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Nº 3001 du vendredi 15 mai 2015

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Massoud Barzani, président du Kurdistan. «Nous préparons un plan pour libérer Mossoul»

Lors d’une visite la semaine dernière dans la capitale américaine, Washington DC, le président de la région du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, a répondu aux questions des chercheurs et journalistes de diverses publications dont Magazine, dans le cadre d’une conférence fermée au public, organisée par le centre de réflexion Atlantic Council et l’Institut pour la paix. Il a abordé à cette occasion le sujet brûlant de l’Etat islamique, ainsi que l’impact de ces développements sur les ambitions indépendantistes kurdes et cela à la suite de sa rencontre avec le président américain, Barack Obama, et le vice-président, Joe Biden.

En juin dernier, les Kurdes irakiens se sont retrouvés face à un tournant lorsque les combattants de l’Etat islamique (EI) ont conquis Mossoul, la seconde plus grande ville d’Irak. Quel est le but de votre visite aux Etats-Unis?
Le but de notre visite à Washington est de remercier les dirigeants américains pour l’assistance fournie par les Etats-Unis aux Kurdes lorsque nous étions confrontés à la brutalité de l’EI. Comme vous le savez, le Kurdistan a fait face en août dernier à une attaque de grande envergure de la part de terroristes disposant de moyens importants, grâce à l’équipement pris aux armées syrienne et irakienne. Le Kurdistan a adopté une double stratégie: la première visant à stopper l’avancée de l’EI et la seconde à lancer une offensive contre cette organisation. Je voudrais réitérer mes remerciements aux Etats-Unis et aux membres de la coalition pour la couverture aérienne qu’ils nous ont fournie et qui a permis de changer l’équation au sol en faisant subir à l’EI des défaites majeures. Cette organisation est une extension d’al-Qaïda, mais la différence entre elles réside dans le fait qu’al-Qaïda est salafiste-jihadiste, alors que l’EI est un groupe salafiste-jihadiste, mais aussi chauviniste. Ce groupe est contre l’humanité, l’histoire, la liberté et les valeurs démocratiques. Dans toutes les régions soumises à son contrôle, il n’y a aucune place pour les libertés religieuses ou démocratiques. Nous sommes fiers de nous trouver en première ligne dans le combat mené contre l’EI, d’autant plus que nos peshmergas ont détruit le mythe d’invincibilité de cette organisation. Cela a été un grand sacrifice pour nous, car près de 1 200 peshmergas ont été tués et 7 000 blessés, en plus de pertes morales et matérielles. La coalition et nous-mêmes avons défendu les valeurs humaines. Nous sommes fiers de ce que les peshmergas ont accompli, mais ces derniers ont besoin d’armes et de munitions pour finir cette guerre. Nous avons reconquis 20 000 km carrés qui étaient sous le contrôle de l’EI. Ce conflit a eu un impact sur le Kurdistan, qui a recueilli 1,5 million de déplacés et de réfugiés, dont 250 000 venant de Syrie. Ainsi dans la province de Duhuk, le nombre de réfugiés et de déplacés est plus important que celui de la population locale.

L’unité de l’Irak est un facteur important dans la lutte contre l’EI. Cette unité a-t-elle fait l’objet de vos discussions (avec l’Administration américaine)?
La lutte contre l’EI nécessite l’unité de l’ensemble de l’Irak, mais le Kurdistan a joué un rôle primordial dans cette confrontation. Cette unité dépend du peuple (irakien) s’il est convaincu de l’importance d’une coexistence pacifique. Tout le monde en Irak doit comprendre que l’union du pays doit être volontaire et non pas se faire par la force.

De quelle manière les Kurdes perçoivent-ils l’offensive de la coalition saoudienne et arabe contre des factions appuyées par l’Iran, notamment au Yémen?
Quel est leur sentiment dans la perspective d’un éventuel accord nucléaire entre l’Iran et les grandes puissances? Quel en serait l’impact sur le Kurdistan?
Nous avons une cause qui diffère de toutes ces questions, mais nous ne pouvons nier le fait que ces changements nous affecteront. Notre priorité demeure cependant axée sur ce qui est important pour notre peuple et nous espérons que la situation au Yémen et les négociations nucléaires se termineront par un accord satisfaisant. Nous tenterons d’éviter de prendre part aux disputes de la région. Nous avons notre propre agenda dont la priorité est la défense des intérêts de notre peuple.
 
