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Nº 2964 du vendredi 29 août 2014

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Nadim Gemayel, député d’Achrafié. Le Hezbollah, plus dangereux que Daech

Trente-deux ans après la mort du président Bachir Gemayel dans un attentat, Magazine va à la rencontre de son fils Nadim, aujourd’hui député d’Achrafié, pour faire le point sur la situation de la communauté chrétienne.

 

Dans quel état se trouve la présidence de la République, 32 ans après l’assassinat de votre père, le président Bachir Gemayel?
Elle se trouve dans un état assez pitoyable, il ne s’agit pas seulement de la présidence, mais de la situation de l’Etat libanais qui est catastrophique dans son intégralité. Il est donc assez difficile de comparer la situation sous la présidence de Bachir Gemayel à celle prévalant aujourd’hui. Bien qu’il y ait eu la guerre à cette époque, il y avait toujours un semblant d’Etat, alors que nous nous trouvons actuellement  dans une situation de «failed state» soit d’Etat défaillant. Il n’y a plus de pouvoir régalien, le gouvernement ne fournit quasiment plus de services, l’Etat est démantelé. Il est nécessaire, à mon avis, de procéder à une refonte totale du pouvoir afin de restaurer l’Etat de droit.

Les protagonistes actuels sont-ils en mesure de le faire?
Ils sont les premiers responsables de la destruction de l’Etat. Ils ont en effet plus d’intérêts à défendre dans ce système clientéliste qui prévaut actuellement aux dépens de l’Etat de droit et qui a abouti à un démantèlement total des institutions.

Quel regard portez-vous sur la proposition du général Michel Aoun visant à une élection présidentielle au suffrage universel?
Avant d’entrer dans le fond du problème, je pense que le général Aoun est le pionnier de projets aux antipodes des intérêts chrétiens. Ses beaux slogans mènent généralement à la faillite de la communauté chrétienne. Ce fut le cas en 1988, en 2006 avec l’alliance avec le Hezbollah, puis avec la loi orthodoxe. Ce nouveau projet vise à exacerber la fibre chrétienne et à jouer sur la sensibilité électorale, pourquoi donc ne l’avoir pas proposé plusieurs mois auparavant, alors que le général Aoun lançait son offensive de charme envers les sunnites?

Walid Joumblatt a tenu des propos très sévères vis-à-vis des chrétiens, précisant que la présidence n’était pas l’apanage d’une communauté et que dans le cas où cette dernière ne parviendrait pas à un compromis, les musulmans pourraient le faire. Qu’en pensez-vous?
Walid Joumblatt a l’habitude de jouer les fauteurs de troubles dans un pays où on chercherait plutôt à les éviter. Si Joumblatt pense que ce compromis peut se faire sans les chrétiens, c’est qu’il se prépare à une nouvelle guerre que nous n’accepterons pas. Le problème de la présidentielle n’est pas purement chrétien mais interlibanais, il est né du clivage entre des factions qui sont souverainistes et d’autres qui sont à la solde des Syriens. Joumblatt se trompe lourdement s’il pense faire fi de l’opinion chrétienne.

Un danger existentiel ne menace-t-il pas les chrétiens du Liban? Que devraient-ils faire afin de contrer cette menace?
Je ne pense pas que les chrétiens soient menacés au Liban, bien qu’ils aient été affaiblis par plusieurs guerres interchrétiennes. Ils se réinvestissent actuellement dans la chose publique. Et si votre question porte sur la menace que présente Daech (l’Etat islamique), cette dernière met en danger non seulement les chrétiens, mais tout espace de liberté au Liban. A mon avis, le Hezbollah est plus dangereux que Daech, car il est porteur d’un projet politique à l’opposé même de la communauté chrétienne, ne laissant pas de place aux valeurs de liberté et de justice que nous prônons. De son côté, Daech n’est qu’un phénomène composé de mercenaires en réaction aux régimes totalitaires régionaux et qui va sans doute disparaître dans quelques mois ou quelques années. Le problème majeur est que cette mouvance considère Ersal comme une base arrière pour son engagement en Syrie.  

On parle d’un possible dégel irano-saoudien. Pensez-vous que cela pourrait se refléter positivement sur le Liban?
Je ne crois pas à un dégel irano-saoudien, mais plutôt à une détente irano-américaine qui pourrait être préjudiciable à la situation régionale, avec une ouverture sur le Hezbollah, qui serait nuisible au Liban. 

Propos recueillis par Mona Alami

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