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Nº 3005 du vendredi 12 juin 2015

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Entre Aoun et Berry. Différends tactiques profonds, alliance stratégique fragile

Entre le président de la Chambre Nabih Berry et le général Michel Aoun, la relation n’a jamais été au beau fixe. Malgré un fragile accord stratégique sur les grandes lignes, il existe entre les deux hommes de profonds différends tactiques.

La situation du gouvernement et la nomination du général Chamel Roukoz à la tête de l’armée sont venues se greffer au contentieux qui oppose déjà Nabih Berry et Michel Aoun. Le président de la Chambre ne cache pas devant ses visiteurs son mécontentement, accusant le général Aoun d’agir avec le Conseil des ministres comme il le fait au Parlement. «Tout comme ils ont paralysé les séances législatives sous prétexte que telle ou telle loi ne figure pas à l’ordre du jour, ils se dirigent vers un blocage du gouvernement à moins que celui-ci ne prenne la décision qu’ils veulent. Je le dis franchement, je ne me solidarise pas avec le général Aoun pour bloquer l’action du gouvernement». Si Aoun bloque le gouvernement, cela mènera à créer un vide de plus au niveau du pouvoir exécutif, après le vide présidentiel.
Nabih Berry poursuit devant ses visiteurs qu’il ne peut tolérer, en tant que président de la Chambre et leader d’un parti politique, que tout le pays soit paralysé par Aoun, qui devrait attendre le moment de la fin du mandat du commandant en chef de l’armée Jean Kahwagi, au mois de septembre, pour réclamer la nomination de Chamel Roukoz à ce poste. Berry fait clairement part de sa volonté de ne pas être aux côtés du chef du Courant patriotique libre (CPL) dans son choix de bloquer l’action du gouvernement et qu’il ne va pas retirer les ministres de son parti du Conseil des ministres, même si ceux du Hezbollah adoptent une position identique à celle de leur allié chrétien. Nabih Berry ajoute qu’il n’est pas possible de nommer dès aujourd’hui le général Roukoz à la tête de l’armée parce que le mandat du général Kahwagi n’est pas encore achevé. Il serait préférable d’attendre jusqu’au mois de septembre, surtout qu’il n’y a pas de refus opposé à Roukoz, qui est recommandé par Kahwagi, malgré la campagne orchestrée contre ce dernier par le général Aoun. Pour cette raison, il ne sera pas solidaire avec lui, car ce serait une erreur de paralyser le pays à travers le blocage de l’action du gouvernement.
La relation entre ces «frères ennemis» n’a jamais été stable. Mais ces derniers temps, elle a connu plusieurs tensions. Malgré les propos rassurants des deux parties, il est clair qu’un malaise existe entre elles. Il y a quelques jours, le général Michel Aoun avait déclaré: «Nous sommes en accord avec le président Berry sur le plan stratégique, mais nous avons de temps à autre des différends sur le plan tactique». En parallèle, le chef de l’Assemblée avait confié à ses visiteurs qu’il existait quelques différends dans la gestion de l’Etat, mais «que cela peut arriver entre des ministres d’un seul rang». Dans les coulisses, des critiques et des accusations sont lancées de part et d’autre. Les députés du CPL n’hésitent pas à accuser Nabih Berry d’avoir torpillé l’accord portant sur la nomination de Chamel Roukoz au commandement de l’armée et Imad Osman aux Forces de sécurité intérieure. Le député Ghattas Khoury avait informé le général Aoun qu’il devrait convaincre Berry de cette équation. Quant aux députés du parti Amal, ils reprochent au général Aoun d’avoir de nombreuses demandes, d’avoir placé la barre très haut et qu’il était impossible de trouver un dénominateur commun avec lui. De plus, ils l’accusent d’avoir paralysé le pouvoir législatif. De son côté, le chef du CPL voit d’un œil très méfiant le retard dans le vote de la loi sur la récupération de la nationalité, alors que Berry assure que la loi est toujours étudiée par les commissions conjointes et qu’il ne peut pas l’afficher sur l’ordre du jour de l’assemblée générale tant que les commissions n’ont pas fini de l’étudier.
 

Joëlle Seif
 

Contentieux sur les émigrés
Le dossier des émigrés est venu s’ajouter au contentieux entre Michel Aoun et Nabih Berry. Ce dernier accuse le ministre Gebran Bassil d’avoir tenu à l’écart le directeur général des Emigrés, Haytham Jomaa, de la conférence Lebanese Diaspora Energy. Conséquence pratique, la communauté chiite a boycotté la conférence et des propos attribués au président Berry parlaient de confessionnalisme, disant que du temps de la guerre, il n’a pas entendu des propos ayant un tel caractère confessionnel. D’ailleurs, des sources informées rapportent leurs craintes du développement du conflit entre Berry et son équipe avec le ministre Bassil.

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