Les banquiers libanais n’ont pas de choix à part celui de se conformer aux instructions strictes des autorités américaines portant sur la lutte contre l’argent sale, le financement de Daech et celui du Hezbollah.
L’économie libanaise est aux trois quarts dollarisée, rendant la pérennité de l’activité des établissements financiers dépendante de l’existence de banques correspondantes américaines. Celles-ci leur permettent d’effectuer leurs opérations de compensation et la gestion de leurs lignes de crédit,tout comme leurs opérations de dépôts bancaires et de transferts d’argent. Les Américains auraient doublé de vigilance envers certains pays dont le Liban, depuis la levée des sanctions contre l’Iran qui entraînera la libéralisation de quelque100 milliards de dollars, gelés auparavant. Les réactions promptes des Etats-Unis envers les agents libanais,dont des transactions de financement ont été jugées suspectes,sont encore vives dans l’esprit des hommes d’affaires et des financiers. On se rappellera du délai record au cours duquel le contentieux de la Banque libano-canadienne a été soulevé et réglé,entraînant la liquidation et ensuite la fermeture de l’établissement. Dans ce cadre s’est inscrite récemment la sommation à la démission de Kassem Hojeij, qui était le P.D.G. de Middle East Africa Bank (Meab). Il est vrai que l’établissement bancaire n’a pas mis la clé sous le paillasson,mais son ex-P.D.G.a été inscrit sur la liste noire de l’Oncle Sam. Dans les deux cas, les autorités monétaires, à leur tête le gouverneur de la Banque centrale, ont été informées in extremis des dossiers rendant toute tentativede leur part d’éclaircir certaines zones d’ombre stérile. Le couperet de la décision du Trésor américain était tombé.
Le ballet des banquiers
En 2002, le Liban a réussi à faire supprimer son nom de la liste des Etats et Territoires non coopératifs du Groupe d’action financière (Gafi) après s’être conformé aux instructions requises. Néanmoins, ces instructions sont évolutives et le pays du Cèdre se doit, aujourd’hui, d’intégrer à son système légal financier de nouvelles normes et règlements internationaux. Les trois nouveaux projets de loi relatifs à la lutte contre le recyclage de l’argent sale et la lutte contre le financement du terrorisme,bien que transmis en mars 2012 au Parlement pour approbation,sont toujours en veilleuse, la Chambre des députés étant en congé forcé pour des raisons politiques. Cette situation explique le ballet des banquiers libanais à Washington dans le cadre de visites de communication et de marketing. De leur côté, des représentants des autorités monétaires fédérales effectuent par intermittence des tournées d’exploration auprès de la BDL et de l’Association des banques au Liban (ABL). De toute façon, la crédibilité de nos banques est tributaire dans sa majeure partie des organismes de contrôle et de leurs mécanismes opérationnels.
Inter-Mesures d’exception
Avec l’aggravation et l’expansion des actes de blanchiment d’argent, la responsabilité de contrôle du tracé des opérations financières et de leur légalité est désormais répartie entre des acteurs des secteurs public et privé. Aux côtés des entités de contrôle de la BDL se trouvent aussi impliqués les commissaires aux comptes internes et externes aux banques.
Dans le cadre de l’amendement de ces trois projets de loi en veilleuse, serait modifiée la loi 318/2002 portant sur la lutte contre le recyclage de l’argent sale de sorte à accorder davantage de prérogatives à la commission d’inspection centrale de la BDL en conformité avec les nouvelles normes internationales. Aussi est-il important dans ce cadre d’amender les dispositions relatives à l’échange d’informations d’ordre fiscal, de manière à lutter contre l’évasion fiscale et les opérations de blanchiment d’argent,tout en préservant le principe du secret bancaire. A l’ordre du jour également,l’approbation d’un projet de loi portant sur l’obligation de déclaration des montants d’argent liquide lors de leur transport transfrontalier. Pour sa part, la BDL a été de main forte, en promulguant sous le chapitre de la lutte contre le recyclage de l’argent sale les circulaires No 83, 126 et 128, relatives, entre autres, aux relations des banques locales avec leurs correspondants. Par ailleurs, certains experts évoquent l’importance d’élargir la liste des actions générant de l’argent sale,tout en les considérant comme un crime à part entière.
De son côté, le syndicat des commissaires aux comptes s’emploie à élaborer un projet de loi moderne relatif à la réorganisation de la profession sur base des normes internationales et la constitution d’une entité autonome de contrôle de la qualité de l’exercice du métier. Cette entité serait différente du conseil d’administration du syndicat. Elle serait composée de cinq personnes dont deux seront désignées par la Banque centrale et la commission de contrôle des marchés financiers.
La commission de contrôle de la BDL
Au cours de son mandat 2010-2015, la commission de contrôle bancaire de la BDL a promulgué plus de 19 circulaires et environ 70 mémos adressés aux banques, institutions financières et commissaires aux comptes. Ces circulaires et mémos ont couvert cinq domaines majeurs: les rapports statistiques hebdomadaires, mensuels, trimestriels, semestriels et annuels, portant sur toutes les opérations bancaires; les rapports sur les moyens de paiement électronique et de compensation; la solvabilité des établissements financiers (y compris le calcul de celle-ci, l’adéquation des capitaux propres…); le contrôle des liquidités et celui des financements bancaires accordés à travers les prêts. Ce contrôle scriptural est le préambule qui pave la voie à un contrôle on site plus efficace.
PAGES RÉALISÉES PAR LILIANE MOKBEL