Magazine Le Mensuel

Nº 2951 du vendredi 30 mai 2014

Affaire Déclassée

Crimes d’honneur ou crapuleux. Trois Libanais condamnés en Belgique

Au milieu des années 1990, deux frères aidés d’un ami tuent, en Belgique, leurs épouses et la maîtresse de l’un d’eux. Cette affaire a défrayé la chronique dans leurs pays d’accueil et d’origine.
 

Connus sous le nom de «la tuerie de Baalbeck», ces crimes sont commis à Bruxelles. Ghassan Bou Ziab et son frère Helmi en sont les deux principaux acteurs.
Né en 1955, Ghassan Bou Ziab quitte le Liban en 1977 et s’installe en Belgique pour suivre ses études. Deux ans plus tard, alors qu’il n’avait encore que vingt-cinq ans, il devient l’amant de la propriétaire, Jacqueline Georges, une femme de cinquante-cinq ans. Elle lui offre deux appartements et investit un million de francs belges dans l’ouverture d’un restaurant pour son jeune amant. Le restaurant «Baalbeck» ouvre ses portes dans une banlieue bruxelloise. Très vite, il devient le lieu de rencontre d’une importante clientèle libanaise et d’hommes d’affaires des environs.
Quelque temps plus tard, Ghassan revient au Liban et épouse sa cousine Nazira dans la tradition druze. Il découvre, choqué, que sa fiancée n’était plus vierge. Elle exhibe un certificat médical attestant qu’elle avait perdu sa virginité à cause d’une blessure provoquée par un éclat de bombe. Ghassan reste, cependant, perturbé et le mariage bat de l’aile. Il rentre néanmoins avec sa femme en Belgique, mais lui impose la présence de sa maîtresse. Le frère de Ghassan, Helmi, le rejoint en Belgique accompagné de Donia, son épouse.
La «purification» des épouses
En 1995, à l’occasion d’un séjour au Maroc, Ghassan rencontre Abdel-Ghani Salhaoui, qui lui soutire 140 000 dollars pour, lui affirme-t-il, lui obtenir la «purification» 
de Nazira.
Un an plus tard, Ghassan et Helmi reviennent au Liban à cause d’un décès dans la famille et rentrent en Belgique, décidés à permettre la «purification» de Nazira, et également celle de Donia, soupçonnée d’infidélité.
En juillet 1996, les frères Bou Ziab rencontrent Ronald Njaim. Celui-ci, faisant étalage de ses connaissances religieuses, parvient à les convaincre de revenir au Maroc y rencontrer Salhaoui.
Profitant de l’absence des deux frères, Njaim réussit à persuader Nazira de quitter son mari. Elle part avec ses deux enfants. De retour du Maroc, Ghassan, constatant la disparition de sa femme, est furieux.
Le 12 août 1996, rendez-vous est pris avec Njaim. Ghassan récupère sa femme et lui impose le port du voile. Quelques jours plus tard, l’un des employés de Baalbeck se rend au restaurant. Il découvre Nazira et Donia dans un état déplorable. Il quitte rapidement les lieux. On lui racontera plus tard que les deux femmes avaient quitté la Belgique pour le Liban.
Mais ce n’était qu’un mensonge. Elles étaient toujours en Belgique, torturées par leurs deux époux et par Njaim. La maîtresse intervenant pour arrêter la torture des épouses, subit le même sort qu’elles. Les trois femmes sont retrouvées mortes quelques jours après.
Les deux frères et Njaim vendent les bijoux des trois femmes et mettent en vente les appartements de Ghassan. Ils dissimulent les corps des victimes dans les frigos du restaurant et prennent la fuite en France avec leurs enfants.
Le 3 septembre 1996, les corps des victimes sont découverts en Belgique. L’enquête est ouverte. Un mandat d’arrêt international est délivré contre Ghassan, Helmi et Njaim. Les trois accusés sont arrêtés et les enfants, gravement traumatisés, sont placés dans une maison d’accueil.
Deux experts psychiatres examinent les accusés. Helmi est jugé victime d’hallucinations et de convictions délirantes et Ghassan de paranoïa délirante. Ils recommandent l’internement des deux frères. Mais les jurés n’en tiennent pas compte et refusent également le caractère de crimes d’honneur selon la loi libanaise. Ghassan et Helmi sont condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. Njaim écope de trente-cinq ans d’emprisonnement. n

Arlette Kassas
 

Loi sur les crimes d’honneur
En 1999, l’article 562 du Code pénal libanais stipulait: «Pourra bénéficier d’une excuse absolutoire quiconque ayant surpris son conjoint, son ascendant, son descendant ou sa sœur en flagrant délit d’adultère ou de rapports sexuels illégitimes se sera rendu coupable sur la personne de l’un ou l’autre de ces derniers d’homicide ou de lésion non préméditée». Depuis, la clause «absolutoire» a été remplacée par des «circonstances atténuantes».

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