Magazine Le Mensuel

Nº 3007 du vendredi 26 juin 2015

Confidences Liban

Confidences Liban

Direction la Méditerranée pour Daech
Les victoires remportées par Daech, dans la province d’al-Anbar en Irak et à Palmyre en Syrie, ont été applaudies dans certaines régions libanaises du Nord, font remarquer des sources du 8 mars. C’est justement cette deuxième direction que prendra l’organisation terroriste au cas où elle réussit à contrôler la région de Homs en Syrie, comme le soulignent des rapports sécuritaires. Ces rapports indiquent clairement que l’infiltration de Daech au cœur du territoire libanais, après la chute de Homs, sera un fait acquis, surtout que l’organisation cherche, selon les plans établis, à s’assurer une présence stratégique en Méditerranée via le Liban-Nord. La crainte, poursuivent ces mêmes sources, est que la sympathie dont bénéficie Daech dans cette région se transforme pour certains en engagement dans les rangs du mouvement takfiriste.

De l’importance du Golan
Le front du Golan est considéré l’un des plus importants et des plus délicats pour des raisons géographiques mais aussi liées à la nature des groupes armés qui y sont présents. Non seulement une partie du Golan est sous occupation israélienne, mais la région est dotée d’une série de passages vers le Liban via le mont Hermon à travers le couloir de Beit Jinn-Chebaa, et vers les Territoires occupés. Du côté sud, elle est reliée au rif ouest de Deraa et à la Jordanie… Mais l’essentiel est que cette région n’est qu’à 70 km de Damas. C’est la brigade 90, déployée entre le village de Sahsah et Khan Arnaba, qui assure la sécurité de la ville et des collines qui l’entourent qui, à leur tour, sont considérées comme une ligne de démarcation face au village de Hamidiyé sous contrôle des éléments armés. Un autre point crucial dans le Golan est la relation des groupes armés entre eux. On parle de la possibilité d’une attaque express que mèneraient prochainement al-Nosra et l’Armée libre pour gagner du terrain à Qoneitra. La prise de contrôle de cet espace par al-Nosra en ferait la force la plus puissante avec possibilité de reproduction du scénario d’Idlib et d’extension ultérieure à Deraa.

Moscou pour un président consensuel
De retour de Moscou, un responsable libanais révèle que les Russes sont aujourd’hui clairement attachés à l’élection d’un président libanais consensuel. La protection des chrétiens d’Orient et du Liban constitue leur motivation principale sur ce dossier. Une tendance qui a semblé évidente lors de la rencontre du président Vladimir Poutine avec le pape François au Vatican, et aussi au cours de la rencontre du ministre russe adjoint aux Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, avec le vice-ministre iranien, Hussain Amir Abed Layhan. On attribue à Bogdanov des propos selon lesquels le général Michel Aoun devrait, grâce à son leadership, contribuer à l’accession d’une personnalité chrétienne consensuelle au pouvoir.
Le général Aoun doit se comporter de façon rationnelle, avance un diplomate européen à Beyrouth. Il est temps qu’il soit conscient que son arrivée à Baabda est impossible et qu’il est dans son intérêt d’y renoncer en contrepartie d’acquis politiques (droit de veto, une part déterminante dans le gouvernement, le commandement de l’armée…).

Armée: à l’heure des successions
Bien que le mandat du chef des Renseignements, Edmond Fadel, expire dans trois mois, la question de la nomination de son successeur est d’ores et déjà mise sur le tapis, avec une liste de candidats potentiels, deux d’entre eux ayant la priorité. Il s’agit du général Camille Daher (chef du bureau du commandant en chef de l’armée) et le général Richard Hélou (chef des Renseignements du Mont-Liban). On dit que le général Daher préfère être maintenu dans sa fonction en cas de reconduction du mandat du général Jean Kahwagi. D’autres noms sont également avancés, ceux du général Chamel Roukoz, dont le départ à la retraite serait retardé, et le général Georges Khamis (chef des Renseignements de Beyrouth), qui doit faire face à un obstacle étant de rite grec-catholique. Or, selon la répartition confessionnelle, c’est la direction générale de la Sécurité de l’Etat qui revient à cette communauté. Pour ce qui est du commandement de l’armée, la prorogation du mandat Kahwagi reste l’option la plus plausible. Dans le cas contraire, les candidats sont: le général Chamel Roukoz, mais aussi le général François Chahine du Akkar et le général Hamid Iskandar du nord de la Békaa.

