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Nº 2947 du vendredi 2 mai 2014

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Le dimanche à quatre papes. Jean-Paul II et Jean XXIII dans le Livre des Saints

Le «dimanche à quatre papes» restera sans aucun doute gravé pour longtemps dans les mémoires. Le pape François, assisté de Benoît XVI, a procédé à la double canonisation de Jean XXIII et Jean-Paul II, devant une foule immense.

Ils seront venus en masse. Pour ce dimanche historique que certains ont, d’ores et déjà, baptisé le «dimanche à quatre papes», les fidèles n’ont pas manqué d’affluer de toute part. Selon le Vatican, pas moins de 800 000 personnes se seraient déplacées pour assister à la canonisation de deux papes marquants pour l’Eglise, Jean XXIII et Jean-Paul II.
Il faut dire que ce dimanche est bel et bien exceptionnel. Jamais, jusqu’à présent, deux papes n’avaient été canonisés en même temps. Mais le plus incroyable aura sans doute été la présence simultanée sur la place Saint-Pierre, du pape émérite Benoît XVI, et de son successeur, le pape François.
Dès la semaine dernière, les pèlerins avaient afflué au Vatican, dans la joie et la bonne humeur, le tout empreint de prières. Les groupes sont joyeux, chantent, se retrouvent, partagent leurs prières, et surtout leurs émotions de voir élever des papes, qui ont compté pour leur foi, au rang de saints.
Sur la place Saint-Pierre, noire de monde dès samedi – certains pèlerins ayant décidé de dormir sur place, pour être sûrs d’assister aux célébrations – deux grands portraits d’Angelo Roncalli et Karol Wojtyla, sont érigés. De nombreuses banderoles sont brandies par les pèlerins, dont celle-ci, sur laquelle on peut lire «Deux papes saints au ciel, deux papes sur la place Saint-Pierre».
Dès le matin de dimanche, les fidèles et les cortèges de religieux affluent. Parmi eux, le pape émérite à la retraite, Benoît XVI, arrive, salué par la foule qui l’applaudit longuement. Coiffé d’une mitre et vêtu de blanc, il prend place à la gauche de l’autel. Il participera d’ailleurs à la célébration de la messe. Cette image, sans nul doute,
restera gravée dans l’esprit des chrétiens du monde entier. A son arrivée, le pape François lui donnera d’ailleurs une accolade remarquée.
 

«Deux hommes courageux»
A 10 heures, la messe débute. La double canonisation des deux papes Jean XXIII et Jean-Paul II intervient au début de la cérémonie. «En l’honneur de la très Sainte Trinité, pour l’exaltation de la foi catholique et pour le développement de la vie chrétienne, avec l’autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des saints apôtres Pierre et Paul, et la Nôtre, après avoir longuement réfléchi et invoqué à plusieurs reprises l’aide divine et écouté l’avis de beaucoup de nos frères dans l’épiscopat, nous déclarons et nous définissons saints, les bienheureux Jean XXIII et Jean-Paul II. Nous les inscrivons dans le Livre des Saints et nous décrétons qu’ils doivent être vénérés avec dévotion dans toute l’Eglise», déclare solennellement le pape François, en latin. Une formule qui sera acclamée par la foule réunie, tandis que les cloches des églises se mettent à carillonner en chœur.
François entame ensuite son homélie, très attendue. Le souverain pontife rend hommage à «deux hommes courageux», porteurs, chacun à sa manière «d’une espérance vivante». Pour lui, saint Jean XXIII et saint Jean-Paul II ont contribué à «restaurer et actualiser l’Eglise selon sa physionomie d’origine».
A l’issue de la cérémonie, le pape argentin s’est prêté à un bain de foule, à bord de sa papamobile découverte pour l’occasion. Toujours proche des fidèles et des jeunes en particulier, le Saint-Père n’a pas manqué de bénir et de saluer la foule, s’arrêtant même pour embrasser deux bébés tendus à bout de bras par leurs parents.
Avant ce bain de foule, le pape François a reçu la longue liste de délégations étrangères venues spécialement pour l’occasion. Le Vatican a ainsi annoncé la présence de 98 représentations, dont certaines de haut niveau. On a aussi pu voir dans les rangs de l’assistance, le président du Zimbabwe, le très décrié Robert Mugabe, le fondateur de Solidarnosc, Lech Walesa, au cœur d’une très importante délégation polonaise, le Premier ministre intérimaire de l’Ukraine, Arseni Iatseniouk, le président italien Giorgio Napolitano, ainsi que le Premier ministre Matteo Renzi, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, le Premier ministre français Manuel Valls, et bien d’autres encore. Les familles royales européennes étaient également représentées au plus haut niveau, avec le roi et la reine d’Espagne, l’ancien roi des belges, Albert II, les princes du Liechtenstein, etc. Les pays africains sont aussi venus en nombre avec les présidents du Gabon, de la Guinée équatoriale, du Cameroun.
 

