Ils ont bravé les difficultés et relevé le défi. Ils ont fait fi des voix dissonantes qui les mettaient en garde contre l’insécurité qui sévirait éventuellement à Baalbeck. Ils ont refusé de prêter l’oreille à ceux qui prétendaient que la ville n’est plus en mesure d’accueillir son festival annuel. Pari réussi.
Les organisateurs du festival de la ville du soleil peuvent être fiers. La cérémonie d’ouverture du Festival de Baalbeck était de grande envergure, combinant musique, chants et poèmes d’artistes libanais de grande renommée. C’est donc dans le cadre enchanteur de cette cité antique, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, que plus de 2 500 personnes se sont assises au pied du temple de Bacchus pour assister à llik ya Baalbak (A toi Baalbeck). Alors que le soleil couchant drapait d’un orange chatoyant les colonnes du temple de Jupiter, hautes de vingt mètres, qu’une brise légère soufflait, le public a pris place dans l’acropole. Avec un but: faire honneur à l’art du Liban, mais aussi à son histoire. Des femmes en robe de soirée, des hommes en tenue plus décontractée, des jeunes, des moins jeunes ont déambulé dans les rues pavées menant au site archéologique voulant être témoins de cette soirée pas comme les autres. Pour la première fois, le Festival international de Baalbeck a consacré sa soirée d’ouverture à la ville qui l’héberge. Après la version intimiste et présentée en prélude le 7 juillet dans le cadre du festival d’Aix-en-Provence, c’est la version orchestrale qui se déroule, un hommage vibrant à ce site, hommage auquel ont répondu présents des écrivains, des musiciens libanais qui portent haut le nom de leur pays dans le monde ou qui entretiennent un lien privilégié avec ce lieu magique. A la demande du comité du festival, ces artistes ont décidé d’écrire, chacun selon son propre mode d’expression, une œuvre brève, une création, en hommage à Baalbeck. Le spectacle a été conçu et mis en scène par Nabil el-Azan. Les textes originaux venaient d’Adonis, d’Etel Adnan, de Talal Haydar, de Issa Makhlouf, de Wajdi Mouawad, de Salah Stétié et de Nadia Tuéni, alors que les créations musicales étaient l’œuvre de Abdel-Rahman el-Bacha, de Naji Hakim, de Marcel Khalifé, célèbre pour avoir mis en musique les poèmes du Palestinien Mahmoud Darwich, de Béchara el-Khoury, d’Ibrahim Maalouf, le musicien a mis l’âge d’or du festival au cœur de sa création. Son œuvre, ce soir-là, est un métissage entre les intonations orientales de sa trompette et l’accompagnement de l’orchestre philharmonique. Une troupe de dabké, danse traditionnelle, l’a accompagné dans une performance adaptée pour l’occasion, de Zad Moultaka, de Ghadi Rahbani et de Gabriel Yared. L’interprétation était menée par l’Orchestre philharmonique du Liban sous la conduite de Harout Fazlian. A l’heure J – avec une petite heure de retard –, les lumières s’éteignent dans ce magnifique Temple de Bacchus et la voix de Rafic Ali Ahmad résonne et continuera à résonner tout au long de la cérémonie. S’ensuit une composition dramatique du compositeur et organiste Naji Hakim, puis Fadia Tomb el-Hage fait son entrée en longue robe et reviendra à plusieurs reprises sur scène…
Le ton est dit et le pari relevé et, comme l’a si bien exprimé la journaliste de France Info, le Festival de Baalbeck au Liban «est une magie qui n’existe nulle part ailleurs». Un acte de résilience qui prouve, encore une fois, que le pouls du Liban continuera à battre tant qu’il y aura des hommes qui croiront en ce pays envers et contre tout.
Danièle Gergès