Magazine Le Mensuel

Nº 2934 du vendredi 31 janvier 2014

general

Gouvernement. Le règne du flou total

Toujours sur les rails, la formation du prochain gouvernement d’union nationale est suspendue à la réponse de Tammam Salam aux revendications ministérielles de Michel Aoun qui dit mener le combat contre la marginalisation de la voix chrétienne au pouvoir.
 

Mardi, la charge du leader du CPL contre le Premier ministre désigné «aux tendances dictatoriales» a résonné comme un coup de semonce. «Dix mois après sa désignation, il a échoué à former un gouvernement et cela aurait dû l’amener à se récuser» d’autant que, selon lui, Tammam Salam «bafoue les principes qui fondent les règles de la représentativité». Lier cette prise de parole grandiloquente à l’appétit dévorant d’une firme politique et familiale qui réclame des portefeuilles ministériels pour assouvir sa faim de pouvoir serait réducteur. La posture se veut solennelle. «Il semble que notre destin soit d’être toujours pris pour cibles dans les échéances cruciales et importantes, lorsqu’il s’agit notamment de former les pouvoirs constitutionnels. Nous choisissons de refuser cette réalité et de l’affronter pour protéger la patrie et l’Etat». Aoun parle là au nom du CPL, dirigeant du premier bloc parlementaire chrétien enfilant le costume de défenseur de la voix chrétienne exclue des négociations gouvernementales jusque-là, et rien ne se fera sans son accord.
 

