Magazine Le Mensuel

Nº 2936 du vendredi 14 février 2014

general

American Hustle. Comme aux années 70

Après The Fighter et Silver Linings Playbook, David O. Russel revient avec American Hustle et une tête d’affiche regroupant une grande partie du casting de ses deux précédents films, respectivement Christian Bale et Amy Adams, ainsi que Bradley Cooper, Jennifer Lawrence et Robert De Niro. Une histoire d’arnaque dans l’Amérique des années 70.
 

Le film American Hustle a fait et continue de faire couler beaucoup d’encre. En raison notamment et avant tout de ses multiples nominations aux plus prestigieuses cérémonies du 7e art: dix nominations aux Oscars qui auront lieu le 2 mars, et ses trois distinctions aux Golden Globes, puisqu’il a été sacré meilleure comédie et a permis à ses deux actrices Amy Adams et Jennifer Lawrence d’obtenir respectivement les trophées de meilleure actrice dans une comédie et meilleure actrice dans un second rôle.
 

Kitsch, clinquant et décolletés
Les années 70. L’Amérique est secouée par un scandale des plus extraordinaires impliquant hommes politiques et mafieux, l’affaire Abscam. Le décor, l’intrigue et les personnages sont installés. La fiction fait le reste à travers la caméra de David O. Russel. Irving Rosenfled (Christian Bale), un escroc particulièrement brillant, se lance, en complicité avec sa petite amie, la belle et pétillante Sydney Prosser (Amy Adams), dans des arnaques financières en promettant de gros retours sur investissements à des épargnants ou en vendant de faux tableaux. Tout baigne pour eux dans l’argent et le bonheur, même si Irving est marié à Rosalyn (Jennifer Lawrence) et a adopté le fils de cette dernière. La situation se corse toutefois pour les deux complices quand ils sont arrêtés par Richie DiMaso (Bradley Cooper), un agent du FBI aux dents longues. Le marché qu’il leur propose est clair: s’ils veulent éviter la prison, ils vont devoir nager dans les eaux troubles de la mafia et du pouvoir. Le trio monte alors une histoire factice de financements pour la construction de casinos à Atlantic, dans le but de faire tomber Carmine Polito (Jeremy Renner), maire du New Jersey qui espérait par ce deal créer des milliers d’emplois. Le piège est risqué. Le développement de la situation est imprévisible; les voilà obligés de négocier avec un des plus grands gangsters des Etats-Unis, Victor Tellegio, sous les traits de Robert De Niro. Sans oublier l’ambition de moins en moins contenue de DiMaso dès lors qu’il rêve de pincer des membres du Sénat en flagrant délit de corruption. Et puis surtout, l’imprévisible épouse d’Irving, Rosalyn, qui pourrait bien les conduire tous à leur perte…
Le film s’ouvre au beau milieu de l’histoire, au premier piège tendu par le trio Irving-Sydney-Richie à Carmine Polito, maire du New Jersey, une scène finement fignolée, avant d’effectuer des allers-retours à travers le temps, de la première rencontre entre Irving et Sydney et les développements de leur histoire d’amour, en passant par l’enfance d’Irving, jusqu’à leur entrée en contact conflictuel avec Richie pour suivre les rebondissements de l’histoire. Une histoire constituée d’autant de faux-semblants, de détours et de ruses que le spectateur se plaît à découvrir progressivement, d’autant de personnages hauts en couleur, entiers, chacun allant jusqu’à l’extrême dans sa personnalité. L’occasion pour les acteurs, tous les acteurs de briller. Au risque de répéter les mêmes superlatifs, chacune des têtes d’affiche ajoute un brin de charme et de charisme au jeu d’ensemble; caméléon Christian Bale avec ses 18 kilos en plus, pétillante et sensuelle Amy Adams, hystérique et magnifique Jennifer Lawrence, fougueux et impatient Bradley Cooper… Une tête d’affiche qui, pour elle seule, vaut le détour. Tout comme la reconstitution impeccable de l’époque. Une reconstruction jubilatoire, tellement elle est réussie, à tous les niveaux, entre costumes, coiffures, décors… Tellement elle est exacerbée par une bande-son entraînante, attirante, séduisante. Une bande-son dont on a longuement parlé au Liban, puisque la jeune Libanaise Mayssa Karaa en fait partie à travers son interprétation de la chanson White Rabbit des Jefferson Airplane.
Avec sa caméra qui alterne les séquences, filmées tout près des visages, tout près des corps, au cœur des situations, sa caméra qui change rapidement de prises de vue, éloignée ou rapprochée, David O. Russel emmêle allègrement dans son film une kyrielle de genres cinématographiques, du policier, à la comédie, à la romance, au thriller, au burlesque, à la parodie… Et la critique est divisée. Le Monde souligne le «triomphe du faux et des apparences (qui) font de ce film une célébration kitsch où le scénario se tord régulièrement sous l’influence de ceux qui s’en emparent», alors que pour Libération, «tout de toc et de breloques vêtu, le film de Russel compose une chorégraphie à la séduction résolument ambivalente, aussi scintillante qu’à l’évidence contrefaite, aussi venimeuse en surface que profondément inoffensive, aussi fiévreuse qu’exténuante à force d’emballements de sa caméra qui file sans cesse en tous sens».
Effectivement, à y regarder de plus près, American Hustle pourrait facilement se présenter comme un film trompe-l’œil. Une fois passés l’euphorie et l’entrain irrépressibles de la musique, de la reconstitution de l’époque, des mouvements, des couleurs, des costumes, ce festoiement de sensations bigarrées, une fois dépassés le merveilleux et bluffant jeu des acteurs, et les personnages hauts en couleur qu’ils interprètent, il n’en reste pas grand-chose. C’est que le scénario n’est pas suffisamment étoffé face aux personnages qui le sont entièrement, complètement. David O. Russel ne s’en cache pas, il dit toujours privilégier l’étude de ses personnages face à la trame narrative. Et c’est le cas dans ce film également. D’ailleurs, quand il s’est vu confier le projet, il a réécrit une bonne partie du scénario qu’avait rédigé Eric Warren Singer, afin d’ajouter de la «chair» aux personnages, selon le site Allociné.
Mais au-delà de ce défaut d’un scénario quelque peu confus et décousu, American Hustle arrive à peindre avec merveille cet «American Dream» des années 70, ses illusions et ses désillusions, ses enchantements et ses désenchantements. Peut-être un peu trop de clinquant et de paillettes. Mais l’effet général reste jouissif, euphorique, entraînant.

Nayla Rached

Circuits Empire et Planète – Grand Cinemas.

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