Lorsqu’il s’agit du Liban, la presse internationale oscille invariablement entre mince espoir et tableau apocalyptique. Cette semaine, elle penche du mauvais côté de la balance.
Financial Times
Le Liban au bord du précipice
Sombre entrée en matière dans le vif du sujet avec un long article du Financial Times, signé par l’une des plus brillantes signatures spécialisées en politique étrangère de l’institution, David Gardner. Des mots qui frappent dans le tas.
Les impasses politiques, la torpeur économique et les machinations du Hezbollah poussent encore une fois le carrefour du Moyen-Orient au bord de l’effondrement. Les Libanais ont une tolérance malsaine mais élevée du chaos. L’amnésie est quasiment considérée comme une vertu civique et l’absence d’un Etat en mesure de fournir un minimum de sécurité est justifiée par l’esprit échevelé du pays: brutalement mercantile, entrecoupé par la fête mais ponctué par des tranches de chaos.
Le Liban est pris en otage par une classe politique composée de seigneurs de la guerre, habillés aujourd’hui en costumes, et d’entrepreneurs politiques qui traitent leur peuple non comme des citoyens mais comme du bétail parqués dans les 18 enclos des communautés officiellement reconnues dans le pays. Eclipsant ce casting quasi-féodal de grotesques, l’ombre tutélaire du Hezbollah. Considérée par erreur comme un simple acteur non étatique par les diplomates et les sociologues, l’organisation est en fait une hyperpuissance.
The Los Angeles Times
Al-Qaïda: ne pas crier victoire trop vite
Le premier quotidien de la côte ouest des Etats-Unis, The Los Angeles Times, se demande «comment un Etat faible et fragmenté comme le Liban est en train de gagner contre al-Qaïda?».
La principale raison est que les franchises libanaises de la nébuleuse Jabhat al-Nosra et les Brigades Abdallah Azzam ont réuni contre elles les plus puissants acteurs du Liban. Au premier rang duquel le Hezbollah, qui, en plus de ses effectifs et son matériel paramilitaire, maintient également ses propres réseaux de renseignement et de telecommunication, qui lui ont permis de garder un œil sur les deux groupes. Derrière tous ces efforts, carte blanche a été donnée à l’Armée libanaise et au Hezbollah par la classe politique et les chefs de la communauté sunnite, encouragés par les puissances régionales et internationales comme les Etats-Unis. Cela dit, la «mission accomplie» assénée par Nasrallah et le commandant de l’armée peut encore prouver qu’elle était prématurée et contre-productive.
La Croix
Les leçons de l’Europe
La Croix publie cette semaine une tribune de Carole Dagher, écrivain et chargée des affaires culturelles de l’ambassade de France au Liban.
Longtemps, aux yeux des Libanais, du monde arabe et des chrétiens orientaux, l’Europe a revêtu le visage de la France, protectrice des lieux saints et des catholiques en Orient. Le Liban, où la légende fait naître à Tyr la princesse Europe enlevée par Zeus déguisé en taureau, a naturellement donc des affinités culturelles, historiques, voire mythologiques, avec la Communauté européenne. Mais le lien le plus emblématique est probablement celui des valeurs. Or, l’Europe d’aujourd’hui est en pleine crise des valeurs.
Le monde arabe a toujours rêvé d’un exemple fédérateur ou d’un marché commun. Les idéologies panarabes ayant conduit à des régimes autoritaires et répressifs, c’est à un chemin de réconciliation et à l’édification d’Etats de droit que rêvent les jeunes générations. Une relance de l’Europe rejaillirait de manière bénéfique sur tout le bassin méditerranéen. Par son intimité historique avec le Proche-Orient, l’UE, et en particulier la France, est à même de jouer un rôle, non seulement géopolitique et économique, mais plus significativement encore pour cette région sensible aux symboles, celui de modèle de réconciliation et de démocratie et de garante de la paix mondiale.
Al-Watan
Beyrouth, la dolce vita des mafieux
Depuis plusieurs semaines, l’Italie assiste, consternée, au retour des grandes affaires politico-financières. Affaires auxquelles le Liban est associé. Une enquête du quotidien algérien al-Watan.