Le Liban présent en force
Le Liban était bien évidemment représenté, et ce, au plus haut niveau. Le
président Michel Sleiman et son épouse, Wafaa, ont assisté à la cérémonie de canonisation, accompagnés, comme il se doit, du patriarche maronite Béchara Raï, le patriarche des syriaques-catholiques Youssef III Younan, mais aussi par le vice-président du Conseil et ministre de la Défense, Samir Mokbel, le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, des délégations de la Fondation maronite dans le monde et de la Ligue maronite, le vicaire patriarcal à Rome, François Eid, ou encore le père Tony Gebran. La veille, Mgr Raï avait célébré une messe à l’occasion du centenaire de l’église Saint-Maron à Rome.
A l’issue de la cérémonie de canonisation, Michel Sleiman et son épouse ont salué le Saint-Père qui a souhaité «paix et coexistence fraternelle au peuple libanais», reprenant ainsi le message de Jean-Paul II.
Sur la place Saint-Pierre, les pèlerins libanais étaient aussi venus en masse. Du Liban bien sûr, mais aussi de tous leurs pays d’adoption, que cela soit en Europe, ou en Amérique. Entre 7 000 et 15 000 pèlerins avaient fait le déplacement, arborant fièrement le drapeau frappé du Cèdre. Il n’était pas question pour eux de manquer la canonisation de Jean-Paul II, le pape si cher à leur cœur, qui leur avait rendu une visite inoubliable en 1997. Parmi eux, de nombreux jeunes, qui avaient pu l’approcher de près lors d’une rencontre à Harissa, ou encore des couples mariés, qui se sont placés sous la protection de Jean-Paul II, ardent défenseur de la famille. Nombre d’entre eux sont d’ailleurs allés se recueillir sur la tombe du pape polonais, à l’entrée de la basilique du Vatican.
L’Eglise compte donc deux nouveaux saints. Les chrétiens pourront désormais les célébrer, chaque année, le 22 octobre pour saint Jean-Paul II et le 11 octobre pour saint Jean XXIII.

Jenny Saleh

Le second miracle de saint Jean-Paul II
Certains ont pu s’interroger en la voyant remettre la relique de saint Jean-Paul II au pape François. Elle, c’est Floribeth Mora Diaz, la miraculée costaricienne du pape polonais. C’est grâce à ce 2nd miracle – après la guérison d’une religieuse atteinte de Parkinson – que le processus de canonisation de Jean-Paul II a pu se faire. Aujourd’hui âgée de 50 ans, Floribeth est mère de quatre enfants. Alors qu’on lui diagnostique un anévrisme dans le cerveau, inaccessible pour les chirurgiens de son pays, à moins de se faire opérer à l’étranger,elle n’a plus qu’un mois à vivre.  «Le 1er mai 2011, à 2h du matin, je me suis réveillée et j’ai assisté avec ferveur à la cérémonie de béatification de Jean-Paul II à la télévision, puis je me suis rendormie», explique-t-elle. «Au réveil, je me sentais mieux. J’ai entendu une voix qui me disait: ‘‘Lève-toi’’. J’entendais mais je voyais qu’il n’y avait personne dans la chambre, que j’étais seule. J’ai entendu de nouveau: ‘‘Lève-toi, n’aie pas peur!’’. Elle répond alors «Oui Seigneur». Quelque temps plus tard, alors que sa santé s’améliore, elle subit une résonance magnétique. Le médecin n’en croit pas ses yeux. L’anévrisme a disparu. Floribeth conclut que sa guérison est le fruit de l’intercession de Jean-Paul II. En novembre 2011, un document officiel attestera de sa guérison «sans explication scientifique».

