Cette semaine, la presse étrangère met le doigt sur plusieurs sujets soulevés par la commémoration de la guerre civile, mais que l’actualité sociale et présidentielle a relégués au deuxième plan.
Libération
Au garde-à-vous
Libération dresse le portrait des combattants du Hezbollah engagés en Syrie.
Sur le marché de Bint Jbeil au Liban-Sud, Mahmoud pousse sa charrette à bras remplie de tomates et de concombres. Rien ne le distingue des autres marchands, à part ses faits d’armes au sein du puissant Hezbollah. Pour ce quinquagénaire trapu à la barbe rousse, la «résistance» à laquelle il a participé dans cette ville frontalière à la guerre contre Israël en 2006 est presque de l’histoire ancienne. Il vient de rentrer d’un autre front: la Syrie, où il a combattu durant vingt-cinq jours contre les rebelles engagés depuis trois ans contre le président Bachar el-Assad. Marchands ambulants, agriculteurs, restaurateurs, infirmiers, chômeurs, commerçants ou étudiants, ils ont tout abandonné pour participer à ce qu’ils décrivent comme une «bataille existentielle» face aux extrémistes sunnites qualifiés de «takfiris». «Quand le parti m’a demandé d’y aller, j’ai obtempéré. J’ai laissé mon travail et je suis parti pour empêcher les takfiris d’arriver au Liban», assure Mahmoud. «J’ai combattu dans plusieurs régions et nous avons fait prisonniers des combattants arabes et d’autres nationalités», ajoute-t-il.
The Economist
Toujours pas de manuel d’histoire
Toujours sur ce thème du souvenir, The Economist revient sur la polémique autour de la rédaction du livre d’histoire.
L’histoire est écrite par les vainqueurs, a dit Churchill. Il n’y a pourtant pas eu de gagnant au sortir de la guerre qui s’est achevée par un accord complexe de partage du pouvoir. Plus de deux décennies plus tard, le pays a encore du mal à décrire ce qui s’est passé entre 1975 et 1990. La plupart des manuels scolaires d’histoire prennent fin en 1946, deux ans après l’indépendance. La promesse d’écrire le tome suivant de l’histoire nationale faisait partie de l’accord de Taëf. Mais personne n’arrive à s’entendre sur ce qu’il faut inclure. Les membres du comité de travail sur le livre d’histoire sont en désaccord sur l’histoire à raconter, sur les bourreaux et sur ceux qui méritent le titre de «martyrs». Après avoir été confisqué de leur champ d’étude par les rivalités politiques, les historiens tentent de reprendre la main. Il y a encore beaucoup de travail…
The New Yorker
Le TSL tombé dans l’oubli
Troisième titre à traiter du sujet, le mensuel américain de référence The New Yorker qui rappelle ses lecteurs au bon souvenir du Tribunal spécial pour le Liban. En tant que premier tribunal international à traiter le terrorisme comme un crime distinct, le TSL marque un tournant, non seulement pour le Liban mais aussi pour le droit international. Les tribunaux internationaux sont souvent critiqués, mais le TSL fait face à une critique de principe: le Hezbollah, dont cinq de ses membres présumés ont été cités à comparaître, et qui clame son innocence, refuse de les remettre à la justice parce qu’il ne reconnaît pas la légitimité de la cour. Pour certaines associations qui demandent des comptes aux autorités libanaises sur les victimes de la guerre civile, la mise en place du TSL a ravivé l’espoir d’une justice tous azimuts. «Tout comme la communauté internationale peut mettre la pression pour former un gouvernement ou élire un président, ils peuvent aussi faire pression sur les autorités pour mettre fin à l’impunité des acteurs de la guerre toujours en place».
The Wall Street Journal
Un mois pour convaincre
Le journal économique américain The Wall Street Journal consacre un portrait élogieux du nouveau ministre des Télécoms, Boutros Harb.
