Depuis son indépendance, le Liban a été confronté à de nombreux défis politiques et sécuritaires. Entre cellules terroristes et réseaux d’espionnage, les autorités libanaises ont eu du pain sur la planche, mais les affaires ne sont jamais allées trop loin, comme en témoigne l’attentat de la place Sassine, en 1959. Retour sur l’histoire.
Après l’insurrection de 1958, les incidents se sont multipliés et le jeune Etat libanais s’est vu confronté à des problèmes de plus en plus difficiles.
Le 5 août 1959, les autorités arrêtent Georges Nasr, auteur d’un attentat commis quelque temps plus tôt place Sassine, à Achrafié. Ses révélations sont choquantes. Il évoque l’implication de certaines personnalités dans des attentats perpétrés à la même époque. La presse se saisit de l’affaire et commence à creuser. Des accusations politiques sont lancées. Elles visent tantôt le Parti populaire syrien (l’actuel PSNS), tantôt le Parti national libéral (PNL).
Georges Nasr avait été l’une des victimes du tramway de Nasra. Le 26 mai 1958, au niveau de la station Nasra, près du Lycée français, rue de Damas, le tramway 112, bondé, a été soufflé par une bombe placée dans une valise abandonnée. Bilan: quatre tués et dix-huit blessés.
Nasr a fait des révélations impliquant des milieux politiques. Le député Henri Traboulsi du PNL et Sobhi Abou Eid du PPS n’apportent cependant aucun élément nouveau à l’enquête. Mais, à la suite de ces révélations, le 24 août 1959, six terroristes sont arrêtés à Achrafié. Les autorités saisissent des explosifs dans un appartement de la rue Zahar dans le même quartier. Ils sont reconnus responsables de certains attentats à la bombe commis dans différentes régions. Condamnés le 5 novembre 1959 à des peines de travaux forcés de trois à cinq ans, la Cour de cassation militaire confirme le jugement, le 29 décembre.
Espions israéliens
La situation sécuritaire semblait se normaliser pendant un certain temps, mais d’autres cellules terroristes réapparaissent. Le
9 février 1963, une enquête menée dans le plus grand secret aboutit au démantèlement d’un réseau basé à Tripoli. Il s’est avéré que les terroristes planifiaient des actes contre des édifices publics.
Les autorités se démènent entre terrorisme et espionnage. Les tentatives d’un retour à l’Etat butaient contre des obstacles majeurs. Les ordres vont dans le sens du démantèlement de tout ce qui peut nuire d’une façon ou d’une autre à la sécurité.
Début octobre 1959, un réseau d’espionnage pro-israélien est démantelé. Le juge d’instruction Nagib Kfoury lance un mandat d’arrêt contre Toufic Mizrahi, directeur du Commerce du Levant. Il interroge aussi le commerçant Elie Lévy, Fayek Khoury, journaliste, Amine Zeytouni, inspecteur à la Sûreté générale, Mohammad Zayour, reporter, et Samir Salem, ex-informateur des services de renseignements syriens, tous accusés d’être impliqués dans ce réseau. C’est une période pendant laquelle des milliers de juifs décident de quitter le Liban pour Israël. L’enquête dure six mois, mais elle n’est pas concluante. Le 8 avril 1960, faute de preuves, le Tribunal militaire acquitte les inculpés.
L’affaire s’arrête là. Mais en juin 1962, un autre réseau d’espionnage est découvert. La peine de mort est requise contre ses vingt-sept membres. L’enquête révèle qu’ils opéraient en Syrie et au Liban et étaient dirigés par Jamil Karah. Ils fournissaient à Israël, depuis 1954, des renseignements militaires, économiques et politiques sur les deux pays.
Sous le mandat du président Fouad Chéhab, plusieurs affaires de ce type ont dû être traitées, mais la situation encore précaire dans le pays ne permettait pas d’aller trop loin, et la plupart des affaires n’ont pas abouti et de nombreux suspects ont été graciés.
Arlette Kassas
Les informations citées dans cet article sont tirées du Mémorial du Liban – le mandat Fouad Chéhab, de Joseph Chami.
La Brigade 16
Après les événements de 1958, l’état de
sécurité exigeait des mesures exceptionnelles. Le 11 mars 1959, la Brigade 16 de la police voit le jour. Sa mission est d’intervenir 24/24h dans tous les cas d’urgence. Elle regroupe cent agents spécialement entraînés, auxquels s’ajouteront cent autres. Elle devait seconder les soixante patrouilles de police chargées de la sécurité à Beyrouth.