Magazine Le Mensuel

Nº 2940 du vendredi 14 mars 2014

Le Saviez-Vous

Mariage précoce ou viol. Les victimes témoignent

Quatorze millions de filles meurent chaque année dans le monde du fait d’un mariage précoce ou d’un viol, selon les chiffres des associations mondiales. La Commission nationale pour la femme libanaise a lancé récemment une campagne pour la protection des mineures.
 

Dans certaines sociétés, le mariage précoce est chose courante. Entre l’âge de 12 et 15 ans, l’adolescente est forcée par son père à un mariage contre son gré avec l’homme qu’il lui impose. Les suites de ces mariages sont, dans la majorité des cas, catastrophiques sur le double plan physiologique et psychique.
Avec les lois communautaires qui gèrent le statut personnel au Liban, la société a échoué à protéger les filles du mariage précoce. Le vide législatif est criant à ce sujet, les communautés religieuses s’étant appropriées le statut personnel et ayant légiféré chacune de son côté sur l’âge du mariage.
Des appels sont lancés en vue d’interdire les mariages de mineures de moins de dix-huit ans. Si celles-ci doivent attendre cet âge pour obtenir un permis de conduire, elles doivent, à plus forte raison, le faire pour disposer de leurs vies à leur guise.
Des cas de mariages de mineures ne manquent pas. Eva, 14 ans; Fatmé, 11 ans; Linda, 13 ans et Zeinab, 15 ans offrent des témoignages poignants… Eva a été enlevée devant la maison de ses parents dans la banlieue sud de Beyrouth par Rached et son père, dans le but de se faire rembourser une dette contractée par le père de la jeune fille. Le pire est qu’un cheikh a accepté de marier Rached et Eva hors de la présence du père de cette dernière. Un procès est en cours sur l’affaire. Linda, enlevée depuis plus de six mois et mariée à son ravisseur, appartenant à une communauté religieuse différente de la sienne, est enceinte de plusieurs mois. Le père de la jeune fille refuse de donner son consentement et l’époux est arrêté.

 

Que dit la loi?
Les articles 34 et 35 de la Convention sur les droits de l’enfant imposent aux gouvernements de protéger celui-ci contre toutes formes d’exploitation ou de violence sexuelles, et de prendre toutes les mesures pour empêcher l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants. Le protocole facultatif sur la vente d’enfants, leur prostitution et la pornographie impliquant des enfants complète la convention en demandant aux Etats de mettre fin à l’exploitation et à la violence sexuelles contre les enfants.
L’article 505 du Code pénal rend quiconque «ayant accompli l’acte sexuel avec une mineure de moins de quinze ans, passible d’une peine de quinze années maximum de travaux forcés. Cette peine sera d’une durée d’au moins cinq ans, si la victime n’a pas atteint l’âge de douze ans accomplis. Et pour un acte sexuel avec une personne mineure de plus de quinze ans et de moins de dix-huit ans, la peine d’emprisonnement sera d’une durée variant entre deux mois et deux ans». L’article 495 du Code pénal est clair: «Quiconque aura enlevé ou détourné, même avec son consentement, un mineur n’ayant pas accompli sa dix-huitième année, en vue de le soustraire à l’autorité de la personne investie de l’autorité paternelle ou du droit de garde sera puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de vingt-cinq à cent livres. La peine sera les travaux forcés à temps si le mineur n’avait pas douze ans révolus ou s’il a été enlevé ou détourné par la fraude ou la violence».
Le Code pénal libanais punit aussi le ministre du culte qui procéderait au mariage d’un mineur de dix-huit ans sans le consentement du détenteur de la puissance paternelle ou du juge qui célébrerait un mariage avant l’accomplissement des publications ou autres formalités légales. Les représentants des parties et leurs témoins sont passibles des mêmes peines.

Arlette Kassas

Enlèvement de mineures
Dans la seule région de la banlieue sud, vingt procès ont été intentés au cours de l’année 
écoulée portant sur l’enlèvement de mineures dans le but du mariage. Plusieurs autres cas sont 
enregistrés dans la Békaa et au Nord.  

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