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Nº 3004 du vendredi 5 juin 2015

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Hezbollah-Courant du futur. La fragile trêve politique risque de voler en éclats

Pour les amis du Liban, la nécessité de sauvegarder la stabilité du pays et de le maintenir à l’écart des crises régionales et du feu syrien s’impose. Le dialogue Hezbollah-Courant du futur constitue une protection politique au gouvernement, qui se maintient par la force du fait accompli et de la nécessité d’empêcher l’effondrement. Mais depuis quelque temps, le climat a changé et le ton est à l’escalade. Pourquoi et jusqu’où cela peut-il aller?

La situation change et les structures politiques se dégradent. Une nouvelle réalité s’est imposée dans la région avec la «tempête du Yémen», qui a dessiné un nouveau tournant grave qui se répercute sur l’ensemble des dossiers et des crises de la région, en Irak, en Syrie et jusqu’au Liban. Le pays du Cèdre avait réussi, à ce jour, à rester à l’écart des champs de bataille non sans en subir les ondes de choc, à travers la frontière syrienne, ainsi que par les répercussions des luttes régionales.
Le Liban a été fortement touché par l’explosion du conflit saoudo-iranien et par la guerre régionale latente et ses conséquences sur les alliés libanais de chacun des deux pays: le Hezbollah et le Courant du futur. Le premier a introduit de nouvelles stratégies politiques et militaires, le second a changé sa politique de communication, de propagande et de discours politique. Les deux parties sont revenues à «l’indispensable dialogue et au gouvernement dit de participation», autrement dit au point zéro. Jamais la relation n’avait atteint ce degré de tension ni cet échange acerbe entre les partenaires.
 

Choix difficiles
La relation entre les deux grands partis chiite et sunnite se trouve à la croisée déterminante du chemin. L’heure des choix et des décisions difficiles a sonné. Le Hezbollah et le général Michel Aoun ont décidé de mettre sur la table du gouvernement deux dossiers particulièrement délicats et sensibles. Celui de Ersal et de ses jurds et celui des nominations sécuritaires. Ceci est une manière de coincer politiquement les ministres représentant le Moustaqbal dans un timing qu’ils n’ont pas choisi.
Le Hezbollah a opté pour ce qu’il voulait et vers où il s’orientait.
Achever la bataille du Qalamoun en libérant les jurds de Ersal avec l’armée, l’approbation du gouvernement qu’il le veuille ou le refuse.
Mettre fin à la bataille de Ersal avant le mois du Ramadan. Battre le fer quand il est chaud, après l’évacuation des groupes extrémistes du Qalamoun et avant le rassemblement de leurs forces et la réorganisation de leurs rangs.
Soutenir Michel Aoun dans les nominations sécuritaires et dans ses décisions et ses choix même s’ils ne sont pas acceptés. Les prises de position sont désormais connues et tranchées concernant la nomination du nouveau commandant en chef de l’armée et d’un nouveau directeur des Forces de sécurité intérieure (FSI) sur la base de l’accord de tous sur les deux nominations. Si Michel Aoun n’obtient pas satisfaction et que la prorogation des mandats des chefs militaires est décidée, il s’orientera alors vers le boycott du gouvernement et, par conséquent, sa paralysie.

 

Graves conséquences
En revanche, le Courant du futur ne définit pas clairement sa position. Tous les indices montrent qu’il s’oriente vers un refus de fournir une couverture gouvernementale politique (donc le dialogue) à la bataille du Hezbollah contre les terroristes dans les jurds de Ersal et celui de prendre en considération les prétextes et les justifications du Hezbollah qui veut que ces jurds soient une région libanaise occupée par des takfiristes armés, qui constituent un danger sérieux sur les villages et les régions libanaises de la Békaa du Nord… Le Courant du futur ne voit dans cette bataille qu’un piège tendu à l’armée et au gouvernement. S’il refuse de nommer le général Chamel Roukoz au poste de commandant en chef de l’armée pour des raisons politiques et d’élire le général Aoun à la présidence de la République, les conséquences sur le plan interne menacent d’être graves.
La question est de savoir si le Futur maintiendra sa position, fondée essentiellement sur l’attachement du Hezbollah au dialogue, au gouvernement et sa hésitation de les faire chuter quelles que soient les circonstances et les pressions. Ou révisera-t-il ses calculs au vu de certains signaux qui montrent que le Hezbollah est disposé à mener sa bataille de survie jusqu’au bout et ne tient plus à ce gouvernement qu’il qualifie de «saoudien», dans lequel le Moustaqbal compte la majorité des sièges et les ministères les plus importants? Pour le Hezbollah, Saad Hariri a renié ses engagements concernant le commandant en chef de l’armée.
Aoun et le Hezbollah se retrouvent actuellement, dans les pressions exercées sur le Futur et le gouvernement, et envoient ce message à Hariri: «Si vous ne voulez pas mener la bataille des jurds de Ersal et si vous bloquez les nominations militaires, vous pouvez le faire, mais sachez que le prix à payer est la chute du gouvernement».
L’escalade politique et le ton adopté par le Hezbollah et son secrétaire général ont placé les discours à un niveau inhabituel jamais connu. Sayyed Hassan Nasrallah parle «d’une guerre existentielle et d’un danger terroriste takfiriste» qu’il place avant le danger israélien. Il laisse planer l’idée d’utiliser toute sa force partout sur la scène des opérations et des batailles afin de libérer les jurds de Esral avec ou sans l’Etat libanais. Il en est arrivé dans sa mobilisation politique jusqu’à menacer d’une mobilisation militaire générale, le temps venu et si besoin est… Cette prise de position est accompagnée de pressions politiques sur le gouvernement, l’appelant à prendre une décision en ce qui concerne Ersal, abandonné jusqu’à nouvel ordre à la seule responsabilité de l’armée. Il revient au Courant du futur de définir sa politique et de confirmer sa participation à la lutte contre le terrorisme.

Chaouki Achkouti
 

Une couverture aux takfiristes
Pour Saad Hariri, la bataille de Ersal n’est qu’une bataille défensive au profit du régime Assad et du projet iranien au Moyen-Orient. Il refuse de s’engager politiquement dans cette bataille et de lui fournir une couverture à travers le dialogue et le gouvernement. Il y voit un piège tendu à l’armée et un danger pour la sécurité et la stabilité du pays.
Le Hezbollah, quant à lui, voit dans la prise de position de Hariri des indices dangereux: échapper aux obligations de la bataille contre les terroristes et accorder une sorte d’encouragement aux miliciens dans le jurd de Ersal en leur assurant un environnement favorable. Le Hezbollah tire des conclusions de l’attitude de Hariri pour qui, selon le parti, l’obligation de combattre le terrorisme obéit à des équilibres régionaux qui ne permettent pas une victoire du Hezbollah. Toujours selon le parti, Hariri mise sur des groupes takfiristes pour établir un équilibre nouveau au Liban… De nombreux messages lancés par Hariri indiquent que si le Hezbollah insiste à mener jusqu’au bout la bataille de Ersal, la trêve politique au Liban volera en éclats.

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