Sacrée Samar Salamé, pas du tout profane, qui a présenté un spectacle inusité, éclectique, à la fois magique et ludique. Une double performance qui s’est approprié la vieille ville de Jbeil pour transporter son public au XVIIIe siècle, dans les alentours de Naples, autour du monde musical de Pergolèse.
Une judicieuse mise en scène pour cette soirée unique qui a mis à l’honneur les beaux monuments de Jbeil et leur environnement.
Premier mouvement: dans la pénombre, à la lumière des chandelles posées à même le sol qui éclairent la très vieille pierre de la cathédrale Saint-Marc, l’ambiance est féerique. En robe noire, la jeune soprano qui n’est pas à sa première apparition au festival, et l’exceptionnel contre-ténor Fabrice Di Falco, à la tessiture impressionnante, chantent divinement le Stabat Mater. Les voix pures qui rendent hommage à l’œuvre sacrée du compositeur italien sont magnifiées par les sonorités orientales de l’orchestre. Fusion inédite des genres, mais ô combien réussie. Enchantement et recueillement que les spectateurs auraient bien aimé retenir pour prolonger cet état de grâce à l’écart du tumulte extérieur. Sauf que…
Sauf que dehors, entouré de danseurs, de cracheurs de feu, de tambours, le maître de cérémonie en haut de forme avait d’autres plans pour le public qu’il a emmené à travers les ruelles millénaires vers la place de l’Unesco.
Ici, changement total de décor. On rentre de plain-pied dans l’ambiance du maître des compositeurs d’opéra bouffe avec une interprétation légère et enlevée de La Serva padrona de Giovanni Battista Pergolesi. Dans une cour embaumée par les fleurs, avec pour enceintes les arbres et une maison en pierre, la populaire opérette donne l’occasion à la jeune soprano d’allier grâce et talent. Avec beaucoup de finesse et de brio, Samar Salamé a donné le la à Vincent Vantyghem au meilleur de sa forme, et au jeu coquin de Talal Jurdi.
Une soirée marquée par le professionnalisme et l’excellence de toute l’équipe (musiciens et autres, mentionnés spécifiquement dans le programme – détail non coutumier) qui a pris la peine, et c’est notable, de distribuer les paroles traduites des deux compositions interprétées respectivement en allemand et en italien, les moyens de projeter une traduction simultanée sur écran étant difficile à assurer probablement.
Gisèle Kayata Eid