«La loi devrait être appliquée à tout le monde de la même manière». Ces propos sont ceux de Farès Souhaid, secrétaire général du 14 mars qui, dans un entretien avec Magazine, revient sur l’arrestation du cheikh Ahmad el-Assir.
Comment expliquez-vous l’arrestation d’Ahmad el-Assir?
C’est un coup de filet de la part des services de renseignements qui a porté ses fruits. L’arrestation d’Ahmad el-Assir est une bonne nouvelle pour les Libanais sauf que celle-ci ouvre les portes à une nouvelle polémique dans le pays sur la manière d’appliquer la loi. Il y a des Libanais qui comparaissent devant la justice et il y en a d’autres qui y échappent. C’est cette polémique qui va commencer à prendre forme après l’arrestation d’Ahmad el-Assir. L’Etat se comporte d’une manière boiteuse, hétérogène et non homogène avec les Libanais. La justice va créer également une controverse concernant les événements de Abra et d’autres événements. Ahmad el-Assir n’est pas le seul meurtrier dans cette affaire et si la justice veut être équitable, il faut aussi qu’elle juge le Hezbollah et les Saraya de la Résistance. Si la justice va incriminer Assir et blanchir le Hezbollah, nous sommes face à une nouvelle polémique. En définitive celui qui a arrêté Assir savait parfaitement que cette arrestation allait ouvrir la voie à un large débat. La question qui se pose est la suivante: est-ce que Paris vaut une messe?
C’est comme si vous défendiez Ahmad el-Assir…
Ce n’est pas du tout le cas. Ahmad el-Assir est un criminel et doit comparaître devant la justice. Mais est-ce qu’il est le seul criminel dans ce pays? Je le répète, cette arrestation va ouvrir la voie à deux polémiques. Il y a le problème de l’équité devant les lois dans le sens que, d’une part, il y a les citoyens qui passent devant la justice et ceux qui s’y sentent au-dessus. En second lieu, si Ahmad el-Assir est incriminé en tant que protagoniste des événements de Abra, il faut que tous ceux qui y ont participé, tels que les Saraya de la Résistance, passent en justice. Arrêter et incriminer Assir, alors que Moustafa Badreddine est toujours en liberté créera une large polémique.
Auriez-vous peur des révélations que pourrait faire Ahmad el-Assir surtout que les rumeurs attribuent sa protection au Courant du futur?
Je n’ai pas peur, mais je m’inquiète pour le Hezbollah. Aucune composante du 14 mars, et le Courant du futur en particulier, n’a jamais été partenaire d’un criminel et n’a jamais financé ses activités. Ceux qui l’ont arrêté savent parfaitement ce qu’ils ont fait.
Pourrait-on assister à une réédition du scénario de Chadi Maoulawi?
Non, au contraire. Mais je crains qu’on donne un symbolisme politique à Ahmad el-Assir. Je voudrai qu’il soit détenu à Roumié et non dans une prison militaire pour qu’il n’y ait pas de polémique. Je demande une jurisprudence transparente et que tous les criminels soient arrêtés. L’arrestation d’Assir n’est pas une affaire technique. Il a été repéré depuis longtemps par les services sécuritaires qui connaissaient tout de ses agissements.
Un marché a-t-il été conclu pour l’arrestation d’Assir?
C’est un coup de filet réussi et une décoration sécuritaire sur la poitrine du général Abbas Ibrahim qui donne aujourd’hui l’impression que la Sûreté générale est le seul service qui fait face au terrorisme islamique. Cette arrestation va exacerber le clivage sunnite-chiite dans le pays et renforcer les tensions.
Qui protégeait Ahmad el-Assir?
Il était à Aïn el-Heloué et les services sécuritaires le savaient parfaitement. Ils le traquaient depuis un certain temps. Ils ont eu l’occasion de l’arrêter à plusieurs reprises, mais ils ont choisi eux-mêmes le lieu pour le faire. L’heure et le lieu de cette arrestation veulent dire que les services de renseignements savaient parfaitement ce qu’ils faisaient.
Un dernier mot…
Dans ce pays, il faut traiter tous les citoyens de manière équitable devant la loi. Les uns échappent à la loi et s’estiment au-dessus de la justice, alors que d’autres sont arrêtés et traduits en justice. Il n’y a pas d’ordure chrétienne et d’ordure musulmane, ou un terrorisme chiite et un terrorisme sunnite. Il faut de l’équité dans le traitement pour tous.
Propos recueillis par Joëlle Seif