Depuis qu’un ancien sénateur et eurodéputé italien, Marcello Dell’Ultri, ex-bras droit de Silvio Berlusconi, condamné pour concours externe en association mafieuse, s’est réfugié au Liban, à la veille de sa condamnation définitive par la Cour de cassation, sur les réseaux sociaux, les Italiens s’adonnent aux commentaires les plus caustiques. Les internautes les plus sérieux se demandent pourquoi les juges ont attendu le verdict de la cassation pour ordonner son incarcération. Les plus ironiques ne regrettent pas le départ du sénateur en odeur de mafia: «Qu’il reste au Liban, le contribuable ne va pas, en plus, financer son séjour dans une prison italienne!» Ou encore: «Ce n’est pas par amour du tabboulé qu’il est parti là-bas!».
Une autre arrestation spectaculaire, celle de l’ancien ministre de l’Intérieur italien, Claudio Scajola, la semaine dernière, mène aussi vers la piste libanaise. L’homme politique incarcéré est accusé d’avoir favorisé la fuite d’un entrepreneur, Amedeo Matacena, et de son épouse condamnés pour le même délit que l’ancien sénateur. Scajola aurait tenté de faire transférer, à Beyrouth, grâce à ses amitiés dans la sphère politique libanaise, les deux fugitifs qui se trouvaient à Dubaï.
The Independent
Le flux incontrôlable des réfugiés
The Independent britannique fait part de sa préoccupation.
Au Liban où désormais une personne sur cinq est un réfugié syrien, le nombre des personnes qui ont fui la guerre civile dans leur pays dépasse le million. Or, pour un pays comme le Liban, pauvre en ressources, surendetté et à court d’argent, le grand point d’interrogation concerne ses capacités à gérer les conséquences du drame des réfugiés syriens.
Dans l’arrière-salle d’une vaste tente fabriquée par ses occupants, Yousra est maquillée et coiffée. Cela prendra tout l’après-midi. Dans le salon, ses amies dansent. A la fin de la journée, une cérémonie de mariage aura lieu au camp de tentes à Marj el-Khokh à Marjayoun, dans le sud du Liban. Yousra, âgée de 16 ans, se marie avec Ahmad, âgé de 21 ans. Les deux sont réfugiés syriens dont les familles ont fui le conflit, il y a plus de dix-huit mois. Leur mariage n’est pas arrangé. Leur histoire a commencé quand ils se sont aperçus de loin au camp, comme le raconte Abdel-Aziz, le père d’Ahmad, puis ils se sont parlé. Ensuite, la famille de Yousra est partie pour le nord du Liban afin de rejoindre des proches. Leur relation a continué par téléphone.
Le Figaro Magazine
Syrie, des vins survivants
Le Figaro Magazine consacre une pleine page sur le domaine vinicole de Bargylus en Syrie, dirigé par deux frères libanais.
Karim et Sandro Saadé, propriétaires du domaine de Bargylus, en Syrie, n’ont pas mis les pieds dans leur vigne depuis plus de deux ans. Depuis que la guerre déchire le pays. Le chaos commence à Tripoli. Les frontières ne comptent guère dans ce Moyen-Orient compliqué. C’est pourquoi Karim et Sandro, qui habitaient Beyrouth, ne peuvent plus s’y risquer. On faisait déjà du vin voici trois mille ans là-bas, sur les pentes du mont Bargylus, à 900 mètres d’altitude, au bord de la vallée de l’Oronte, tout près d’Antioche. A l’époque gréco-romaine, la vigne y prospérait encore. C’est pour renouer avec l’antique tradition que Johnny Saadé a voulu replanter sur ces monts de Syrie, ainsi que dans la plaine de la Békaa, au Liban. Ses fils Karim et Sandro ont réalisé le rêve du père. Mais aujourd’hui, la guerre s’invite à grand fracas. «Notre équipe est formidable, dit Sandro. La même depuis la création du domaine, il y a neuf ans… Il faut s’adapter. Trois semaines avant les vendanges, autour du 10 août, et tous les trois jours, on fait venir des échantillons.
‘Le Fig’ Mag’, comme on le surnomme, a fait des Domaines de Bargylus, son coup de cœur:
«Chardonnay et sauvignon pour un vin blanc minéral, pur, ample, droit et tendu, avec une finale d’amande amère. Et puis il y a la mer, située à un souffle de vent, qui apporte ce petit plus sur la langue, un brin de salinité».
Julien Abi Ramia
Top Thèmes
Cette semaine, c’est encore l’élection présidentielle qui truste les gros titres de l’actualité libanaise revue et corrigée par les grands titres de la presse internationale. A coups de dépêches, expliquant les raisons du blocage, les médias étrangers ne se font aucune illusion sur le fait que c’est de l’étranger que sera donné le feu vert.