A Washington, le président américain est désormais certain d’une victoire au Congrès sur l’accord du nucléaire iranien. Grâce à l’obtention de voix favorables supplémentaires, la Maison-Blanche s’assure une courte minorité de blocage visant à contrer le texte de rejet des Républicains, dont le vote est prévu avant la fin du mois et qui vise à contourner le veto présidentiel. Retour sur un sauvetage in extremis.
C’était tout juste. Après une campagne de lobbying intense au sein de son propre camp, le président américain Barack Obama a finalement obtenu une minorité de blocage au Congrès, assurant à la Maison-Blanche la mise en œuvre de l’accord sur le nucléaire iranien, rejeté en bloc par les Républicains et qui doit être voté par le Congrès très prochainement.
Au cours des dernières semaines, Barack Obama et son secrétaire d’Etat John Kerry se sont efforcés de rassurer les uns après les autres tous les sénateurs réticents, notamment sur la notion de «tolérance zéro», qui signifie un retour immédiat aux sanctions en cas de non-respect de l’accord de la part des Iraniens. Le président Obama devrait donc ressortir victorieux de la bataille au Congrès américain autour des accords de Vienne signés le 14 juillet dernier dans la capitale autrichienne, entre l’Iran et les grandes puissances (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne). Pour la Maison-Blanche, c’est un réel soulagement: elle s’assure une victoire en prévision du vote des Républicains, qui ont préparé une résolution de désapprobation de l’accord nucléaire, dont le vote aura lieu avant le 17 septembre. Majoritaires à la Chambre des représentants et au Sénat, ces derniers ne devraient pas avoir du mal à la faire voter.
Mais Barack Obama ne compte pas laisser voler en éclats tous les efforts accomplis durant ces derniers mois, qui ont abouti à un accord historique. Il opposera son veto présidentiel pour sauver les négociations avec l’Iran, qui représentent l’un des dossiers les plus importants de sa présidence. Selon les termes de la Constitution, ce même droit de veto n’est cependant pas un pouvoir absolu: il faut plus de deux tiers de 100 sénateurs pour le contourner. Or, les Républicains, qui auraient pu tenter la manœuvre, ne les ont plus, et pour cause… Mercredi 2 septembre, la sénatrice démocrate Barbara Mikulski (sénatrice du Maryland) rallie la Maison-Blanche et porte le nombre de sénateurs favorables à 34 sur 100. C’est justement le seuil que le président américain espérait atteindre, car il correspond à la minorité requise dans la Chambre haute du Congrès, pour empêcher toute tentative des Républicains de saborder le texte.
Dans un communiqué, Barbara Mikulski écrit qu’«aucun accord n’est parfait, surtout un accord négocié avec le régime iranien». Elle déclare cependant avoir conclu que le pacte était «la meilleure option disponible pour empêcher l’Iran d’obtenir la bombe nucléaire». Même si la Chambre des représentants votait in fine contre Barack Obama, l’échec seul des Républicains au Sénat garantit que le Congrès ne sera pas capable de saboter l’accord nucléaire.
Selon Thomas Snégaroff, spécialiste des Etats-Unis et chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), «le salut d’Obama ne vient que du fait que les opposants n’auront pas assez de voix pour contourner le veto présidentiel». Pour lui, Obama a peut-être remporté une victoire, mais une «victoire à la Pyrrhus».
Querelles intestines
En dépit de cette victoire certaine, l’Administration Obama reconnaît toutefois une victoire courte, qui confirme la fragilité du président sur le dossier du nucléaire iranien et la difficulté à le vendre aux acteurs politiques, ainsi qu’à l’opinion publique. Même si on n’imagine pas les sénateurs revenir sur leur décision, prise publiquement, il est à noter que dans l’histoire de la politique étrangère américaine, il reste assez rare qu’un président soit aussi peu suivi. «En général, le chef de l’Etat américain bénéficie en la matière d’une certaine confiance, à l’image d’un Richard Nixon lors du rapprochement avec la Chine, par exemple. Or, ce n’est pas le cas cette fois, puisque même les Démocrates (le Sénat compte 46 sénateurs démocrates) – ne partagent pas le point de vue de Barack Obama», selon Thomas Snégaroff. En effet, le parti démocrate reste fortement divisé sur la question. Il y a quelque temps, les sénateurs pro-israéliens Chuck Schumer (New York) et Robert Menendez (New Jersey), avaient déjà annoncé leur opposition.
