Un concert intitulé Endless Romance a été dernièrement présenté à la cathédrale des Pères capucins, pour saluer le génie des deux grands compositeurs, Johann Sebastian Bach et Robert Schumann. Le Quatuor Musique del Tempo, accompagné par la pianiste internationale Tatiana Primak Khoury et le contrebassiste Bassem el-Jaber, a interprété leurs meilleures œuvres.
Deux œuvres ont enchanté l’audience: la première de Johann Sebastian Bach, Concert pour piano en sol mineur BWV 1058, et la seconde Quintette pour piano, opus 44, de Robert Schumann. L’événement, réalisé à l’initiative de la présidente du centre culturel Selecteum des Arts et des Sciences, Dédé Hourani, était un pur envoûtement.
Le Quatuor, la pianiste et le contrebassiste formaient un ensemble harmonieux mélangeant leur grande aptitude d’interprétation de haute performance à l’ambiance solennelle de la cathédrale, ce qui donnait l’impression d’un jeu au caractère orchestral qui a ravi l’audience nombreuse formée de mélomanes avertis, parmi lesquels Hester Somsen, ambassadeur des Pays-Bas, le Dr Martha Ines Pizzanelli, ambassadeur d’Uruguay, Han Jing, conseiller politique à l’ambassade de Chine au Liban, Chen Zhonglin, attaché culturel à l’ambassade de Chine au Liban, et son épouse, ainsi que le révérend père supérieur Abdallah Noufaili, et de nombreuses personnalités du monde culturel et artistique.
Parmi les nouveaux genres apparus au dix-septième siècle, le concerto est l’un des derniers à avoir été établi. Les sept concertos pour clavier seul de Bach ont été composés à Leipzig, et ont marqué son retour à la musique instrumentale après qu’il eut été nommé Cantor de l’église de Saint-Thomas et de la Thomasschule en 1723. Pratiquement, toute la musique des sept concertos de Bach provient d’un matériau déjà existant.
Les mouvements lents des concertos pour clavier de Bach contiennent des passages qui sont parmi les plus expressifs et les plus émouvants de son œuvre. Quant aux mouvements centraux du concerto du sol mineur, ils contiennent des cantilènes ravissantes et riches en agréments. Une construction intéressante que l’on rencontre dans les mouvements lents des quatre premiers concertos et l’insertion d’une mélodie solo entre un passage d’ouverture et de conclusion.
Le dernier mouvement de ce concerto en sol mineur a une mesure 9/8 qui rappelle la gigue, et il commence par une exposition fuguée.
Tout en respectant l’esthétique baroque d’«unité de passion» (garder le même sentiment tout au long du morceau), les concertos pour clavier de Bach font état d’une grande diversité de procédés de composition et se distinguent par une richesse d’expression sans parallèle à cette époque. Qu’ils dérivent tous d’œuvres existantes ne fait que refléter les ressources de cet incroyable génie.
Le Quintette opus 44 de Schumann, c’est sa grande œuvre qui est une réussite brillante. Là où le piano intervient avec autorité, Liszt disait: «Elle sent un peu trop son Leipzig». Cette réflexion n’est peut-être justifiée que pour les passages canoniques du final. Mais le jaillissement des trois thèmes de l’allegro initial est d’une force parente de celle du concerto. La marche mi-funèbre, mi-fantastique du second morceau est du plus authentique Schumann. Et le Scherzo, s’il est peut-être moins riche musicalement, n’en est pas moins directement issu de la fantaisie la plus pure d’Eusebius et de Florestan.
On a tant parlé de Schumann et de son Quintette qu’on imagine que c’est avec son sang, ses racines, ses attaches qu’il a écrit cet unique Quintette. Schumann aurait pu nous laisser des cylindres où nous nous acharnerions à retourner la magie de ses doigts. Il nous laisse bien mieux: une œuvre écrite, où nos prestidigitateurs aujourd’hui, surmontent en se jouant l’insurmontable même, mais avec Tatiana Primak il n’y a pas de problèmes à essayer de suivre le mouvement de ses doigts grâce à sa grande virtuosité et à cet excédent de technique, qui apparente la liberté, conquise sur l’ascèse infinie du travail et la légitimité charismatique des interprètes du fameux Quatuor Musique del Tempo, dont la virtuosité légendaire n’éclipse pas la nature mais l’exalte pour communiquer à l’auditeur le sentiment sublime du compositeur.
Le concert a été couronné par un vin d’honneur au jardin de la cathédrale.