Six mois après la fin de son mandat, l’ancien président de la République, Michel Sleiman, multiplie les apparitions publiques dans l’espoir de créer une force politique dont il serait la figure tutélaire.
Lundi, le secrétaire d’Etat auprès du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, a remis à Michel Sleiman les insignes de Grand-Croix de l’ordre du Pape Pie IX, en présence du patriarche maronite Béchara Raï, du commandant de l’armée italienne, le général Claudio Graziano et d’un grand nombre de personnalités libanaises et italiennes. L’occasion pour l’ancien président de rappeler les points forts de son mandat présidentiel, à savoir les appels constants au dialogue et la déclaration de Baabda «qui préserve le Liban et les Libanais». «L’accord de Taëf a consacré l’engagement au Liban, pays exceptionnel dans la région. Nous devons relever tous les défis par le dialogue dans le but d’anéantir les craintes, l’injustice ou la privation. […] J’ai œuvré, au cours de mon mandat présidentiel, et en toute conscience, à éloigner le spectre de l’extrémisme et de la division de mon pays». Un discours qui ne ressemble en rien à celui d’un responsable politique à la carrière derrière lui.
Michel Sleiman n’est jamais vraiment parti. Avec la présence du vice-président du Conseil, Samir Mokbel, de la ministre des Déplacés, Alice Chaptini, et du ministre des Sports, Abdel-Mouttaleb Hennaoui, au sein du gouvernement de Tammam Salam, l’ancien président a toujours voix au chapitre, mais à ce jour de manière discrète. C’est sur son compte Twitter que Sleiman a indiqué que les trois ministres allaient refuser de signer le décret. Depuis quelques semaines, il multiplie les apparitions publiques. Vendredi dernier, à l’occasion de la fête de l’Indépendance, il a présidé une cérémonie au collège Notre-Dame de Jamhour en hommage aux martyrs de l’Armée libanaise – «cette armée différente des armées de la région qui a prouvé sa capacité à lutter contre les forces obscurantistes et contre Israël» – et à Pierre Gemayel – dont les assassins «ont tenté de tuer la liberté et la dignité dans les cœurs des jeunes et de semer la terreur parmi les Libanais».
Le 9 novembre dernier, au lendemain des affrontements de Tripoli, Michel Sleiman s’était rendu dans le chef-lieu du Nord pour y rencontrer, au domicile du mufti Malek Chaar, les dignitaires politiques et religieux de la ville, dont le ministre Achraf Rifi qui lui a rendu hommage à plusieurs reprises. «Notre besoin est urgent de votre commandement national et sage. Nous vous soutenons, en vue de préserver la coexistence au Liban», déclarait le mufti Chaar au cours de sa dernière rencontre avec l’ancien président qui, lui, a salué le plan de sécurité mis en place dans et autour de la ville. Lorsqu’il n’est pas en visite, à Tripoli où en France où il se rend souvent, l’ancien chef de l’Etat partage son temps entre Yarzé, où il reçoit pendant la semaine, et son village Amchit le week-end. Parmi ses interlocuteurs privilégiés, les ambassadeurs des pays qui comptent dans la région, mais surtout le patriarche Raï. Le 11 novembre, Sleiman s’est rendu à Bkerké où il a été question de la prorogation du mandat du Parlement, de l’élection présidentielle et de la loi électorale.
Que signifie ce retour sur le devant de la scène et aux affaires politiques du pays de l’ancien président? Ses proches expliquent que ses dernières apparitions visent surtout à rappeler les constantes qui ont régi son mandat en cette période de vide à la présidence. Des proches dont l’influence, principalement sur la vie politique, économique et sociale de la région de Jbeil, est encore importante.
Julien Abi Ramia
Candidat à l’OIF?
Dans la course au secrétariat général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), le nom de l’ancien président libanais était encore fréquemment cité il y a quelques mois. Depuis, il a totalement disparu. Et pour cause: la candidature de ce général à la retraite n’a jamais été qu’une hypothèse. Le Liban ne l’a jamais présentée. «Le sujet n’a même pas été abordé en Conseil des ministres», affirme un diplomate libanais en France. Le nom de Michel Sleiman semble être d’abord apparu à Paris, à l’époque où les Français cherchaient le candidat idéal pour succéder à Abdou Diouf. Ancien chef d’Etat originaire d’un pays du Sud, Sleiman présentait certains atouts.