Si l’accord sur le nucléaire va survivre, la polémique autour des accords de Vienne, elle, va continuer. Avec la présidentielle américaine de 2016 en ligne de mire, les Républicains ne manquent pas de critiquer avec virulence la faiblesse du camp démocrate. Le candidat aux primaires républicaines, Marco Rubio, a d’ores et déjà rappelé mercredi qu’en tant que président, il remettrait les sanctions en place contre Téhéran. Qu’adviendra-t-il en 2016? L’avènement d’un président républicain à la Maison-Blanche pourrait bien anéantir tous les efforts diplomatiques réalisés jusqu’ici…
Inter-Vote iranien?
Côté iranien, un débat est en cours autour de la nécessité par le Parlement d’approuver ou non l’accord. Même si une majorité de députés (201 sur 290) souhaitent qu’il soit soumis à leur vote et à l’approbation du Conseil des gardiens de la Constitution pour qu’il ait «une base légale», le gouvernement et l’équipe de négociateurs nucléaires estiment qu’un vote au Majlis n’est pas dans l’intérêt du pays, car il transformerait des engagements volontaires de l’Iran en obligations juridiques. Cela contraindrait la République islamique à mettre en application les dispositions de l’accord. De leur côté, les conservateurs au Parlement ne devraient néanmoins pas s’opposer à un accord approuvé en amont par l’ayatollah Ali Khamenei.
Au lendemain de l’annonce de la Maison-Blanche, jeudi 3 septembre, le Guide suprême iranien Ali Khamenei a appelé de ses vœux un vote du Parlement sur les accords de Vienne conclus en juillet. «J’estime, comme je l’ai dit au président Hassan Rohani, qu’il n’est pas dans l’intérêt du pays d’ignorer le point de vue du Majlis, sur l’accord nucléaire (…). Je ne demande pas au Majlis de rejeter ou de ratifier l’accord. Ce sont ses représentants qui doivent se prononcer». Le Guide suprême a également indiqué que les sanctions imposées à Téhéran «doivent être levées, et non pas suspendues». Selon lui, si les sanctions ne sont que suspendues, il ne peut pas y avoir d’accord. «L’objectif des négociations sur le programme nucléaire était la levée des sanctions… si les sanctions ne sont pas levées, il ne peut pas y avoir d’accord», a-t-il ajouté.
Samedi 5 septembre, le président de la Chambre iranienne Ali Larijani annonce que «le Parlement iranien donnera son avis sur l’accord nucléaire avec les grandes puissances vers la fin de septembre: le travail des commissions sera achevé au début du mois iranien de Mehr (23 septembre-22 octobre) et les représentants du peuple donneront alors leur avis sur l’accord», sans toutefois préciser s’il y aurait vote ou non. Il a également déclaré qu’il s’attendait à des débats agités au sein de l’Assemblée législative iranienne, entre partisans et adversaires de l’accord historique. A l’issue des accords de Vienne, le Parlement iranien a créé une commission spéciale pour examiner l’accord nucléaire. Elle est composée de quinze membres, treize conservateurs et deux réformateurs (qui reflètent la composition du Parlement dominé par les conservateurs). D’autres commissions examinent également le texte.
Marguerite Silve
L’AIEA se penche sur l’accord
Lundi, dans la capitale autrichienne, le Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), s’est réuni autour de l’accord sur le nucléaire iranien et de son application. Il s’agissait de discuter de la mise en œuvre de l’accord, sous réserve d’inspections renforcées de sites non déclarés, et d’une enquête sur les recherches nucléaires secrètement menées par l’Iran au cours des dernières années. A l’issue de ces vérifications, l’AIEA doit rendre un rapport le 15 décembre prochain, qui conditionne la levée des sanctions sur l’Iran. L’accord conclu à Vienne prévoit toutefois un mécanisme de «snap-back», qui permet le retour des sanctions si Téhéran ne respecte pas ses directives.