Rifi dérape, Machnouk répare
Les violentes attaques verbales du ministre Achraf Rifi contre le général Michel Aoun («Nous œuvrons avec rage pour contrer l’accession de Aoun à la présidence parce qu’il fait partie du plan iranien») n’engagent pas le courant du Moustaqbal et n’expriment pas sa position officielle, comme le disent ses milieux, mais c’est l’avis personnel de Rifi qui a dévié de la ligne générale tracée par le Moustaqbal vis-à-vis du général.
Toujours d’après ces milieux, les dégâts faits par Rifi vont sans doute être réparés par le ministre Nouhad Machnouk dans le cadre d’une visite qui le mènera à Rabié où il discutera avec le chef du CPL des deux sujets de l’heure: le gouvernement et les nominations. Aoun avait semblé mécontent du Dr Ghattas Khoury – qui était chargé de la liaison avec Hariri – et avait souhaité que ce rôle soit attribué à Machnouk.

La présidence attendra
«L’élection d’un chef d’Etat n’aura pas lieu en septembre. Ces propos correspondent à une injection de calmants. La crise pourrait se prolonger jusqu’à ce que la conjoncture syrienne soit plus claire, affirme une instance chrétienne. Nous sommes définitivement reliés au sort de la Syrie et à l’avenir de sa nouvelle géographie politique. Le vide constitutionnel est tributaire de l’actualité mouvante au quotidien dans ce pays voisin».
Le seul élément rassurant, ajoute la source, est que l’Occident n’est pas favorable à un remaniement géographique du Liban. C’est ce qu’on appelle le parapluie international. Un parapluie auquel sont attachés notamment le Vatican, la France et les Etats-Unis qui souhaitent que cet espace soit sécurisé pour les chrétiens afin que le Liban, dans sa pluralité, reste un pont entre l’Orient et l’Occident.

Sur le fil du rasoir
Des responsables américains auraient indiqué devant une personnalité libanaise que «le règlement de la crise au Liban est reporté jusqu’à la fin du problème syrien qui, à son tour, attend le dénouement du bourbier irakien», Ainsi, le Liban, disent-ils, demeurera au bord du ravin, politiquement et économiquement… Il lui est interdit d’avancer ou de reculer, il doit rester sur le fil du rasoir. Parallèlement, il ne faut pas oublier qu’il existe une résolution internationale qui proscrit l’explosion du pays.

Les Geagea chez le bey
La visite du Dr Samir Geagea (en compagnie de la députée Sethrida Geagea) au domicile du député Walid Joumblatt à Clemenceau, qui a eu lieu en présence de Nora Joumblatt, Taymour Joumblatt, Waël Abou Faour et Nehmé Tohmé s’est déroulée sans grand tapage médiatique. Cette visite à caractère social prend quand même une connotation politique, surtout qu’il est fort rare que le chef des Forces libanaises se déplace et que les sujets d’actualité étaient au programme des conversations, notamment la situation des druzes en Syrie, le massacre d’Idlib, la crise gouvernementale, la législation d’urgence…
Le couple Joumblatt pourrait rendre visite à Bécharré au mois d’août pour participer au festival touristique des Cèdres sur invitation spéciale de sa directrice, Sethrida Geagea.

 

L’Otan se déploie en Méditerranée
L’élargissement de l’espace du conflit international à l’est de la Méditerranée pourrait avoir des incidences sur les intérêts du Liban, d’après un rapport diplomatique. Les pressions exercées sur les frontières maritimes se sont accentuées – surtout pour ce qui est des intérêts vitaux du Liban dans le secteur énergétique – avec la décision américaine de former une force de frappe rapide et d’utiliser les navires de l’Otan européen pour le déploiement de plusieurs milliers de Marines près de cette frontière, en septembre prochain. A l’ombre de ce bras de fer, il est quasi impossible que le Liban puisse jouer la carte de la neutralité. Justifier ce déploiement militaire – quelque 25000 soldats de l’Otan – par la lutte contre la vague d’immigrés clandestins, ou par la protection du sud de l’Europe des terroristes, ne peut pas masquer la volonté des pays occidentaux d’étendre leur domination sur l’énergie méditerranéenne. Le rapport cite des scénarios de guerres maritimes qui auront des retombées sur le Liban, à cause de la participation d’Israël aux préparatifs et à la logistique de ce projet. La marine israélienne œuvre, toujours selon le rapport, avec les hautes instances de l’Otan pour attaquer la mer de Libye et ses plages, cette extension de l’espace vital de l’Etat hébreu en Méditerranée est nocive pour le Liban qui subit, plus que nul autre, l’absence d’une force arabe dans cette mer.

