2014 restera sans doute pour beaucoup une année dramatique pour le Moyen-Orient. L’avancée fulgurante de l’Etat islamique qui déstabilise toute une région et n’en finit pas de provoquer des bouleversements.
Plus que jamais, le Moyen-Orient s’apparente à un chaudron prêt à exploser, voire même imploser. La guerre en Syrie, qui n’en finit pas, déborde de toutes parts, provoquant des déflagrations dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences. L’irruption de Daech et, surtout, son avancée fulgurante, font figure de fait majeur, bien entendu. Avec son «califat islamique», Abou Bakr el-Baghdadi a rebattu les cartes, faisant planer l’incertitude sur l’ensemble de la région. Aucun pays n’est épargné, du Golfe à la Turquie, par l’émergence de Daech, qui a eu vite fait de propulser al-Qaïda et ses caciques, aux oubliettes. Car Daech ne constitue pas seulement une menace militaire et terroriste, mais pose également un problème d’ordre culturel, où la barbarie règne en maître.
Pour autant, l’intervention aérienne de la coalition internationale, contre les jihadistes de l’Etat islamique, sera-t-elle capable d’inverser la tendance, alors qu’elle reste empêtrée dans ses dilemmes? Pour les experts du think-tank Carnegie Endowment, qui se sont prêtés aux jeux des prévisions pour 2015, ce n’est pas une évidence. Si l’expansion territoriale du «califat» établi par l’Etat islamique semble à peu près ralentie, voire stoppée, cela ne signifie pas pour autant que Daech est près d’être vaincu, en 2015.
Un jihad «routinier»
Une guerre de longue échéance se profile plutôt, alors que la situation en Syrie comme en Irak devrait s’aggraver, présage ainsi Marwan Muasher, l’un des experts de Carnegie. Selon lui, l’EI «n’est pas susceptible d’être vaincu militairement en 2015, sans intervention militaire terrestre ou formation adéquate des forces irakiennes et des membres de l’opposition syrienne modérée». Pour Lina Khatib, une autre spécialiste de la région, «le jihadisme au Moyen-Orient risque de devenir ‘routinier’», les groupes extrémistes comme l’Etat islamique étant susceptibles de continuer leur croissance en taille, mais aussi en richesse et adhésion populaire», malgré les efforts internationaux pour contenir leur progression. Bien que freiné sur le plan géographique, Daech pourrait muter et s’institutionnaliser, se développant en franchise dans tous les pays de la région, à la manière d’al-Qaïda. En s’appuyant sur une structure hiérarchique très stricte, l’organisation pourrait essaimer, se traduisant par une escalade de la violence, bien au-delà de l’Irak et de la Syrie. L’Egypte, l’Algérie et la Tunisie pourraient être déstabilisées par ces jihadistes, malgré leur volonté de conserver un statu quo, alors que le Liban et le Yémen feraient les frais d’un Etat quasiment absent. Ce tableau pas très reluisant peut néanmoins réserver quelques surprises. Après tout, personne n’avait prévu cette percée fulgurante de Daech durant l’année écoulée. L’Etat islamique pourrait aussi avoir à se confronter aux «anciens» d’al-Qaïda, bien déterminés à reconquérir leur leadership perdu, à moins que Daech continue d’engranger les ralliements.
Pour Denis Bauchard, spécialiste du Moyen-Orient à l’Institut français des relations internationales (IFRI), «il ne faut ni surestimer sa capacité de nuisance, ni ‘héroïser’ Daech, en refaisant les erreurs commises par l’Administration Bush face à al-Qaïda». Ce qui suppose, selon lui, «une nécessité de dialogue entre des pays ou des régimes qui se sont diabolisés réciproquement, parfois de façon systématique». Avec une certitude, «le Moyen-Orient change: rien n’y sera jamais plus comme avant».
Jenny Saleh
Janvier
2 Irak: bataille pour le contrôle de Ramadi entre l’EIIL et l’armée.
11 Mort d’Ariel Sharon.
20 Iran: entrée en application de l’accord de Genève sur le programme nucléaire.
22-31 Premiers pourparlers de la conférence internationale de paix sur la Syrie, Genève II, à Montreux.
Février
5 Turquie: vote d’une loi renforçant le contrôle de l’Etat sur Internet.
15 Suspension des pourparlers de Genève II sur la Syrie sans résultat.
Mars
1er Egypte: le gouvernement d’Ibrahim Mahlab entre en fonction.
♦ Turquie: vote de la fermeture d’un vaste réseau d’écoles privées.
5 L’Arabie saoudite, les Emirats et Bahreïn rappellent leurs ambassadeurs au Qatar.
12-13 Visite officielle du président iranien, Hassan Rohani, dans le sultanat d’Oman.
