La présidentielle dans la spirale
Avant l’apparition de Daech, le choix d’un président consensuel constituait une alternative acceptable pour le Hezbollah, les relations irano-saoudiennes évoluant dans un sens positif augurant un règlement de la crise institutionnelle. Mais à partir de l’été 2014, la conjoncture a foncièrement changé et ces deux pays sont aujourd’hui dans une situation stratégiquement conflictuelle. L’Iran cherche à élargir son champ d’influence et l’Arabie applique une stratégie de défense agressive. La présidentielle libanaise est ainsi devenue victime de la rupture entre Riyad et Téhéran. A l’heure où l’Arabie saoudite fait preuve d’une plus grande prudence vis-à-vis de l’accession du général Michel Aoun au pouvoir, les responsables iraniens ne voient pas pourquoi ils feraient des concessions au Liban, alors que leur pays est au zénith de sa puissance régionale et sur le point de signer un accord sur le nucléaire avec les Etats-Unis qui font preuve de plus d’indulgence envers lui…
Le Hezbollah estime que le facteur temps joue en sa faveur et renforce sa position de négociateur à l’interne. Lors d’une rencontre avec le général Aoun, samedi 21 mars, sayyed Hassan Nasrallah a réaffirmé son appui total au leader du CPL. Le chef du Hezbollah pense aussi que l’ex-président Saad Hariri a besoin de revenir s’installer au Liban et il ne peut le faire que s’il retrouve son fauteuil au Sérail. Mais le prix à payer pour y parvenir passe par l’élection du général Aoun à la présidence.
Joumblatt impartial
Le député Walid Joumblatt ne se lasse pas d’expliquer sa «stratégie présidentielle» devant ceux qu’il rencontre. Les voix de son parti iront au candidat Henri Hélou quel que soit le scénario convenu sur ce dossier. Ce qui signifie que, si jamais le miracle consensuel a lieu, le leader druze restera sur sa position. Si aussi, l’alignement vertical demeure maître de la situation, Joumblatt n’est pas prêt à alimenter «le projet de guerre» et continuera à appuyer Henri Hélou. Même attitude au chapitre du commandement de la troupe, Joumblatt marche entre les mines politiques et préfère protéger l’entente avant de prendre position. C’est-à-dire qu’il ne s’oppose pas à l’injection d’un sang nouveau au commandement de l’armée, sans vouloir toutefois s’aligner à l’une des deux parties en cas de conflit, tout en veillant à éviter le vide à la tête de l’institution militaire…
Aoun est optimiste
On rapporte que le général Michel Aoun est confiant que les négociations sur le nucléaire iranien et les développements sur le terrain en Syrie affaibliront ceux qui s’opposent à son accession à la première magistrature. Il n’aurait pas caché cette conviction à ses visiteurs: «Il serait préférable pour le chef des FL d’annoncer son appui à ma candidature avant la fin du mois de mars… Après cette date, je n’aurai plus besoin de ce soutien comme aujourd’hui». Le général estime que les positions américaines actuelles ont montré la justesse de son alliance avec l’Iran, la Syrie et le Hezbollah.
A quoi sert le Conseil national?
Les milieux du 14 mars, satisfaits de la naissance du Conseil national, pensent que cette démarche était nécessaire pour:
– Inscrire le soulèvement populaire dans un cadre politique. Un geste qu’il aurait fallu poser dès les premières années de ce soulèvement.
– Organiser les activités des cadres et militants indépendants qui apportent plus de vitalité et de productivité à la grande machine du 14 mars.
– Créer une double force de pression, d’ordre politique, pour éviter des prises de décision en contradiction avec les tendances indépendantistes de l’opinion publique. Et d’ordre structurel pour éviter la monopolisation des prises de décision.
Le Conseil national a pour mission d’organiser les relations entre les diverses composantes du 14 mars et a une fonction consultative et non décisionnelle.
