Magazine Le Mensuel

Nº 3012 du vendredi 31 juillet 2015

En Couverture

[Copy of] Tri, enfouissement, compostage… Comment sont traités nos déchets

Au vu de la guerre civile, le Liban, confronté à de grandes destructions, notamment sur le plan environnemental, a assisté, depuis 1975, à l’émergence de décharges dans ses paysages urbains. Aujourd’hui, faute de gestion correcte des ordures, la situation a atteint un point de non-retour. Comment les déchets sont-ils traités? Selon quelles normes? Quels dangers pour l’environnement et pour la santé du citoyen libanais?

Inconscient de la catastrophe sanitaire et environnementale que l’affaire des déchets au Liban représente sur le plan national, le gouvernement préfère se détourner vers des affaires qui s’avèrent plus rentables. Il est vrai qu’au cours des dernières années, les services de collecte et de recyclage des déchets se sont développés, mais en réalité, il ne s’agit que de projets temporaires, qui répondent à des problèmes urgents. Résultant de l’absence de plan de triage à la source, cette lacune est susceptible de mettre en danger les vies de toute une population.
Les institutions responsables de la gestion des déchets au Liban sont au nombre de trois. Le ministère de l’Intérieur s’occupe des municipalités et de leur rôle régional, le ministère de l’Environnement est responsable de la création et du contrôle des normes environnementales, ainsi que de la conception d’une stratégie de gestion des déchets solides et, finalement, les municipalités sont chargées du fonctionnement de la gestion des déchets au niveau régional. Cependant, cette mauvaise gestion des déchets, à laquelle nous sommes de plus en plus confrontés, est principalement due à un manque de moyens financiers municipaux. Les services publics ne sont ainsi pas assurés de manière adéquate, surtout avec la croissance constante des quantités de déchets ménagers solides, mais aussi avec la croissance urbaine et le changement des modes de production et de consommation.
 

De l’après-guerre
Au lendemain de la guerre civile, les déchets solides dans la région du Grand Beyrouth ont été incinérés ou évacués vers les décharges de Bourj Hammoud et de Normandie. Avec la création de Solidere, le besoin urgent de fermer la décharge de Normandie, qui faisait partie du projet de reconstruction du centre-ville, et de la réhabiliter, s’est présenté. Notons que l’emplacement des décharges dans le Grand Beyrouth empiète sur le domaine public maritime, avec l’approbation des municipalités et la tolérance de l’Etat. Ces rivages apparaissaient, en effet, comme les lieux les plus disponibles aux municipalités pour le rejet des déchets. Toutefois, avec la privatisation de certains littoraux (dont la plupart sont «illégalement» privatisés), les municipalités se sont vues dans l’obligation de jeter leurs déchets «ailleurs».

 

La décharge de Naamé
Située à l’extérieur de Beyrouth et conçue pour recevoir les détritus de la capitale et de la dense population des montagnes pendant quelques années seulement, la décharge de Naamé a été ouverte en 1997. En attendant qu’une solution globale soit trouvée, elle a été en activité jusqu’au jour de sa fermeture, le 17 juillet dernier. Cette décharge accueillait, chaque jour, près de 2 800 tonnes de déchets provenant de la capitale et de ses environs et les habitants de la région se plaignaient incessamment des vapeurs produites par les détritus qui entraînent des problèmes sanitaires. La crise de Naamé est symptomatique de la crise plus large qui touche la gestion des détritus au Liban. Le pays aurait besoin d’un système de recyclage et d’un meilleur tri des ordures à domicile afin que la matière organique qui constitue plus de 50% des poubelles puisse être compostée.

 

Répartition des déchets
Le Liban compte environ 756 décharges sauvages dont trente sont classées très dangereuses. Ces décharges sont éparpillées partout dans le pays et reçoivent 33% de nos déchets qui sont, la plupart du temps, brûlés. En outre, 51% des déchets sont enfouis dans des décharges dites «sanitaires», et le reste est expulsé dans des décharges «contrôlées». S’agit-il d’un véritable contrôle? La réalité prouve que les déchets sont envoyés à destination, jetés par la suite dans un fleuve, ou sur le sol, et sont enterrés. Dans une étude de l’organisation MSC Environnement effectuée en 2005, le chercheur Raji Maasri avait écrit: «Le Liban irrigue certaines de ses plaines agricoles en utilisant des eaux contaminées par le lixiviat (liquide résiduel qui provient de la percolation ou de la filtration de l’eau à travers un matériau – il s’agit donc dans ce cas d’eaux polluées), qui ont traversé les décharges ouvertes. Le bétail, source principale d’approvisionnement en produits laitiers ou en viande, pâture à proximité quand ce n’est pas sur les décharges. (…) Les Libanais boivent ainsi de l’eau et respirent un air contaminé par ces déchets non traités et leurs sous-produits».

 

Le compostage
La technique du compostage est la plus sûre et la plus efficace. Au Liban, au moins 25% des déchets sont recyclables et 55% doivent subir la procédure du compostage. La récupération des valeurs à partir des déchets par le tri, le recyclage et le compostage des matières organiques dans des centres de traitement intégrés dans les régions s’avère être une solution propice au problème actuel. Cette technique permet en effet d’adopter de grandes mesures de sûreté et de sécurité environnementales à des coûts abordables. Le compostage consiste à transformer les déchets en un matériau utile pour l’agriculture après ajout d’enzymes spécifiques. Ce procédé se fait sous plusieurs étapes: il s’agit d’abord de trier les déchets, de les broyer ensuite, puis de les maintenir humides et aérés. Ainsi, lorsqu’après fermentation, la température redescend à 30 degrés, le compost est prêt et peut servir à fertiliser la terre. Même si, aujourd’hui, 10% uniquement de nos déchets sont compostés, ce traitement reste effectué de manière inadéquate, puisqu’à la base, les déchets sont en train d’être mélangés. Dans ce contexte, le plan d’urgence de 1997 du gouvernement, instauré après la fermeture de Bourj Hammoud, prévoyait que 10% des déchets seraient recyclés et que 50% des matières organiques serviraient à la fabrication de compost. Seules les matières inertes et non organiques devaient, en théorie, partir dans les deux nouvelles décharges contrôlées de Naamé et de Bsalim. Aujourd’hui, le groupe Averda (dont découle Sukleen) recycle en moyenne 20% des ordures traitées. Mais faute d’unité de compostage en adéquation avec les besoins de l’agglomération (celle en usage ne peut composter que 300 tonnes par jour), 70 à 80% des ordures ménagères sont envoyées en décharge, à Naamé ou Bsalim. Ces deux aires de stockage ont du mal à absorber pareilles quantités. Prévue pour servir dix ans, la décharge de Naamé a atteint sa capacité théorique en moins de cinq ans du fait du manque «d’installations de traitement des matières organiques et d’une sous-estimation des quantités de déchets».

Natasha Metni
 

Les incinérateurs
L’Etat libanais propose de plus en plus de solutions temporaires qui ne donnent pas confiance. L’une de ces solutions réside dans le processus d’incinération des déchets. Or, ce choix constitue l’un des plus dangereux, surtout que le Liban n’est pas équipé pour opter pour ce procédé. Ces incinérateurs polluent à travers des toxines l’atmosphère, leurs résidus polluant de même la terre, l’eau et la mer du Liban et le risque des maladies cancérigènes et chroniques ne fera que s’amplifier. A noter que le Liban a ratifié la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, selon laquelle, d’ici 2025, notre pays se doit d’arrêter toute émanation de dioxines, substances extrêmement dangereuses pour la santé et cancérigènes.

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