L’écrivain et poète britannique Michael Edwards, membre de l’Académie française, parle parfaitement le français, mais garde un léger accent anglais. De passage au Liban pour un court séjour, Magazine l’a rencontré. C’est parti pour une petite leçon de français avec un Britannique passionné de la langue de Molière.
D’où vous vient cette attirance pour la langue française?
Très tôt, j’ai senti cette attirance. J’écrivais très normalement des poèmes en anglais. Mais à un moment, je me suis dit que j’aimerais écrire en français. Je me suis alors rendu compte qu’en écrivant de la prose française, j’écrivais différemment. Le monde était différent et je devenais moi-même, sans exagérer, légèrement différent… Et ça a marché! La langue française m’est devenue tellement familière que je n’ai plus l’impression d’écrire dans une langue étrangère. J’avoue que quand je recommence à écrire en anglais, je suis émerveillé et stupéfait. C’est presque devenu une autre langue. J’ai compris cela progressivement.
Vos deux cultures se marient-elles dans la poésie?
Je pense que quand j’écris un poème qui me satisfait, je ne dis pas qu’il est bon. Ce que je peux dire c’est que, pour moi, ça marche, je m’arrête là. J’estime que c’est un bon poème, lorsque j’ai l’impression qu’il est parfaitement français et qu’il apporte à la poésie française ce que seul un poète anglais peut y apporter. J’ai le devoir d’écrire avec ma touche britannique, je ne suis pas un poète français d’origine française, mais bien britannique. Je suis obligé de rester dans les flux vocaliques du français, mais j’ai droit à de petits écarts pour y ajouter aussi ce qui caractérise la poésie britannique.
Vous faire une place en France, n’était-ce pas hasardeux?
C’est aux autres qu’il faudrait poser la question. Depuis le début, j’ai fait de nombreux déplacements en France en participant à des colloques de poésies. J’ai rencontré très tôt beaucoup de poètes français avec lesquels j’ai en quelque sorte frayé mon chemin… Je ne sais pas comment l’expliquer, mais je me suis senti chez moi. Dès que j’ai commencé à écrire dans cette langue, j’ai été satisfait et j’ai reçu des échos positifs. Je pense que l’on voit dans mes poèmes non pas l’empreinte malheureuse d’un étranger, mais plutôt ce que quelqu’un, d’origine britannique, peut y apporter. Tout comme j’aimerais énormément voir un poète français écrire en anglais.
Pensez-vous que le français est mal parlé?
Tout d’abord, j’aimerais parler de la beauté de la langue française. C’est une beauté structurelle. Il y a surtout la beauté des sons qui se retrouvent autour des voyelles… Enfin, pour moi, n’étant pas Français d’origine, je ne le vois certainement pas comme les Français le voient. Mais c’est un fait! Je voudrais parler aux jeunes Français de la beauté de leur langue, car sinon, la langue ne devient qu’un outil de communication, ce qui est dommage.
Propos recueillis par Anne Lobjoie Kanaan
L’auteur en bref
Michael Edwards est né à Barnes, le
29 avril 1938. Après avoir enseigné le
français, l’anglais et la littérature comparée à
l’Université de Warwick jusqu’en 2002, Edwards, poète et académicien, est
professeur au Collège de France. Il tire son inspiration de Shakespeare, Racine et Arthur Rimbaud. Bénéficiant des deux nationalités et bilingue, il utilise dans son œuvre poétique le français et l’anglais, parfois les deux dans le cadre d’un même ouvrage. Michael Edwards est membre de
l’Académie française depuis le 21 février 2013 et Knight Bachelor, distinction
britannique, depuis 2014.
L’auteur britannique francophone a
récemment visité le Liban dans le cadre
du Salon du livre de Beyrouth 2013.