 

Cent mille réfugiés dans les camps de Ersal
Le gouvernement veut-il sérieusement régler le dossier de la sécurité à Ersal sans démanteler les camps de réfugiés syriens implantés dans son entourage? La question est posée par des diplomates qui estiment que la présence de 100000 déplacés constitue un obstacle majeur pour l’action des forces de l’ordre. Le gouvernement syrien a créé la surprise en révélant à des fonctionnaires internationaux l’existence d’un plan global pour le rapatriement des déplacés présents au Liban, en se disant prêt à assurer le transfert d’une partie d’entre eux dans la région frontalière sécurisée proche du Liban, comme le village de Maysaloun, ou encore Dahyé et Kodsaya. Les mêmes diplomates n’ont pas hésité à critiquer un plan libanais visant à réinstaller les déplacés de Ersal dans les villages du centre et de l’ouest de la Békaa, comme Saadnayel, Taalbaya, Bar Elias Marj, Majdel Anjar jusqu’à Kab Elias. Il s’agit, selon eux, d’un projet «politisé» qui amplifiera la tension interne à cause de la volonté de certains acteurs politiques de modifier les équations internes en y introduisant un nouvel élément: les réfugiés. Chasser les forces terroristes du nord et du centre de la chaîne de l’Anti-Liban peut paver la voie au retour de ces déplacés dans les régions de Qoussair et du Qalamoun. Des sources de la Békaa signalent que des efforts ont été entrepris par des forces locales pour transférer la majorité des camps de Ersal dans les villages de Baouarej et Mreijat, proches du Mont Sannine et qui surplombent Chtaura, mais les habitants ont fait échec à cette tentative.

 

Mouvements suspects au Akkar
Une instance politique du Nord craint la perturbation prochaine de la sécurité dans la mohafaza du Akkar. Ce politique a reçu de graves informations sur les activités du Front al-Nosra qui met sur pied des réseaux d’espionnage et de renseignement en prélude à l’exécution d’actes terroristes. Il existe, ajoute-t-il, un groupe d’al-Nosra composé de trente Syriens hautement qualifiés du point de vue militaire et logistique qui sont arrivés dans la mohafaza à travers les passages illégaux de Wadi Khaled. Leurs lieux de résidence sont répartis sur l’axe Tripoli-Homs, à partir des dunes du village el-Mahmara dans la région de Bihnine-Minié, passant par la voûte de Chamra sur le triangle Binine-Abdé-Halba et jusqu’au village de Koucha adjacent à la ligne frontalière libano-syrienne. Les forces de l’ordre ont retracé ces groupes et les éléments locaux qui les reçoivent. A l’origine des armes distribuées récemment dans les régions du Akkar, un député extrémiste du Nord dont le frère émerge à nouveau à la tête d’une milice armée après avoir disparu lorsque l’armée avait chassé les takfiristes de Tebbané, à l’automne passé. D’après la source, il existe un lien entre ces mouvements et les développements dans le Qalamoun.

 

Berry fait bande à part
La division chiite sur fond de crise gouvernementale semble évidente, indiquent des observateurs. Le président Nabih Berry n’hésitera pas à combler la faille de l’absence chiite au sein du cabinet Salam. Quand Moussaïtbé décide de mettre un terme à la paralysie du Sérail pour alléger les dégâts politiques énormes qu’elle entraîne, la difficulté d’aboutissement à une entente, la complexité des dossiers et la cohésion de l’axe Hezbollah-CPL vont pousser Berry à transgresser les interdits. La survie du gouvernement, en ces circonstances surtout, est primordiale et plus vitale que l’alliance du chef de l’Assemblée avec cet axe. La démarche gouvernementale qui bénéficie de la bénédiction du président Berry, selon ces milieux, désunira les rangs chiites, pour la première fois depuis 2005, sans que cela veuille dire la rupture de l’alliance ferme entre le Hezbollah et le mouvement Amal sur les grands dossiers stratégiques. Cependant, des sources proches du tandem chiite affichent leur optimisme quant à un règlement de l’affaire des désignations, ainsi que d’autres dossiers conflictuels. La séparation du duo n’atteindra pas une plus grande dimension, disent-elles.

 


 

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