Magazine Le Mensuel

Nº 2980 du vendredi 19 décembre 2014

Événement

Audemars Piguet. Une boutique enfin à Beyrouth

Une nouvelle enseigne a vu le jour au centre-ville de Beyrouth; Audemars Piguet y ouvre, pour la première fois, sa propre boutique. Michel Beziat, coordinateur de marché, qui s’occupe du Liban, y était pour l’occasion.
 

Pourquoi une boutique à Beyrouth et quel en sera l’impact?
Nous travaillons, depuis une quarantaine d’années, avec la famille Tamer qui présente nos montres dans ses magasins. Nous avons détecté chez eux le potentiel de Beyrouth et avons décidé, il y a quelques années, d’ouvrir une boutique. C’est très émouvant d’être là, dans cet endroit extraordinaire, ces vieilles ruelles, ces anciennes maisons, avec une boutique bien située, ouverte, dotée de grandes vitrines. En termes d’image, quand on commence à être présent avec sa propre enseigne, tout est différent. C’est un magasin où nous sommes chez nous et où nous racontons notre histoire… C’est un moyen de s’exprimer autrement que lorsqu’on est parmi d’autres marques.

Quelle est l’importance de la présence d’Audemars Piguet sur le marché libanais?
Le Liban est un marché assez mûr. Les gens n’achètent pas juste parce que c’est cher ou pour briller en société, ils apprécient les valeurs. Il y a un terreau d’éducation au Liban très européen aussi. Il est intéressant de pouvoir partager avec une clientèle qui achète la montre pour sa valeur.
Audemars Piguet est une marque duale, elle est connue pour la Royal Oak, une pièce iconique qui a plus de quarante ans et pour son modèle Offshore, très jeune. Le succès de la Royal Oak est tel qu’elle masque le reste de la marque. Ceci fait que nous sommes un peu moins connus pour notre collection de montres à complications, la plus vaste du monde. C’est une marque duale, car la société a fait le choix, à la fin du XIXe siècle, de se spécialiser dans les montres haut de gamme, miniatures, à complications… à l’époque où l’industrie horlogère tombait «victime» de la révolution industrielle et commençait à fabriquer des montres à la machine, en séries, des objets plus standardisés. C’est le progrès! Mais quand la société a été créée en 1875, les deux fondateurs (Jules-Louis Audemars et Edward-Auguste Piguet) ont choisi de rester à l’horlogerie de leur père, la vallée de Joux étant le berceau de l’horlogerie compliquée en Suisse. Le résultat est que nous avons un patrimoine en complication extraordinaire, un catalogue extrêmement vaste.

Est-ce d’être enfermé dans un modèle?
Non, car c’est une chance immense de posséder une montre icône. C’est en même temps difficile, car il faut faire attention à ne pas trop y toucher. Faire évoluer le modèle oui, mais par toutes petites touches et il y a des choses qu’on ne peut pas se permettre. Certains modèles sont vraiment calqués à l’identique sur le modèle originel, et sur d’autres, comme Offshore, on fait évoluer un petit peu en faisant très attention à respecter l’esprit.

Le respect des traditions, c’est donc la ligne directrice de la marque?
Nous sommes évidemment très attachés à nos traditions. Nous avons la chance d’être une société indépendante, qui appartient toujours aux descendants des fondateurs. Des gens du cru, attachés à la région et à ses traditions. Ils nous racontent que leurs parents et grands-parents leur disaient que la société ne leur appartenait pas, qu’ils étaient priés d’en prendre soin, de la transmettre à leurs enfants… mais elle appartient à la Vallée, aux gens de la Vallée. Le but est de sauvegarder les traditions et de continuer à donner du travail à ces gens-là. C’est assez particulier dans le monde d’aujourd’hui. Des décisions prises peuvent très bien dégrader la rentabilité de la société, mais c’est comme ça, l’argent n’est pas une fin en soi, il est mis au service de cette indépendance et la volonté de se battre pour pouvoir garder nos valeurs, de la défense des traditions et de la responsabilité sociale et environnementale au niveau de la Vallée.

Comment définiriez-vous la marque?
On ne la définit pas comme une marque de luxe, mais comme une marque de tradition, qui maîtrise les règles de l’horlogerie et qui, parfois, les transgresse. Il faut savoir que ce qui fait la valeur d’une montre, c’est le travail qui y est mis, la qualification des gens et le temps qu’ils y passent. Ce qui la place dans la haute horlogerie est le soin mis dans la décoration du mouvement et la finition d’une montre. 35% au moins sont consacrés au coût de fabrication à la décoration du mouvement qui n’a aucune utilité technique, ce n’est que par respect de la tradition et de la beauté.

Propos recueillis par Nayla Rached

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