24 Plus de 500 Frères musulmans sont condamnés à mort en Egypte.
Avril
17 Turquie: le Parlement vote une loi qui accroît les pouvoirs de l’agence du Renseignement (MIT).
23 Accord de réconciliation entre l’OLP et le Hamas.
Mai
9 L’armée syrienne entre dans la vieille ville, Homs.
13 Accident minier de Soma en Turquie, plus de 300 morts.
♦ Ehud Olmert condamné à la prison ferme pour corruption.
24-26 Voyage du pape François en Jordanie, dans les territoires palestiniens et en Israël.
26 au 28 Election présidentielle égyptienne. Abdel-Fattah Sissi élu.
Juin
3 Syrie: Bachar el-Assad réélu.
9-10 Irak: l’EI et les rebelles s’emparent de Ninive et Mossoul.
30 Trois étudiants israéliens enlevés découverts assassinés à Hébron.
Juillet
7 L’Onu: il n’y a plus d’arsenal chimique en Syrie.
8 Israël lance l’opération Bordure protectrice contre Gaza.
24 Irak: Fouad Massoum est élu président de la République.
Août
7 Alqosh, ville chrétienne, tombe aux mains de l’EI en Irak.
8 Irak: bombardements US afin de protéger les personnels US à Erbil. 10 Turquie: Recep Tayyip Erdogan élu président au premier tour.
15 Irak: Nouri el-Maliki quitte le pouvoir, lâché de toutes parts.
19 Le journaliste US James Foley, enlevé le 22 novembre 2012 en Syrie par l’Etat islamique, décapité.
Septembre
2 Le journaliste US Steven Sotloff, enlevé en 2013 par l’EI, décapité.
13 L’humanitaire britannique David Haines, enlevé en 2013 et détenu par l’EI, décapité.
16 Début de la bataille de Kobané, à la frontière syro-turque.
19 Début des opérations de la coalition internationale en Syrie.
Octobre
3 L’humanitaire britannique Alan Henning, enlevé en Syrie en 2013 et détenu par l’EI, décapité.
29 Tentative d’assassinat de Yehuda Glick, activiste israélien d’extrême droite. Tensions sur l’esplanade des Mosquées.
Novembre
16 Le travailleur humanitaire US Peter Kassig, enlevé en Syrie en octobre 2013 et détenu par l’EI, décapité, ainsi qu’une quinzaine de soldats syriens.
22 Bahreïn: législatives remportées par les candidats indépendants.
24 Echec des négociations sur le nucléaire iranien à Vienne. Prolongation de 6 mois.
Décembre
1er Frappes aériennes iraniennes en Irak contre l’EI.
7 Damas: deux raids israéliens.
9 Le Qatar se rallie aux pays du Golfe pour soutenir Sissi.
17 Réunion des 5+1 et de l’Iran à Genève sur le nucléaire iranien.
21 Le chef du parti laïque Nida’ Tunis, Béji Caïd Essebsi, revendique la victoire aux premières élections présidentielles libres en Tunisie.
Abou Bakr el-Baghdadi
Proclamé calife par ses partisans, il est le chef mystérieux de l’Etat islamique. Connu du grand public depuis son prêche prononcé dans la grande mosquée de Mossoul, en Irak, Baghdadi est né à Samarra, près de Bagdad, en 1971. Salafiste bien avant l’invasion américaine en Irak, il rejoint les troupes du Jordanien Abou Moussab el-Zarqaoui et se forge une réputation d’homme brutal et sans pitié. Après quatre ans dans les geôles américaines, il rejoint al-Qaïda en Irak devenu l’Etat islamique, et aujourd’hui Daech.
Abdel-Fattah el-Sissi
Le nouvel homme fort de l’Egypte, ex-chef d’état-major de l’armée, a fait une entrée fracassante sur la scène politique du pays. A 59 ans, ce militaire formé au Royaume-Uni et aux Etats-Unis qui l’adoubent, est décrit comme une personnalité charismatique. Proche des services de renseignements américains, avec qui il coordonne la lutte antiterroriste, il entretient également d’excellents rapports avec l’Arabie saoudite.
Recep Tayyip Erdogan
Surnommé Sultan Erdogan pour sa «folie des grandeurs», l’ex-Premier ministre, devenu cette année président turc, reste une personnalité très controversée. Ancien maire d’Istanbul, leader du parti AKP, il s’est imposé en 11 ans comme le maître absolu, sans doute le plus populaire depuis Atatürk. Homme fort du pays, il n’en est pas moins décrié par ses détracteurs qui l’accusent d’être un dictateur touchant aux libertés laïques.
Haïdar el-Abadi
Né en 1952, ce chiite appartenant, comme Nouri el-Maliki au parti Daawa, devient Premier ministre d’Irak en août 2014. Exilé en Grande-Bretagne dans les années 80, il revient en Irak après l’invasion américaine de 2003 et sera élu en 2006 au Parlement irakien, dont il devient vice-président en juillet dernier.