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Nº 3002 du vendredi 22 mai 2015

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Journée internationale contre l’homophobie. Le Liban tolérant des homosexuels?

L’association Proud Lebanon a célébré, le dimanche 17 mai, la Journée internationale contre l’homophobie, à travers une série d’activités à l’hôtel Monroe à Beyrouth. La journée, intitulée La communauté LGBT au Levant: faits et challenges, a été annoncée par des spots publicitaires télévisés qui défendent le droit à la différence et à l’homosexualité. Un tel événement ne pouvait se dérouler qu’au Liban et a fait salle comble.
 

Dans la vidéo lancée pour cette occasion, une quinzaine de célébrités et d’activistes engagés, dont Cynthia Karam, Bruno Tabbal, Carole Abboud, Zeina Daccache, Béchara Atallah, Rabih Salloum, Médéa Azouri, Jana Younès, Christine Choueiri, Natacha Choufani, Yvonne el-Hachem, Pauline Haddad, Fouad Yammine, Elie Youssef et André Nacouzi, ont prôné la diversité et le respect des différences. Les slogans repassés sont clairs et directs: «Sais-tu que le premier article de la Déclaration universelle des droits de l’homme affirme que tous les êtres humains naissent libres et égaux en droits et en dignité?», «Sais-tu qu’au XXIe siècle, des personnes sont encore arrêtées, battues, stigmatisées et même tuées, juste parce qu’elles sont homosexuelles?», «Ce n’est pas parce qu’on ne reconnaît pas leur existence que les homosexuels n’existent pas», «Etre différent n’a rien de honteux. Combattre les différences est honteux», «Tu n’es pas obligé d’être pauvre pour défendre les pauvres. Tu n’es pas obligé d’être une femme pour défendre les droits des femmes. Tu n’es pas obligé d’être gay pour défendre les gays. Il suffit d’être humain»…
Au menu de la journée pour lutter contre l’homophobie, intitulée La communauté LGBT – Lesbian (lesbienne), Gay, Bisexuel, Transgendered (transexuel) – au Levant: faits et challenges, diverses activités dont L’amour au temps de la persécution, une exposition du photographe à l’envergure internationale, Robin Hammond, avec des photos de gays soumis à des arrestations arbitraires et à diverses formes de violences, de persécutions allant de la torture, en passant par le viol jusqu’à l’assassinat. Ces photos sont accompagnées de textes qui relatent les expériences de chacun, les discriminations et les injustices qui les touchent. Des témoignages écrits du Liban, mais aussi d’Irak, de Syrie, de Jordanie… Au Liban, les homosexuels sont parfois arrêtés et emprisonnés de façon arbitraire, subissant un harcèlement moral et physique. Mais, dans les pays arabes en général et là où l’Etat islamique sévit en particulier, ils sont arrêtés systématiquement et sont la proie des pires atrocités dont le viol, le meurtre à sang-froid, la lapidation… Deux courts métrages, réalisés par Raëd Raféï, racontent l’histoire de deux hommes qui se sont mariés aux Etats-Unis, avant que le mariage gay ne soit officialisé et montrent comment la communauté homosexuelle a lutté et manifesté dans les rues pour que la cour américaine reconnaisse ses droits. Un long métrage d’Anthony Chidiac, intitulé Equal Men, présente des témoignages de travestis et de transsexuels vivant au Danemark, ainsi que l’histoire d’un couple gay qui vit son quotidien dans l’entente et l’harmonie. S’ensuit une pièce de théâtre intitulée Survivants, où des homosexuels racontent divers pans de leur vécu.

 

Témoignages-choc
Les «acteurs» venus d’Irak, de Syrie, de Jordanie et du Liban avaient le visage masqué. Ils ont raconté des expériences de vie, la leur, mais aussi celle de gens qui assument leur choix et d’autres qui subissent l’influence familiale et sociale, vivant leurs tendances sexuelles dans la peur et la honte. Un jeune Irakien raconte à quel point les sociétés arabes et les gouvernements des pays du Moyen-Orient sont discriminatoires à l’égard des homosexuels en proie aux dénonciations et aux pires atrocités. «Ma famille m’a rejeté. Elle a préféré que je sois mort avant d’afficher mon homosexualité. Certains gays, et ils sont nombreux, sont chassés non seulement de chez eux, mais du pays. On ne les laisse pas tranquilles une seconde: viol, harcèlements, acide jeté sur le visage, assassinats à froid, lapidation… Tous les moyens sont bons pour éradiquer ce que les autorités considèrent être un fléau, alors que, dans l’obscurité de leurs demeures, ils sont nombreux ces responsables politiques qui s’adonnent à l’amour entre des personnes du même sexe. J’ai plié bagage et je suis venu à Beyrouth». Une jeune lesbienne, venue elle aussi d’Irak, a avoué s’être rendue au Liban pour pouvoir vivre tranquillement. «J’aime les femmes, dit-elle, non parce que les hommes m’ont harcelée ou violée ou choquée d’une façon ou d’une autre. J’aime les femmes parce que c’est comme ça. L’amour n’a pas de genre. Ma famille et ma société ont fait pression pour que je me marie considérant l’homosexualité comme une perversion. Or, à mes yeux, être pervertie, c’est accepter les diktats sociaux et se plier aux règles des autres, quitte à vivre malheureux toute sa vie». Plusieurs Syriens ont également relaté les discriminations qui les atteignent dans leur pays… Des Jordaniens aussi. Au Liban, l’homosexualité est certes interdite et passible de prison, mais depuis que les acteurs de la société civile et des droits de l’homme ont pris cette affaire à cœur, depuis que les homosexuels libanais tentent, à travers des associations et des workshops, de faire avancer leur cause et d’œuvrer pour une modification de l’article 534 de la loi (l’article 534 du code pénal interdit les relations sexuelles considérées antinaturelles qui sont punies d’emprisonnements pouvant aller jusqu’à un an), Beyrouth est considéré tolérant dans la mesure où il n’y a pas de comportements jugés provocants et choquants en public.
Intéressant également, le court métrage qui raconte l’histoire d’un jeune homme atteint de sida, rejeté par sa famille et sa société du fait de sa maladie. En conclusion de cette journée contre l’homophobie, une discussion ouverte et franche a eu lieu entre tous les présents sur l’impact des médias sur les questions relatives aux droits de l’homme dont l’homosexualité. En clôture, un concert d’Yvonne el-Hachem.
Une initiative pareille sensibilise certes l’opinion publique, mais elle contribue également à banaliser l’homosexualité et à encourager les gays à sortir de l’ombre et à se défendre quand ils sont injustement attaqués ou arrêtés.

Danièle Gergès

La Journée contre l’homophobie
Le 17 mai 1990, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) approuve la nouvelle classification de maladies. Cette liste ne comprenait plus désormais l’homosexualité qui, à partir de cette date, n’est plus considérée une maladie. En 2004, la Journée internationale contre l’homophobie est décrétée, une occasion de sensibiliser les gens sur la question des gays.

Proud Lebanon
Proud Lebanon est une ONG qui œuvre afin d’assurer la protection des personnes marginalisées, victimes de discriminations et spécifiquement les homosexuels. Elle assure également des cours d’anglais, de computer, de couture, de coiffure, d’art sous toutes ses formes, un support psychologique, légal et médical. Son objectif est aussi de promouvoir la tolérance et l’acceptation de l’autre au Liban et dans la région, par le biais d’activités et de workshops, de publications et de campagnes d’éveil.

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