Derrière le combat acharné que se livrent Michel Aoun et Samir Geagea pour accéder à la présidence, Amine Gemayel fait entendre sa petite musique, douce mais présente. Son profil particulier lui donne des arguments à faire valoir, différents de ceux de ses concurrents. Sentant qu’une partie de l’opinion publique chrétienne est lasse du choc des ambitions dévorantes de ceux qui rêvent de Baabda, l’ancien président de la République n’affiche ni rage de vaincre, ni revanche. Dans les villages chrétiens, druzes et chiites du Sud dans lesquels il s’est rendu, les organisateurs phalangistes de la tournée ont pris soin d’éviter toute évocation directe de la présidentielle. A Jdeidet Marjeyoun, pourtant, où il a inauguré une nouvelle permanence de son parti, en présence du ministre Ali Hassan Khalil, proche de Nabih Berry – «l’ami de toujours», dixit le leader des Kataëb – et du député du Hezbollah Ali Fayad, Gemayel a dressé le profil idéal du futur président.
«Nous ne voulons pas de candidat consensuel, autour duquel le consensus obtenu disparaît aussitôt après son élection». Voilà pour les candidatures du consensus mou. «Nous ne voulons pas de candidat capable de réunir seulement les députés, mais aussi le peuple dans son ensemble». Ici, une pique pour les candidatures pilotées de l’étranger. «Nous voulons un candidat consensuel qui suit la politique de consensus jusqu’à la fin de son mandat. Le consensus n’est pas circonstanciel, c’est une méthode nationale de gouvernance». Voilà pour Michel Aoun qui, pour Gemayel, joue la carte électorale du consensus. En quelques phrases, le leader des Kataëb a habillé ses concurrents pour l’hiver. Après cette petite incise, Gemayel s’est efforcé d’expliquer son programme. A Jdeidet Marjeyoun, première étape de son périple, il a salué «le Sud en tant que peuple, territoire et institutions, l’armée en tant que symbole de la légitimité et du sacrifice pour le Sud et pour tout le Liban, la résistance des gens du Sud contre tous les occupants à travers l’histoire, jusqu’à la résistance contre l’occupation israélienne qui a permis de rendre le territoire à l’Etat».
Au cours de sa tournée, la Résistance aura été le thème central de ses allocutions. Il n’a pas hésité à marquer sa différence avec le Hezbollah. «Depuis la victoire de la Résistance en mai 2000, nous avons parié sur le retour du Liban-Sud vers l’Etat libanais et l’intégration du Hezbollah au projet de l’Etat. Mais ce pari reste un pari manqué, l’Etat demeurant un maillon faible, à défaut d’un pouvoir de décision homogène […] Les résistances ayant réussi sont celles qui ont respecté les frontières de leur pays et intégré le projet d’édification de l’Etat». Accompagné du ministre du Travail, Sejaan Azzi et de l’ancien ministre Salim Sayegh, Amine Gemayel s’est d’abord rendu à Qlaiaa, à cinq kilomètres au sud de Marjeyoun, tout près de la frontière israélienne, où il est accueilli par des lancers de fleurs. Ensuite, direction le village druze de Bayada, dans le secteur de Hasbaya, où il est reçu par des dignitaires religieux et le représentant du ministre de la Santé Waël Abou Faour, saluant l’action de Walid Joumblatt et de Talal Arslan.
Des sources politiques expliquent que Nabih Berry a sommé les officiels du mouvement Amal et du Hezbollah de réserver à Gemayel un chaleureux accueil. Une façon de récompenser son ouverture au dialogue avec les deux partis. «Notre parti dialogue régulièrement avec le Hezbollah et Nabih Berry», a d’ailleurs expliqué Amine Gemayel à Khiam, au domicile de Ali Hassan Khalil, ajoutant espérer que «les dialogues en cours seront couronnés de succès et se traduisent par l’élection d’un président dès que possible, car cette élection serait le signe d’une nation unie et souveraine». Non, il n’aura pas été question de la présidentielle…
Julien Abi Ramia
Soutien aux réfugiés en Israël
«Quinze ans ont passé depuis la grande libération en 2000 et nous devons adopter une loi d’amnistie complète, car nous n’accepterons plus la présence d’une communauté libanaise en Israël», a prévenu Amine Gemayel à Marjeyoun. «L’Etat libanais est en grande partie responsable. Si l’Etat avait défendu le Sud et offert sa protection à tous les habitants face aux violations commises par les Israéliens, le Sud aurait été pour tous».