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Nº 3014 du vendredi 14 août 2015

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Le troisième âge au Liban. Vivre dignement jusqu’au dernier jour!

Dans son essai, La Vieillesse, en 1970, Simone de Beauvoir écrit que le vieillard «n’est pas l’homme même, mais sa limite, il est en marge de la condition humaine». Si la retraite est trop souvent synonyme de fin de vie et de passé, certaines voix s’élèvent au Liban pour dénoncer ce phénomène de marginalisation, qui touche la majorité des personnes âgées en manque de soins et d’assistance. Comment vit-on lorsqu’on est retraité au Liban et quelles sont les solutions existantes? Magazine a mené l’enquête.

Le système de retraite au Liban est basé sur le principe de la capitalisation et non celui de la répartition. Les soins de santé y demeurent donc inaccessibles pour un nombre important de personnes âgées. Selon une étude menée par l’International Arab Journal of Dentistry (IAJD), 45,1% des personnes âgées de 65 ans et plus, en 2007, étaient prises en charge par les assurances publiques ou privées. Les 54,9% restants ne bénéficiaient d’aucune assurance maladie et dépendaient de leurs familles ou de leur entourage. Les résultats dressés en 2007 sont significatifs: à titre d’exemple, la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) prend à l’époque en charge 24 350 personnes de la tranche d’âge des 65-69 ans, contre seulement 2 041 personnes pour les plus de 85 ans… Du côté des assurances privées, ces dernières prennent en charge 376 personnes chez les 65-69 ans, alors que pour les plus de 85 ans, leurs garanties sont carrément inexistantes. Ces résultats, publiés à l’époque, illustrent d’ores et déjà la marginalisation de la population gériatrique en termes de prise en charge des problèmes de santé pour les personnes âgées.
Il n’existe donc pas de programme de prise en charge des problèmes de santé pour les seniors au Liban, et les protocoles de couverture diffèrent selon les diverses assurances publiques: les employés des secteurs gouvernementaux et les militaires bénéficient d’un plan de retraite et d’une couverture sanitaire, tandis que les fonctionnaires non gouvernementaux, couverts par la CNSS, perdent leur couverture dès que s’ouvre pour eux le droit à la retraite, période durant laquelle l’individu a, pourtant, de grands risques de développer une maladie grave. A noter que l’âge de la retraite au Liban est de 64 ans.
En ce qui concerne les soins de santé dentaire, les assurances en général et la CNSS ne les couvrent tout simplement pas, pris en charge uniquement pour les assurés du secteur militaire et des forces de sécurité. Ces soins, souvent très onéreux, reviennent donc à la charge des personnes âgées elles-mêmes.
 

La gestion de la vieillesse
Si l’assurance vieillesse permet, quand on en bénéficie, d’avoir des ressources financières, le Liban n’a en revanche pas de loi qui gère les maisons de repos et leurs financements. Ces dernières suivent la loi des hôpitaux et sont de deux sortes: privées et subventionnées. En 2010, le ministère des Affaires sociales (Mas) et le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) publient un rapport sur les 123 institutions d’hébergement du Liban, dont 41 pour les services permanents et 82 pour les services quotidiens. L’étude révèle également le prix quotidien d’une maison de repos, soit 60 000 livres libanaises (environ 40 dollars). Les institutions de services permanents des personnes âgées regroupent les maisons de retraite, les services de rééducation ou les unités de long séjour. Ces établissements accueillent des patients qui souffrent de maladies chroniques, handicapés physiques et/ou mentaux, et sont dirigés par un ordre religieux, à but non lucratif. Les établissements sont soutenus par le ministère de la Santé publique et/ou le Mas, en prenant en compte le fait que la personne qui reçoit l’aide de l’un ne reçoit pas celle de l’autre. Chaque année, un plafond est fixé par l’Etat, sur le nombre de personnes à prendre en charge. Toute personne additionnelle est couverte par ses propres moyens ou par des donations. Une enquête menée en 2006 par le ministère des Affaires sociales montre que 4 000 sujets de plus de 65 ans sont pris en charge par ces établissements, ce qui correspond à environ 1,4% de la population libanaise. Ainsi, la quasi-totalité des personnes âgées au Liban vivent dans leurs propres foyers, du fait d’une solidarité familiale importante dans le pays.
Ces établissements de services sont des lieux de rencontre, des réfectoires, des dispensaires qui offrent des services médicaux et aident les personnes âgées à domicile ou en dehors de leurs foyers.
Depuis plus de cent ans, l’Association de bienfaisance grecque-catholique de Beyrouth est un exemple de cette belle solidarité. Fondée en 1883, à l’initiative de notables de la communauté grecque-catholique, elle est apolitique, gérée par des laïcs et vise à venir en aide aux déshérités, aux malades et aux personnes âgées, sans distinction de rite ou de religion. Les activités de l’association recouvrent quatre domaines principaux: les services médicaux, l’assistance aux personnes du 3e âge, l’assistance sociale et l’aide aux enfants. Installée au centre Saint-Antoine à Beyrouth, l’association procure depuis 1965 des soins médicaux aux personnes malades dans plusieurs domaines: gynécologie, soins dentaires, psychiatrie, médecine de famille, etc. Et ce, avec un matériel médical à la pointe de la technologie. En 1956, un modeste dispensaire est installé au premier étage: il est aujourd’hui l’une des activités principales de l’association. Une équipe de médecins assure également la permanence, pour donner un soin continu et gratuit aux patients. Au troisième étage, un lieu de détente convivial et de divertissement est installé. Le centre compte aujourd’hui 160 personnes. Il est dirigé par des religieuses et des bénévoles. Les personnes âgées peuvent y prendre un repas (petit-déjeuner, déjeuner et dîner), en compagnie d’autres patients. Elles évitent ainsi la solitude, principal facteur de dépression chez les personnes âgées. L’association est dirigée par un conseil de membres qui se réunit deux fois par mois. Selon son président Roger Nasnas, «une des grandes problématiques de la vieillesse est de faire comprendre à nos aînés qu’on ne souhaite pas se débarrasser d’eux».

 

Marguerite Silve

Oasis de vie-Fondation Marie Hebbé
Dans le cadre de la continuation des services proposés par l’Association de bienfaisance grecque-catholique de Beyrouth et sa banlieue, le projet Oasis de Vie-Fondation Marie Hebbé, (du nom de la donatrice du terrain) est un espace qui vise à procurer les meilleurs soins possibles à des personnes du 3e âge, et à celles qui en ont besoin, dans un lieu qui allie charme et technologie de pointe. Le projet, qui doit être achevé en 2016, est situé à Achrafié, non loin de l’Hôtel-Dieu de France. La différence avec l’association? Les patients peuvent cette fois y dormir, puisque le bâtiment comportera 96 chambres réparties sur 7 étages, dont 15 chambres réservées aux patients souffrant d’Alzheimer. Les personnes ne pouvant pas assumer les tarifs du futur centre auront recours à l’Association de bienfaisance, qui subventionnera (selon leurs conditions financières), totalement ou partiellement, leurs frais de séjour. A ces aménagements s’ajoutent divers atouts: une chapelle au rez-de-chaussée, une cafétéria, une salle de physiothérapie, des cliniques et un club-house au 7e étage qui permettra aux résidants et à leurs visiteurs de venir assister à une projection de films, de participer à un cours de gymnastique, ou tout simplement, se reposer. Un bel exemple de solidarité.

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