«Je pars de zéro», confie-t-il en pointant du doigt ses prédécesseurs. Avec l’une des connexions Internet les plus lentes et les tarifs de communication les plus chers du monde, et avec l’exode des ingénieurs libanais en télécommunications hautement qualifiés, quittant le pays pour profiter de meilleures opportunités, le travail de ministre des Télécommunications est un poste difficile au Liban. Son nouveau titulaire Boutros Harb a un peu plus d’un mois pour mettre en œuvre les réformes nécessaires. Il a déjà réduit de 50% les tarifs des appels locaux et internationaux et il s’est mis en tête de mettre en œuvre une loi votée en 2002 qui ouvrirait les portes à la privatisation des services de télécommunications. Autre piste de travail, les vitesses de connexion si décriées. «J’espère pouvoir obtenir des résultats dans un mois. Les câbles à fibre optique sont déjà prêts. Il ne reste plus qu’à les installer».
The Weekly Standard
Le calvaire des réfugiés
L’hebdomadaire conservateur américain, The Weekly Standard, fait le point sur les solutions alternatives à la question des réfugiés de Syrie.
Le père Paul Karam, président de Caritas Liban, propose que la communauté internationale ouvre des camps de réfugiés en territoire syrien. Il souligne que le nombre de réfugiés syriens sur le territoire libanais a atteint un seuil insoutenable pour le pays. Ces derniers jours, les sources officielles de l’Onu ont confirmé que les réfugiés syriens enregistrés au Liban ont dépassé le million de personnes. Le père Karam parle d’un million et demi de réfugiés, représentant de 25 à 30% de la population libanaise. «Les puissances mondiales et régionales, au lieu de fournir des armes à ceux qui tuent, devraient concentrer leurs interventions sur cette situation d’urgence», a-t-il martelé. Le père Karam a ainsi repris la proposition lancée par le patriarche d’Antioche des maronites, le cardinal Béchara Boutros Raï, dans ses récentes interventions à Genève. «En Syrie, explique le prêtre libanais, il existe de vastes régions qui ne sont pas touchées par le conflit, où peuvent être installés des camps de réfugiés ou des stations de secours et d’assistance».
The Independent
Le sort des disparus
Le souvenir de la guerre civile, commémoré le 13 avril, a conduit le quotidien anglais The Independent à s’intéresser au sort des disparus de la guerre:
Près de trois décennies après le début de la guerre civile libanaise, les familles de disparus ont obtenu une grande victoire. Sollicité par elles, le Conseil de la Choura, la chambre haute du Parlement libanais, a jugé que les familles devraient être en mesure d’obtenir des copies de tous les documents obtenus par la commission d’enquête mise en place sur cette question en l’an 2000. La symbolique est encore plus forte, l’instance a enfin reconnu aux familles le droit de savoir ce qui est arrivé à leurs proches. Les associations qui accompagnent ces familles le disent toutes: les autorités ont longtemps été réfractaires à rouvrir le dossier des disparus. Le risque de rouvrir de vieilles blessures, leur disait-on jusqu’alors. La vérité, c’est que certains des auteurs présumés de ces crimes sont encore présents dans la vie publique.
Slate
Jurisprudence historique
Le site Slate revient sur une récente évolution juridique qui concerne le statut des homosexuels au Liban.
Le 29 janvier, un juge a acquitté une transsexuelle, inscrite dans le registre d’état civil comme étant de sexe masculin et accusée d’«avoir des relations sexuelles contre nature» avec des hommes – une première dans le pays et dans le monde arabe. Le magistrat s’est fondé dans son jugement sur les dispositions de la Constitution qui garantit «l’égalité entre tous les Libanais», mais aussi sur la résolution, non contraignante pour le Liban, du Conseil onusien des droits de l’homme du 17 juin 2011, prévoyant la «lutte contre les atteintes aux personnes sur base de leurs orientations sexuelles». Le texte va même plus loin en évoquant la question de l’identité des genres. Il souligne que celle-ci ne peut être définie uniquement par des documents officiels, en référence au cas de transsexualité déféré au tribunal, mais qu’elle dépendait aussi de l’évolution de la personne et de sa propre perception de son sexe.
Julien Abi Ramia
Top Thèmes
Cette semaine, le Liban s’est inséré de manière originale dans l’actualité italienne avec l’arrestation à Beyrouth de l’ex-sénateur Marcello Dell’Utri, cofondateur du parti de l’ex-chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi, en cavale sous le coup d’une condamnation pour complicité avec la mafia.
Autre information largement relayée par les médias étrangers, la reprise par l’armée syrienne de la ville de Rankous, dans la région du Qalamoun, à la lisière de la frontière libano-syrienne.