Magazine Le Mensuel

Nº 2927 du vendredi 13 décembre 2013

Film

Detroit Unleaded. Le combat de Rola Nashef contre l’enfermement

Rola Nashef a coécrit, réalisé et produit le film Detroit Unleaded qui a remporté au Festival international de Toronto le prix Découverte. Le film a aussi reçu des éloges dans des festivals du monde entier. Nashef a le mérite d’avoir évité les stéréotypes contre les Arabes. Retour sur une histoire d’amour projetée actuellement dans des salles de cinéma de New York.  
 

L’histoire démarre avec Sami, un jeune Libano-Américain dont le rêve est de quitter Dearborn et d’aller à un collège en Californie. Mais son rêve est brisé lorsque son père Ibrahim est tué par quelqu’un qui lui vole son magasin et sa station d’essence.
 

Se libérer de sa cage
Sami doit alors rester sur place et prendre en charge les affaires de son père avec son cousin Mike. Il doit aussi continuer à vivre avec sa mère Mariam inconsolable après le décès de son mari. Contrairement à son cousin gai et de nature sociable, Sami méprise son travail et ne s’adresse presque jamais aux clients. En bref, il s’isole toute la journée dans une sorte de cage en verre. Mais sa vie devient moins sombre quand il tombe amoureux d’une jeune vendeuse de cartes téléphoniques, Najlah. Cette dernière est également attirée par lui et se rend à plusieurs reprises chez lui même si elle sait que son frère, très autoritaire, s’y opposerait. Leur romance est chaste, mais électrique. Dans ce film, certains personnages ont du mal à rompre avec leur passé et avec leurs traditions culturelles. D’abord, Mariam qui est tout au long du film en deuil. Et aussi Sami qui est enfermé dans un travail et un lieu qu’il n’aime pas. Il n’y a que son père Ibrahim qui, avant son décès, voulait les libérer. Il avait acheté une voiture à sa femme, ensuite il voulait se sacrifier pour que son fils puisse poursuivre ses rêves. Ce dernier est, selon la réalisatrice, représentatif de tant d’hommes arabes prêts à s’asseoir dans une station d’essence et faire de l’argent pour que leurs enfants aient une vie meilleure. En parlant de son premier film qui était au départ un court métrage, devenu par la suite un long métrage d’une heure trente, la réalisatrice s’attarde sur divers points. A Detroit, elle voyait beaucoup de mecs arabes derrière une cage. Cette cage était presque un rite de passage pour travailler dans ce pays. Une question se posait alors: «Ont-ils immigré ici pour s’enfermer ainsi? Est-ce bien cela le rêve américain? J’ai pensé que c’était une métaphore flagrante. Nous nous enfermons parfois dans une boîte. Il ne s’agit pas de briser cette dernière, mais tout simplement d’en sortir». Autre point sur lequel elle revient, c’est l’identité libano-américaine des acteurs. C’est, selon elle, la première fois que vous voyez dans un film autant de personnages positifs arabes. Ils sont cools, amusants, parfois sexy. Autre nouveauté, c’est d’écouter toutes ces blagues, plaisanteries en particulier culturelles arabes sur un grand écran. 


Pauline Mouhanna, Illinois

Bio en bref
Rola Nashef est née au sud du Liban et a fui le pays, à cinq ans, avec ses parents lorsque s’est déclenchée la guerre civile. Elle a grandi à Michigan où elle est scolarisée. Dès son plus jeune âge, elle s’engage auprès de plusieurs organisations arabo-américaines. Elle y travaille surtout dans le département des arts culturels et rencontre des artistes. Elle décide de devenir réalisatrice parce qu’elle sent que si elle pouvait amener les gens à regarder un film et à s’identifier à un caractère arabe pendant une heure et demie, ils trouveront beaucoup plus difficile la 
discrimination contre sa propre communauté.

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