Alors que l’économie du pays va à vau-l’eau, que les menaces pèsent sur nos frontières et que nos institutions se dégradent à vue d’œil, notre sécurité intérieure est, grâce à l’armée et aux forces de sécurité, placée au premier rang sur tous les fronts. Les équipements qui leur sont promis leur sont fournis au compte-goutte et au gré des pays donateurs. Ces hommes qui risquent leurs vies, face à l’ennemi qui terrorise de plus en plus la planète, qu’il se donne pour nom Daech ou al-Nosra et qui tient des militaires otages qui, aussi aguerris soient-ils, se trouvent dans l’une des situations les plus dures, alors que leurs familles haranguent les dirigeants et n’obtiennent que des promesses de négociations, annoncées sur le point d’aboutir mais qui ramènent sans cesse à des pourparlers dont on ne voit pas l’issue.
La bataille du Qalamoun, dans laquelle le Hezbollah s’est engagé, on ne sait pour quelle raison, sinon celle qu’il avance: empêcher les terroristes de franchir la fragile frontière qui sépare le Liban de la Syrie, fait de plus en plus l’objet de contestation. Et les rumeurs alarmantes ne sont guère de nature à favoriser une économie déjà si branlante. Entre-temps, les hommes d’affaires, entrepreneurs, commerçants, encore accrochés à leur terre, dénoncent le laxisme, l’ignorance ou même la corruption des représentants du peuple dont le seul souci est de se maintenir, à moindres frais, dans leurs sièges sous la coupole.
Pourtant, au Liban, les compétences ne manquent pas dans le secteur de l’économie. Les exemples de leurs succès et de leurs activités à l’étranger font la «Une» des médias internationaux, alors que dans leur propre pays, ils sont inconnus ou méconnus et même parfois combattus. Ainsi, ils sont intégrés dans le bottin international des personnes qui ont réussi à l’étranger. Un Libanais, parti il y a juste douze ans de sa ville natale, est cité dans la liste des milliardaires, de ceux qui ont créé de l’emploi dans le pays où ils ont émigré. Mais, hélas, rien n’encourage de tels entrepreneurs, qui ne doivent leur succès qu’à leur seule volonté, à investir dans leur propre patrie. Si quelques-uns, de plus en plus rares, tentent d’apporter une coopération à la reprise économique du pays, ils sont découragés par des lois inadaptées, par des difficultés et des conditions rédhibitoires. Comment faire confiance à un Etat qui gouverne sans budget national depuis 2005 et qui n’arrive toujours pas à en établir un? Plusieurs pays se seraient déclarés en faillite dans de telles conditions. C’est le Liban, dit-on. Mais tout a une fin malheureusement. Même le miracle libanais.
Depuis une décennie au moins et ce n’est pas fini, personne ne connaît le montant des sommes dont dispose l’Etat, ni celui des dépenses et des dettes. Mais le secret du fonctionnement des institutions a une limite. Ainsi, les fonctionnaires miraculeusement payés à ce jour ont cessé de l’être et une grogne tardive les a jetés dans la rue.
La structure communautaire, teintée de féodalisme, des institutions politiques du Liban paraît, à bien d’égards, désuète dans un pays où l’essor culturel et l’évolution sociale des élites sont si avancés. Aussi ne saurait-on s’étonner de voir l’œuvre, dans le Liban d’aujourd’hui, des forces nouvelles ou novatrices qui tendent à modifier le statu quo.
L’idée de faire entrer les professions dans la structure politique a été lancée de longue date au Liban par des intellectuels inspirés de précédents Occidentaux. Mais comment combattre la prépondérance politicienne, des communautés et du féodalisme? Un syndicalisme ignoré, il y a encore peu de temps, s’est soudain réveillé. Les associations professionnelles s’organisent peu à peu, mais leur seule arme, qui s’avère d’ailleurs peu efficace, est de bloquer le commerce et les institutions par des grèves et des manifestations, qui s’avèrent improductives.
Au milieu de ce micmac politique, les organismes économiques tentent de faire valoir leur opinion sur l’orientation politique, mais en vain. Les préoccupations des législateurs sont ailleurs. Celles des citoyens passent au dernier rang des soucis.
Mouna Béchara