Un peu partout sur la planète, règnent les crimes contre l’humanité et nous n’y échappons pas. Les drames que nous vivons ne sont pas nés d’hier. Ils sont le fruit de décennies d’une gestion désastreuse des affaires publiques, à laquelle s’ajoutent les zizanies dictées par le goût démesuré du pouvoir. Dans les années soixante, Magazine tirait déjà la sonnette d’alarme contre les répercussions inévitables de l’égocentrisme des «élus», faute d’être des «élites».
Au fil du temps, la situation, loin de s’améliorer avec l’arrivée sur la scène publique d’une nouvelle génération, celle d’héritiers souvent, s’est sans cesse dégradée. Si le confessionnalisme s’est insidieusement infiltré dans le pays frappant de plein fouet la démocratie dont les Libanais se disaient les chantres, sans en avoir saisi vraiment le sens, le communautarisme risque de mettre un point final à la coexistence dans le Pays du Cèdre. Nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, que nos malheurs découlent de la soumission d’une majorité de la classe politique à des forces étrangères, elles-mêmes en conflit. Le résultat est là. Il n’était pas difficile de le prévoir, faute d’avoir pas pu ou su l’empêcher.
La crise sociale, économique et sécuritaire jette les citoyens dans les rues. Ces derniers, n’ayant aucun autre moyen de faire connaître leur malaise, y hurlent leur désespoir. Des parents de soldats otages menacés d’être à tout moment décapités par les terroristes qui sévissent chez nous comme ailleurs, aux salariés qui reviennent à la charge pour réclamer le respect des promesses qui leur ont été faites en passant par les locataires et les propriétaires qui s’affrontent, tous lésés par une loi inique votée à la va-vite au gré des seuls intérêts des parlementaires. Ces doléances et d’autres, tout autant justifiées et dont la liste est très longue, ne trouvent aucun écho chez des dirigeants dont la surdité est irrémédiable.
Tout cela est au rancart en attendant l’hôte qu’accueillera le palais de Baabda. Qui sera cet être exceptionnel introuvable à ce jour? Certains disent que l’homme doit être fort. Mais quelle définition donne-t-on à cette force? Chaque courant a la sienne. Est-ce celle d’un président capable de rendre à l’Etat son autorité et son prestige? Est-ce celle d’un chef soutenu par l’étranger? N’est-ce pas celui qui ferait respecter l’accord inscrit dans la déclaration de Baabda que certains des signataires renient sans vergogne?
Ces dernières années particulièrement difficiles à vivre ont vu un nombre incalculable de compatriotes, parmi les moins malchanceux, prendre le chemin de l’émigration, alors que les réfugiés palestiniens et syriens envahissent le terrain. Quoi qu’il en soit, et quelle que soit la déprime dans laquelle baigne l’ensemble de la population, toutes communautés et toutes classes sociales confondues, les Libanais donnent une fois de plus la preuve de leur ferveur de vivre et de leur puissance de résilience. Une étonnante ambiance de fête règne dans le pays. Du Nord, secoué par le spectre d’un terrorisme dont les tentacules se déploient inexorablement, au Sud frontalier d’un Etat ennemi turbulent et aux ambitions jamais inassouvies, les guirlandes illuminées malgré les pénuries de ce courant, devenu si précieux, annoncent déjà les fêtes, qu’envers et contre tout et tous, les Libanais défiant leur sort, tiennent à célébrer. Partout, à travers les rues des villes et des villages des arbres brillent de toutes leurs branches.
Cerise sur le gâteau, le peuple est fier de cette ancienne cité historique du Liban, la ville de Jbeil, classée «plus belle destination touristique arabe pour 2013», par l’Académie des prix d’excellence dans le monde arabe en coopération avec l’Organisation mondiale du tourisme. La Pomme d’or, prix international récompensant les réalisations touristiques, économiques, culturelles et de l’environnement, lui a été décernée par la Fédération des journalistes et écrivains spécialisés dans le tourisme. C’est pour tout cela que nous croyons, aussi illusoire que cela paraisse, au miracle libanais et nous espérons que la magie des Fêtes ne finisse pas avec la trêve des confiseurs.
Mouna Béchara