Magazine Le Mensuel

Nº 2940 du vendredi 14 mars 2014

Affaire Déclassée

Mandat Camille Chamoun. Opération mains propres décevante

Après l’indépendance et le renouvellement du mandat de Béchara el-Khoury, qui a suscité de vives polémiques, les Libanais attendaient une ère nouvelle avec l’élection du président Camille Chamoun. Mais les choses ne sont pas simples et encore moins faciles.
 

L’accession au pouvoir de Camille Chamoun est accueillie par la population comme une promesse de redressement général. Sous le signe de l’unité nationale, le mandat est prometteur. Entre la fin de 1952 et le début de 1954, l’épuration tenait une place prioritaire. Cependant, les problèmes hérités continuent à influer sur la scène politique.
Le 28 janvier 1954, une épuration est prévue dans la police municipale. Le nouveau chef, le capitaine Youssef Haraké, révoque vingt-deux commissaires et policiers pour des motifs disciplinaires et prend des mesures concernant le fonctionnement de ce service. Ainsi tout fonctionnaire qui s’absente sans motif justifié est considéré démissionnaire.
Il donne des instructions strictes sur l’application des lois. La police municipale lance à Beyrouth une campagne contre la mendicité et le vagabondage et procède au démantèlement d’un gang d’enfants spécialisés dans les vols de magasins et d’appartements. Autant de décisions qui boostent le travail de la police municipale et promettent une ère nouvelle.
Quelques jours plus tard, d’autres mesures s’ajoutent aux premières et portent cette fois sur l’hygiène dans les restaurants et la chasse aux produits frelatés. La police municipale effectue des descentes dans les restaurants de la ville et saisit des quantités d’ustensiles d’une saleté repoussante. La question ne touche pas seulement à l’hygiène simple non respectée dans la plupart des restaurants qui ont fait l’objet de visites, mais elle met la main aussi sur de la viande de chameau servie en viande de bœuf. Des mesures sérieuses sont appliquées. Neuf restaurants sont mis sous scellés. L’un d’entre eux servait de lieu de rencontres galantes et un autre de quartier général à de jeunes délinquants. Plusieurs ont été frappés de lourdes amendes et menacés de fermeture en cas de récidive.
Les mesures de la police municipale ne s’arrêtent pas là. Les contraventions immobilières sont sur la liste et une campagne contre les jeunes délinquants est lancée. Vingt-trois mineurs accusés de vols sont condamnés à trois ans de prison et cinquante-cinq jeunes vagabonds en prennent pour un à trois mois de détention.
Ces mesures prouvent l’importance de s’occuper des jeunes délinquants en difficulté. Les associations huma-nitaires et féminines réclament alors la création de tribunaux pour mineurs. Mais si ces mesures sont plutôt rassurantes pour la population, elles ne le sont pas pour les gangs. Des lettres de menaces anonymes parviennent au directeur de la police municipale, et un ancien agent, qui avait laissé construire illégalement un étage, tente même de l’assassiner.
Les autorités sont prêtes à poursuivre leur campagne pour ramener l’ordre dans tout le pays et éviter tout dérapage. Le 27 avril 1954, des centaines de policiers et de gendarmes descendent dans les rues ramasser les armes qui commencent à circuler. Ils fouillent les passants et les passagers des voitures. Cependant, les attentes ne sont pas à la hauteur de la chasse des policiers qui n’ont trouvé que trois revolvers et deux couteaux!
Après un répit de trois mois et demi, c’est au tour des fumeries clandestines. Une rafle est organisée dans la capitale et elle aboutit à l’arrestation de vingt toxicomanes. Ainsi, toutes ces mesures sont restées en fin de compte bien au-dessous des espérances et l’affaire n’est pas allée plus loin.

Arlette Kassas

Les informations de cet article sont tirées du Mémorial du Liban – le mandat Camille Chamoun, de Joseph Chami.

Un «ripou» arrêté
Le 13 février 1953, l’ancien directeur de la police, Nasser Raad, est arrêté pour avoir obligé des préposés à détourner des fonds en sa faveur. Il est condamné en avril 1954 à six mois de prison avec sursis et à une amende de 35 000 livres. Entre juillet 1953 et juillet 1954, les douanes ont opéré 1 594 saisies dont 6 mitraillettes, 4 fusils, 28 revolvers, 2 299 balles, 39 129 paquets de cigarettes, 583 Kg de tabac libanais, 20 lingots d’or, 1 124 livres d’or, 642 Kg d’opium 
et 307 Kg de stupéfiants divers.

Related

Samir Kassir, sept ans déjà. Les assassins courent toujours

Le mystère d’Antoine Ghauche. Un marin disparu en mer

Ministère des Déplacés. Des scandales révélés après treize ans

Laisser un commentaire


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.