La dernière rencontre entre Hassan Nasrallah et Michel Aoun, qui a duré quatre heures et demie, continue de susciter des interrogations. Sur quoi les deux hommes se sont-ils entendus, sachant que Aoun a lancé une campagne qui va crescendo pour les nominations militaires et sécuritaires?
Ce qui est sûr, c’est que sayyed Hassan Nasrallah et le général Michel Aoun ont longuement évoqué le dossier des nominations militaires et son impact sur la situation politique globale. Le général Aoun a ainsi expliqué qu’il serait très nuisible pour le moral des militaires de bloquer une nouvelle fois le système de promotions et les grades en procédant à un nouveau report de l’âge de la retraite des principaux commandants de la troupe. Selon lui, en prêtant serment, chaque nouvel officier rêve un jour d’atteindre les plus hautes fonctions au sein de l’armée, selon le système confessionnel en vigueur. Or, le fait de maintenir en place les généraux qui occupent les plus hautes fonctions bloque l’ensemble du système et crée un véritable malaise chez les officiers, à un moment où le Liban a plus que jamais besoin de ses soldats qui mènent une guerre féroce contre le terrorisme. De plus, pour le général Aoun, si le dossier présidentiel est bloqué quelque part entre l’Iran et l’Arabie saoudite, il n’y aucune raison régionale ou internationale qui empêche la nomination d’un nouveau commandant en chef de l’armée. Il s’agit donc d’un blocage purement interne, qui pousse certaines parties à profiter de la confusion régionale et internationale pour chercher à marquer des points et des petits acquis sans tenir compte de l’intérêt du pays et de l’armée elle-même. Il ne s’agit donc pas tant de la nomination du chef des commandos de l’armée, le général Chamel Roukoz (qui a, par ailleurs, naturellement le droit de devenir commandant en chef de l’armée), mais de laisser le système fonctionner, loin des tiraillements politiques et dans le respect des règlements en vigueur.
Démission du cabinet
Selon des sources des deux camps, le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a écouté l’exposé du général Aoun sur la situation de l’armée et il a exprimé son appui total à la nécessité de procéder aux nominations militaires dans les plus brefs délais. Il a même affirmé à son interlocuteur que si la question devait être soumise au vote au sein du Conseil des ministres, le Hezbollah se fait fort d’appuyer la position du chef du Courant patriotique libre et il pourrait même demander au président de la Chambre, Nabih Berry, d’en faire de même avec les ministres qui sont sous son influence. Mais la question qui demeure en suspens est la suivante: comment faire accepter cette approche au Courant du futur et à ses alliés, sachant qu’en toute probabilité, Saad Hariri s’est rétracté par rapport à la proposition qu’il avait faite au général Aoun d’accepter le général Roukoz à la tête de l’armée, en contrepartie de la désignation du général Imad Osman à la tête du SR des FSI (le département des Renseignements). Les deux hommes ont ainsi étudié plusieurs possibilités et, finalement, ils se seraient mis d’accord sur un plan par étapes pour pousser le 14 mars à renoncer à l’idée du report de l’âge de la retraite pour certains officiers moyennent la désignation de nouveaux commandants aux postes-clés, selon le processus normal. Les sources des deux camps préfèrent ne pas divulguer le plan pour ne pas en brûler les étapes, mais elles affirment que l’intérêt du Liban et des Libanais sera prioritaire. S’il faut aller jusqu’à la démission du gouvernement, les ministres du Bloc du Changement et de la Réforme et ceux du tandem Amal-Hezbollah n’hésiteront pas à le faire, tout en prenant soin de préserver la stabilité interne. Mais avant d’en arriver là, il existe une série de mesures qui peuvent être suffisantes pour convaincre le camp adverse et qui passent par l’échange de vues, les campagnes médiatiques et peuvent aller jusqu’au gel de la participation aux réunions du gouvernement, en plus de la paralysie du Parlement. Aoun et Nasrallah sont en effet convaincus que préserver l’armée en procédant aux nominations n’est pas aujourd’hui une question secondaire, mais un problème de fond qu’il faut traiter avec le sérieux et l’urgence nécessaires.
Joëlle Seif
Qalamoun et l’impact sur l’armée
Des sources bien informées estiment que la bataille qui se déroule dans le Qalamoun pourrait avoir un impact direct sur le dossier des nominations militaires, sachant que le commandant en chef actuel, le général Jean Kahwagi, dont le mandat prorogé expire en septembre, a exprimé son refus de laisser la troupe participer à cette bataille aux côtés du Hezbollah et de l’armée syrienne…