«Certes, c’est la première fois depuis longtemps que le Hezbollah accepte de reprendre le dialogue avec le Futur, mais ce qui est inquiétant, c’est qu’aussitôt ses intentions déclarées, il s’empresse d’ajouter que son candidat à la présidence est Michel Aoun et que c’est avec lui qu’il faut discuter de cette échéance». Interview de Khaled Zahraman, député du Akkar et membre du Courant du futur.
Que pensez-vous de l’initiative de Michel Aoun qui propose que Samir Geagea et lui-même soient les deux seuls candidats à la présidence de la République?
La proposition de Michel Aoun est tout simplement antidémocratique. On ne peut pas limiter la bataille présidentielle à deux candidats et empêcher ceux qui le désirent de se présenter. Dans ce cadre, j’ai deux questions à poser au général. Pourquoi a-t-il attendu que la prorogation du Parlement ait lieu pour lancer cette initiative? Par ailleurs, il a présenté devant le Conseil constitutionnel une invalidation de la prorogation. Comment peut-il donc accepter que ces parlementaires, qu’il considère illégitimes, choisissent le nouveau président de la République? Quelle contradiction!
Vous êtes en tain de refuser toutes les suggestions proposées par le chef du Courant patriotique libre en ce qui concerne l’élection du président. En contrepartie, vous ne faites pas de propositions concrètes sur ce sujet. Comment sortir de cette impasse?
En tant que forces du 14 mars et que Courant du futur, nous avons fait part de notre volonté de mener des discussions autour de l’échéance présidentielle et d’aboutir à une formule consensuelle satisfaisante pour tous. Vu le blocage dans lequel nous sommes et qui paralyse les institutions, vu également les différences de points de vue entre le 14 et le 8 mars, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il sera difficile qu’un candidat de l’un ou de l’autre bord soit élu à la tête de l’Etat et qu’il serait peut-être préférable de s’entendre sur un candidat qui ne soit ni de l’un ou de l’autre de ces deux camps.
Concernant le dialogue, Nabih Berry et Walid Joumblatt tentent d’établir de nouveau le contact entre le Courant du futur et le Hezbollah. Où en est cette démarche?
Par principe, nous avons toujours été des défenseurs acharnés du dialogue entre toutes les factions libanaises. Mais il faut que ce dialogue soit sérieux et productif, accompagné de mesures concrètes pour appliquer les points sur lesquels on s’entendrait. Il ne faut pas oublier que par le passé, le Hezbollah avait l’habitude d’accepter les accords établis et de se rétracter au moment de leur mise en application. N’est-ce pas ce qui s’est passé concernant la déclaration de Baabda, par exemple? Si nous voulons rester positifs, nous dirons que c’est la première fois depuis longtemps que le Hezb accepte de reprendre le dialogue avec le Futur, mais ce qui est inquiétant c’est qu’aussitôt ses intentions déclarées, il s’empresse d’ajouter que son candidat à la présidence est Michel Aoun et que c’est avec lui qu’il faut discuter de l’échéance présidentielle. C’est flou comme déclaration d’autant plus que tout le monde sait que le général considère que c’est lui ou personne à la tête de l’Etat. On dirait qu’il y a là une tentative de saboter encore une fois l’élection d’un président.
Vous considérez que c’est le Hezbollah qui sabote cette échéance?
Disons qu’il tente de reporter l’élection d’un président en attendant les développements régionaux, notamment en ce qui concerne le dossier du nucléaire, pour améliorer ses conditions dans des pourparlers.
Les pourparlers entre l’Iran et la communauté internationale ont été prolongés jusqu’au mois de juillet 2015 et seront peut-être reportés une fois de plus. Cela signifie-t-il qu’il n’y aura pas de président de sitôt?
Le Hezbollah doit être convaincu que le Liban ne peut pas rester tributaire des développements dans la région et, précisément, des pourparlers autour du dossier nucléaire. Nous devons nous entendre sur une personnalité consensuelle et non sur un candidat qui nous est imposé et présenté comme étant le meilleur pour le pays.
PROPOS RECUEILLIS PAR DANIÈLE GERGÈS