Expulsions: les EAU invoquent la sécurité
Le Conseil des ministres, au cours de sa dernière séance, a abordé la question des Libanais déclarés persona non grata aux Emirats et passé en revue les contacts et médiations effectués par des personnalités libanaises avec les officiels des EAU pour connaître les véritables raisons justifiant cette décision. Le ministre Mohammad Fneich aurait déclaré: «Les Libanais congédiés appartiennent à une même communauté, aujourd’hui, c’est l’Etat libanais qui est responsable du suivi de cette affaire. Sans oublier qu’il existe des milliers d’autres qui craignent de subir le même sort». Le président Tammam Salam a dévoilé qu’il avait discuté le cas avec son homologue émirati et que «le dossier n’est pas encore clos», ajoutant que «les Emirats accueillent des dizaines de milliers de Libanais de diverses communautés. Mais les autorités ont le droit de prendre des mesures pour des raisons sécuritaires, je ne pense pas que tous les individus écartés appartiennent à une même catégorie». Salam a assuré que 4000 personnes ont dû quitter les Emirats dont des Iraniens, des Pakistanais, des Egyptiens et des Syriens.
Le dialogue se poursuit
Le président Nabih Berry a dû intervenir pour instaurer l’accalmie et empêcher l’implosion du dialogue entre le Moustaqbal et le Hezbollah, qui aurait besoin de nouveaux garde-fous pour assurer sa continuité. Des milieux concernés par ce dialogue et bien informés du côté du parti chiite estiment que l’escalade verbale n’aura pas d’incidence sur les échanges, soulignant que le discours du président Fouad Siniora à l’occasion du 14 mars était excessivement provocateur, ce qui lui a valu une réponse du député Mohammad Raad qui a mis les points sur les «i». «Le Hezbollah, poursuivent ces milieux, est attaché à mener le dialogue jusqu’au bout, mais il est inadmissible de continuer à user du langage incitateur de Siniora, Ahmad Fatfat et Achraf Rifi».
Le dialogue Futur-Hezbollah menacé
Le tandem chiite Amal-Hezbollah veut poursuivre le dialogue avec le Moustaqbal et réalise ses bienfaits sur la réduction des tensions. Cependant, la partie chiite est contrariée par les signaux négatifs et le climat tendu récemment instauré, qui fait peser le doute sur la crédibilité et la finalité de cet échange bilatéral. Cela va du discours prononcé, le 14 mars, par Saad Hariri, au communiqué du 14 mars lu par Fouad Siniora, ses déclarations devant le TSL, ainsi que celles du ministre Achraf Rifi en Arabie saoudite… Le Hezbollah estime que toutes ces données, loin d’être favorables au dialogue, alimentent à nouveau les tiraillements dans la rue. Les milieux chiites pensent que l’escalade politique pratiquée par le Futur n’est pas passagère ou accessoire, mais s’inscrit dans un cadre plus large. Ils soulignent trois points:
– L’existence d’un groupe au sein du Futur qui, pour diverses raisons, se sent désavantagé par le dialogue et tente de le saboter.
– L’existence d’un problème interne au Moustaqbal où certains membres ne sont pas prêts au dialogue avec le Hezbollah auquel ils n’ont pas été préparés.
– Un changement au niveau politique en Arabie qui a commencé à apparaître au lendemain du décès du roi Abdallah, lié aux développements au Yémen. Un changement qui a produit une détérioration supplémentaire des relations irano-saoudiennes.
Al-Nosra veut se débarrasser des otages
Le général Abbas Ibrahim, directeur de la Sûreté générale, a communiqué au commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi, toutes les données relatives aux négociations en cours dans le dossier des militaires otages. Comme l’a confirmé Tammam Salam, il existe de «nouveaux développements» dans cette affaire, sans donner plus de précision. Les informations qui circulent font état de «progrès sérieux» concernant la libération des otages aux mains d’al-Nosra, à condition que le statu quo ne soit pas subitement perturbé par la confrontation prévue avec Daech. En fait, on rapporte que le Front al-Nosra souhaite se débarrasser du poids des seize militaires qu’il détient, surtout à l’ombre d’une éventuelle bataille contre Daech, qui lui ferait perdre ses bases dans le Qalamoun, ou encore de l’éclatement d’une autre bataille avec l’armée du régime et le Hezbollah qui aboutirait à une perte de son influence et de ses positions.