Les canonisations en chiffres
800 000 visiteurs à Rome, dont 600 000 rien que sur la place Saint-Pierre.
2 milliards de téléspectateurs dans le monde ont regardé la messe de dimanche.
500 cinémas gratuits dans vingt pays ont retransmis la messe.  
9 satellites d’Eutelsat ont été mobilisés à cet effet.
61 délégations étrangères présentes.
24 chefs d’Etat se sont déplacés 
en personne.
150 cardinaux présents.
1 000 évêques.
85 kilomètres de cars de visiteurs garés les uns derrière les autres.
4 millions de bouteilles d’eau distribuées lors du week-end aux pèlerins.

Raï avec François en Terre sainte
On apprend que le patriarche maronite Mgr Béchara Raï accompagnera le pape François lors de son premier déplacement en Terre sainte, du 24 au 26 mai prochain. Mgr Boulos Sayyah sera également du voyage. Il a d’ailleurs précisé au quotidien al-Joumhouria qu’il s’agira bien «d’une visite pastorale» sans aucun projet politique.
«Mgr Raï ne voyage pas pour une raison politique ou pour normaliser les relations avec Israël. Tout chrétien du Moyen-Orient a le droit de se rendre en Terre sainte».
Par ailleurs, en marge des canonisations de dimanche, la radio Voix du Liban a révélé que le Liban serait la première étape de la tournée des reliques des nouveaux saints, Jean XXIII et Jean-Paul II, qui débutera le 16 mai.

Jean XXIII, le bon pape
 Moins connu et sans doute moins médiatisé à l’époque que Jean-Paul II, Jean XXIII n’en a pas moins marqué l’Eglise. De lui, le pape François dira, à son retour des Journées mondiales de la Jeunesse au Brésil, l’an dernier, que c’est «un courageux, un bon prêtre de campagne, avec un sens de l’humour si grand, et une grande sainteté!». «C’est un grand! Ensuite, il y a l’homme du Concile: c’est un homme docile à la voix de Dieu; cela lui est venu du Saint-esprit».
Angelo Roncalli voit le jour à Sotto, dans le nord de l’Italie, le 25 novembre 1881. Nommé évêque en 1925, il entame une carrière de fin diplomate qui le conduira de la Bulgarie à Istanbul, puis à Paris, où il officie en tant que nonce apostolique de 1945 à 1953. Il jouera, à l’époque, un rôle important dans le plan de partage de la Palestine approuvé aux Nations unies en 1947.
Parmi ses autres faits d’armes, en Turquie cette fois pendant la Deuxième Guerre mondiale, le sauvetage de milliers de Juifs d’Europe de l’Est, à qui il fait distribuer des certificats de baptêmes ou de conversions. En 1953, il est nommé patriarche de Venise. En 1954, cardinal, il visite le Liban pour y clôturer l’année mariale, au nom de Pie XII. Ses pairs le feront pape en 1958. Il a alors 77 ans. Il règnera sur l’Eglise jusqu’en 1963, emporté par un cancer.
S’il ne dirige l’Eglise que pendant cinq ans, cela lui suffira tout de même pour mener une grande révolution, qui surprendra le monde, mais aussi les cardinaux réunis autour de lui. Le Concile de Vatican II, c’est lui.
«Je veux ouvrir la fenêtre de l’Eglise afin que nous puissions voir ce qui se passe dehors et que le monde puisse voir ce qui se passe chez nous», dira-t-il, en ouverture du Concile. L’Eglise actuelle est, en quelque sorte, l’héritage laissé par Jean XXIII. Le Concile Vatican II qu’il a initié permettra l’abandon du latin dans les offices, au profit des langues parlées dans chaque pays. Il signera aussi l’arrêt du port obligatoire de la soutane, la mise en valeur de la mission des laïcs, l’ouverture aux autres religions et aux non-croyants, entre autres.

 

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