Serons-nous témoins de la création d’un Kurdistan indépendant l’année prochaine? Avez-vous prévu la tenue d’un référendum afin de déterminer l’avenir de cette région?
Je ne sais pas si cela aura lieu l’année prochaine ou dans un futur plus éloigné, mais l’indépendance va certainement venir. Je tiens à réaffirmer que l’indépendance du Kurdistan est un processus continu, et nous ne retournerons pas en arrière. Néanmoins, nous voulons y parvenir d’une manière pacifique à travers le dialogue et non pas par la violence. Maintenant, notre pays est en guerre et cette guerre n’est pas finie, voilà pourquoi la question du référendum est retardée. La création d’un comité électoral est une première étape vers la tenue d’un référendum sur l’indépendance et elle a été accomplie. Dès la fin de la guerre, un référendum aura lieu et le peuple du Kurdistan doit avoir la possibilité de décider de son propre avenir.
 

Quel sera l’avenir des régions faisant l’objet de disputes (entre Arabes et Kurdes) dans le cas d’un référendum, surtout depuis que l’offensive de l’EI et la reprise du terrain par les Kurdes ont provoqué un changement démographique en faveur de ces derniers?
Pour ce qui est des régions faisant l’objet de disputes, cette question a été abordée dans la Constitution irakienne, notamment dans l’article 140, et elle devait être résolue en 2007, ce qui n’a pas été le cas. Mais nous ne sommes présents aujourd’hui que dans les régions qui font partie historiquement et géographiquement du Kurdistan. Concernant l’avenir de ces régions, il dépend de leur population, qui devra en décider ultérieurement. J’ai rencontré les tribus sunnites dans (les régions de Ninive), Zoummar et Shingar et elles sont satisfaites des relations que nous entretenons. Ceux qui ont coopéré avec l’EI auront le même sort que cette organisation, mais ceux qui sont restés neutres demeureront dans ces régions.

Lors de votre réunion avec le président Barack Obama, avez-vous eu des promesses concernant une livraison possible d’armes?
La réunion a eu un grand succès mais, aujourd’hui, notre priorité est de lutter contre l’EI et repousser cette organisation loin de nos régions. Bien sûr que le président et le vice-président (américains) sont concernés par cette question et veulent que les peshmergas reçoivent des armes et des munitions. Le point important est l’obtention des armes par les peshmergas. La manière dont elles seront acheminées est secondaire.

Quels risques posent au Kurdistan les factions chiites accusées d’atrocités?
Les chiites sont nos alliés, mais nous avons de bonnes relations avec les deux communautés sunnite et chiite. En ce qui concerne les unités de mobilisation populaires Hachd el-Chaabi, elles ne sont pas au Kurdistan et nous n’avons pas besoin d’elles. Bien sûr, n’importe quelle force en dehors des structures de sécurité gouvernementales nous causera des problèmes. C’est pourquoi toutes les forces paramilitaires doivent être sous le contrôle du gouvernement et donc du Premier ministre. Si ces factions sont placées sous le contrôle du Premier ministre et coordonnent avec les forces irakiennes, elles ne constitueront pas un problème. Mais dans le cas contraire, elles poseront un problème pour nous tous 
les Irakiens.  

Qu’attendez-vous des Américains dans le cadre d’une offensive irakienne contre Mossoul?
Tant que les terroristes sont à Mossoul, ils présentent un risque pour les Kurdes, l’Irak et les pays de la région. Ces combattants considèrent Mossoul comme leur capitale. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour libérer cette ville. Nous sommes en discussion avec nos amis américains et avec Bagdad afin d’élaborer un plan pour libérer Mossoul.

Mona Alami, Washington DC

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