Aoun l’incontournable
Dans l’esprit de Michel Sleiman et de Tammam Salam au pouvoir, puis de Walid Joumblatt et de Nabih Berry en coulisse, on a sans doute estimé que le Hezbollah et le Courant du futur allaient être suffisamment puissants pour infléchir les positions de leurs alliés chrétiens. Au sein du mouvement du 14 mars, Saad Hariri a entériné le refus des Forces libanaises d’entrer au gouvernement dans les conditions définies par le premier cité et pris acte des dispositions des Kataëb et des personnalités chrétiennes réunies autour de Boutros Harb.
De l’autre côté de l’échiquier politique, la situation est largement différente. Après plusieurs entretiens entre Hussein Khalil et Gebran Bassil qui conduisent pour leurs partis les discussions gouvernementales, le Hezbollah a officiellement annoncé qu’il ne participerait pas au gouvernement si les demandes du CPL n’étaient pas satisfaites. A son retour de Rome, où il aurait rencontré Saad Hariri, Michel Aoun a établi ses priorités pour le gouvernement. Non à la rotation des portefeuilles si elle ne vise qu’à déloger Gebran Bassil du ministère convoité de l’Energie et pour assurer la représentativité de tous, la formation d’un gouvernement composé de trente ministres.
Douche froide pour Tammam Salam qui, avant la sortie mardi du leader du CPL, n’avait fait qu’une seule véritable offre au parti, remplacer l’Energie et les Télécoms par les Travaux publics et l’Education et attribuer à ses alliés des Marada et du Tachnag deux autres portefeuilles de moindre envergure. Refus net et sans bavure à Rabié. Deux solutions qui satisferaient Michel Aoun s’offrent désormais au Premier ministre désigné, céder un ministère régalien ou garder Bassil à l’Energie. Salam va devoir céder sur l’un des deux engagements qu’il avait fixés et faire en sorte également que ces négociations au cordeau ne cassent pas la mécanique du gouvernement d’union approuvé par les chancelleries étrangères.
Après s’être rendu à Paris pour rencontrer Saad Hariri, l’ambassadeur des Etats-Unis au Liban, David Hale, a effectué ces dix derniers jours une tournée auprès de l’ensemble des responsables politiques du pays. Des rencontres avec le Premier ministre démissionnaire, Najib Mikati, le chef du Parti démocratique libanais, Talal Arslan, Michel Aoun, Tammam Salam, Walid Joumblatt et Nabih Berry avant de se rendre à Riyad. Aucune déclaration au sortir de ses entretiens, mais une certitude, corroborée par plusieurs sources, les Etats-Unis soutiennent la formation d’un gouvernement de consensus qui n’exclura aucune partie. Comme les Etats-Unis, les grandes puissances qui comptent dans la région, encouragent la stabilisation du Liban vampirisé par la guerre en Syrie.
Dans les grandes capitales, le dossier libanais est suivi de manière très attentive, notamment en France, en Russie, en Arabie saoudite et en Iran. Lors de sa visite au Vatican,  le président français François Hollande a évoqué la question libanaise et la nécessité de protéger le Liban des conflits de la région. Les puissances qui comptent concentrent leur suivi sur trois sujets: la formation d’un gouvernement d’union, bouclier contre les secousses régionales, la tenue des élections présidentielles dans les délais constitutionnels et la sécurisation du pays, où ont élu domicile organisations islamistes et terroristes.
Autre signe de la prise de conscience internationale, les discours apaisés des responsables iraniens au Forum économique de Davos.
La Russie, qui a envoyé au Liban une délégation parlementaire et accueilli, cette semaine, Youhanna X Yazigi, primat de l’Eglise orthodoxe grecque d’Antioche et de tout l’Orient, se concentre sur le sort des chrétiens de la région.
Tout ce contexte crée un climat d’incertitude qui laisse ouvertes toutes les possibilités, notamment celle, moins évidente, de la formation d’un gouvernement du fait accompli.
Union nationale du fait accompli?
Lundi, le ministre démissionnaire des Affaires sociales, Waël Abou Faour, expliquait que le président de la République et le Premier ministre désigné, pourraient annoncer la naissance au forceps du nouveau gouvernement. Depuis plusieurs semaines, les menaces de formation d’un gouvernement sans l’accord préalable des partis étaient l’apanage du président Sleiman et du Premier ministre désigné Tammam Salam. Mardi, Samir Geagea appelait même les deux hommes «à prendre leurs responsabilités». La réponse de Michel Aoun à cette éventualité fut des plus cinglantes. «Tout gouvernement du fait accompli sera considéré anticonstitutionnel».
Quelques jours auparavant, c’est Nabih Berry qui enterrait cette possibilité en expliquant simplement qu’un tel gouvernement «ne passerait pas au Parlement et n’obtiendrait pas la confiance des députés». La menace a perdu de sa vigueur.
Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a même intimé aux deux présidents «d’user de leurs prérogatives constitutionnelles pour former un gouvernement neutre qui préservera la souveraineté du Liban assurée par la déclaration de Baabda». L’heure n’est ni à la précipitation, ni aux initiatives provocatrices. Le temps est à la formation d’un gouvernement d’union, béni par les grandes capitales et comme l’a compris le CPL, persuadé que ses revendications seront suivies, les formateurs du gouvernement prendront le temps qu’il faudra pour le faire. Surtout s’il était destiné à gouverner, en cas de vide présidentiel.

Julien Abi Ramia

Bkerké se positionne
Le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, a annoncé mardi que «Bkerké publiera une charte nationale à l’issue de la réunion mensuelle des évêques maronites et qui se tiendra le 5 février». «Cette charte, a-t-il dit lors de ses entretiens, aura pour base les constantes, les appréhensions et les priorités nationales».
Sur l’échéance présidentielle qui approche à grands pas, le vicaire général du 
patriarcat, Mgr Samir Mazloum, a expliqué que «l’élection présidentielle est une priorité absolue à Bkerké», expliquant que «toutes les échéances sont importantes, mais ni la situation générale, ni les divisions ne devaient empêcher la tenue des élections présidentielles».
Sur la question gouvernementale, 
Mgr Mazloum s’est montré on ne peut plus clair: «Si un parti politique aussi grand que le CPL n’était pas représenté au gouvernement, alors ce gouvernement ne serait pas rassembleur», soulignant que «la communauté chrétienne devra être représentée aussi bien que les autres communautés».

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