Le mystère plane sur le transfert de Hale
Les milieux politiques ont relevé, avec grand intérêt, le transfert prématuré de l’ambassadeur des Etats-Unis, David Hale, de Beyrouth à Islamabad, qui constitue l’un des plus importants sièges diplomatiques pour Washington. Cette décision intervient quelques mois avant l’expiration, en septembre, du mandat de Hale prévu au départ pour deux ans comme pour tout ambassadeur des Etats-Unis au Liban. L’expédition des affaires courantes à l’ambassade, en attendant l’arrivée d’un nouvel ambassadeur, sera confiée au chargé d’affaires, Marc Dujardin. Les divers milieux interprètent la décision américaine de façon contradictoire. Certains pensent que ce transfert équivaut à une promotion, considérant que le Pakistan est un Etat fort intéressant au niveau de la politique étrangère américaine et que le choix de Hale pour occuper ce poste devenu vacant est fondé sur ses compétences… D’autres estiment que le départ de l’ambassadeur est lié à une décision de l’Administration américaine de baisser le ton vis-à-vis du Hezbollah, rappelant que cette décision est intervenue quelques jours seulement après une déclaration incendiaire de Hale contre le Hezbollah et l’Iran faite au ministère de l’Intérieur, en présence du ministre Nouhad Machnouk, promoteur du dialogue avec le Hezbollah, et pendant que le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, négociait le dossier nucléaire avec son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif.
Ersal, paradis des combattants
Le regain de tension à Ersal ouvre la voie à diverses conséquences parmi lesquelles le déclenchement de la fameuse bataille du Qalamoun, le retour du chaos sécuritaire dans le village, ou encore l’intensification des problèmes émanant des camps de réfugiés, surtout dans le camp de Wadi Hmayed qui abrite les familles des combattants dispersés dans le jurd.
Il y a environ une semaine, les habitants libanais de Ersal, excédés par les déplacés syriens qui les dépassent en nombre, ont organisé une manifestation pour dénoncer la main-d’œuvre syrienne dans leur village. Les gens sont divisés: une partie réclame le départ des Syriens qui volent les emplois disponibles, tandis que l’autre veut bien continuer à profiter des loyers qu’ils paient.
Une source de la région révèle que les éléments armés ont formé des comités locaux pour protéger les camps et les boutiques qu’ils occupent au village. Ils commencent même à organiser des patrouilles de nuit… Aussi, les organisations d’al-Nosra et Daech ont-elles établi des tribunaux de campagne, habilités à juger Syriens et Ersaliens. Ils auraient même récemment convoqué Jihad Hojeiry à comparaître, mais celui-ci a refusé de se présenter. Il y a quelques jours, à la suite d’une collision entre un véhicule conduit par un habitant de la famille Audé et un autre portant une plaque syrienne, le conducteur a saisi le tribunal du cas, qui a condamné Audé à verser 500 $ au conducteur.
Les armes françaises à la mi-avril?
La concrétisation du contrat franco-saoudien relatif à la livraison d’armes, d’équipements et de munitions à l’Armée libanaise débutera avec l’arrivée à Beyrouth du ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, à la mi-avril, selon une source diplomatique française. «L’obtention par l’Armée libanaise de ces équipements modernes nécessitera sa restructuration de manière à en faire une armée moderne, et cela elle le sait», explique une source française informée des détails du contrat. Une infime partie de ce matériel sera puisée dans l’arsenal des forces françaises, mais la majeure partie de ces armes est neuve. Contrairement à ce qui a été propagé, les dépôts de l’armée française ne contiennent pas des hélicoptères ou des navires militaires en réserve.