesse de l’arak».
A part les accablantes nouvelles, qu’est-ce qui nous vient de Syrie? Rien d’autre, si ce n’est un bon raisin qui traverse encore la frontière et est fort prisé dans la fabrication de l’arak libanais. Cet arak, il est un peu le parent pauvre des alcools anisés. Il n’a pas forcément bonne réputation et on le confond souvent avec l’ouzo grec ou le raki turc. Or, c’est un alcool d’une grande noblesse, nonobstant ses origines modestes (raisin ordinaire et anis), distillé deux ou trois fois (pour les millésimés), pas traître pour un sou si la distillation est faite à bonne température. Les vins libanais? Oui, mais, hormis de belles exceptions, ils alourdissent les déjeuners et sont souvent trop chers. L’arak libanais a une manière de légèreté, même par grosse chaleur. On conseillera l’arak Brun, du nom du Français venu au Liban, il y a bien longtemps, qui a créé sa distillerie. L’idéal est de rapporter un arak baladi, distillé dans les familles (chrétiennes) du jebel. Julien Abi Ramia

Top Thèmes
Cette semaine, l’actualité libanaise, vue par les médias étrangers, s’articule sur quatre thèmes.
Les médias anglophones s’intéressent principalement à la campagne antipolio et à l’espionnage israélien sur le Liban. Les médias francophones ont, eux, été davantage attirés par la visite de la compagne de François Hollande, Valérie Trierweiler, auprès des réfugiés syriens et par le Salon du livre de Beyrouth, traité au travers de critiques d’ouvrages et d’entretiens avec les auteurs invités.    

 

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