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Nº 2924 du vendredi 22 novembre 2013

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Olivier Poivre d’Arvor. «Etre père peut être une magnifique source de bonheur»

Dans son dernier ouvrage Le jour où j’ai rencontré ma fille, Olivier Poivre d’Arvor raconte, sans fausse pudeur, la découverte à 50 ans de sa stérilité et l’adoption d’une Togolaise de 7 ans. A travers son écriture, l’auteur a voulu dire aux hommes: «Si vous êtes stériles, ce n’est pas grave, votre statut social n’est pas menacé, ni votre virilité d’ailleurs». Interview.
 

C’est un fait rare que les hommes parlent franchement de leur stérilité comme s’ils y voyaient quelque part une faille dans leur masculinité. Qu’est ce qui vous a poussé à partager avec les autres cette situation si personnelle?
Je voulais raconter ma rencontre si intense avec ma fille. Je ne pouvais pas parler de cette adoption sans évoquer ma stérilité. Si mon désir de paternité était si fort, c’est précisément parce qu’il était impossible. Je voulais dépasser cette impossibilité. Cela m’a donné la force d’affronter le parcours compliqué, difficile de l’adoption. Le sujet de la stérilité est tabou car, il y a confusion entre stérilité et impuissance. Mais il m’importe peu ce que les gens pensent. J’ai voulu dire aux hommes si vous êtes stériles, ce n’est pas grave, votre statut social n’est pas menacé, ni votre virilité d’ailleurs. Dans un couple, chacun doit assumer sa part de responsabilité et s’il s’avère que c’est l’homme qui est stérile, et bien, il ne doit pas se sentir en danger.

Vous avez vécu à plusieurs reprises en couple et, si vous avez découvert votre stérilité sur le tard, c’est parce qu’avant cet âge vous n’avez jamais eu le désir de devenir papa. Pourquoi cette envie de paternité alors qu’actuellement vous vivez seul?
Je n’avais probablement pas envie de reproduire le schéma familial père-mère-enfant. Je voulais préserver ma liberté. Or, la famille est une forme de privation de la liberté. Jusqu’à l’âge de 40 ans, il était hors question pour moi de devenir papa. Je n’ai pas eu non plus envie de faire un enfant avec les femmes avec qui je vivais.

Cela ne doit pas être agréable pour elles de l’entendre …
Au contraire. J’aime l’intimité amoureuse. Or, quand on a un enfant, un autre rapport s’installe dans le couple. C’est vers 45 ans que j’ai eu l’impression d’avoir fait le tour de moi-même. D’avoir exploré tout ce que j’avais en moi. J’ai découvert qu’on ne pouvait pas passer son temps à passer d’un amour à un autre. J’ai ressenti une sorte d’épuisement de cette vie de liberté. J’ai réalisé qu’être père pouvait être une magnifique source de bonheur.

Qu’avez-vous ressenti en vous-même quand vous avez découvert votre stérilité?
Une grande détresse, de la solitude, de la violence, un sentiment d’être différent, d’avoir un problème de «fabrication». Comme les hommes ne parlent pas de leur stérilité parce que, quelque part, ils en ont honte, honte d’être mal jugés, mal reçus, d’être tenus responsables pour… j’ai eu l’impression d’être le seul à avoir ce problème. J’ai probablement voulu écrire ce livre pour partager mon expérience avec les autres hommes dans la même situation. L’écriture est un rapport au monde: ne pas rester seul avec ses émotions.

Un homme célibataire qui adopte une petite fille de 7 ans a-t-il les qualités requises pour être à la fois le papa et la maman?
En France, il y a autant d’enfants qui vivent dans des familles classiques que des enfants qui vivent dans des familles monoparentales ou recomposées. Toutes les formules sont possibles et les enfants ont une énorme faculté d’adaptation à condition qu’on leur donne beaucoup d’amour. Je suis en effet aussi bien le père que la mère et ça se passe très bien.

Propos recueillis par Danièle Gergès

Bio en bref
Ecrivain, Olivier Poivre d’Arvor est l’auteur de romans, d’essais, d’ouvrages historiques et de livres de voyages, mais aussi des fictions dont Disparaître et J’ai tant rêvé de toi… Il a écrit aussi à quatre mains avec son frère Patrick auquel le lie une intimité fusionnelle très rare. En 2010, cet ancien diplomate devient directeur de la radio France Culture, poste qu’il remplit avec excellence.

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