Magazine Le Mensuel

Nº 3021 du vendredi 2 octobre 2015

Histoire

Découverte unique à Saïda. Les niveaux médiévaux et phéniciens

La 17e année de fouille, effectuée par le British Museum en collaboration avec le département des Antiquités du Liban sur le tell de la ville antique a eu lieu, en 2015, sur les deux chantiers dits du Collège et de Sandikli, deux sites urbains au cœur de la ville.

La fouille s’est concentrée exceptionnellement cette année sur le côté sud du College site, à cause de la construction du musée sur le site. Ce musée interactif sera le premier du genre au Proche-Orient. Les visiteurs seront autorisés à s’y aventurer pour voir les vestiges et observer les fouilles conservées sous le musée. Ce fascinant voyage dans le temps couvrira plus de 5 000 ans de découvertes de la fin du IVe millénaire avant J.-C. jusqu’à la période médiévale de Sidon.

 

Structures défensives du Moyen Age
Le côté sud du College site a révélé surtout, cette année, des vestiges appartenant aux époques médiévale et romaine et à l’âge du fer. Des parties importantes, portant sur des défenses médiévales de la ville, y ont survécu.
Bien que construites en une seule période, sans indications visibles de rénovation ou de réparation majeures, ces défenses ont été découvertes au fil des ans sur des vestiges appartenant à l’âge de fer et à l’époque romaine, dans le grand fossé de la ville s’étendant du nord au sud. Les défenses représentaient des tours semi-circulaires en saillie espacées de 55 mètres d’intervalle et deux murs défensifs semi-circulaires parallèles, construits de part et d’autre du fossé, sur les côtés est et ouest, respectivement à 12 et 15 mètres d’écart entre les murs de défense intérieur et extérieur.
La porte d’entrée de la ville, de 6 à 7 mètres de largeur, était un mur construit en blocs de sable local, avec au moins trois colonnes romaines appuyées horizontalement sur sa façade. Cette technique n’est pas sans rappeler la construction du Château de la mer de Sidon. Trois corbeaux sur le mur portaient une superstructure en bois, probablement un pont ou passerelle qui enjambait le fossé défensif.
Un jeune cheval préservé, un porc et un crâne humain se trouvent dans le remblai du fossé. Une pièce de monnaie a été trouvée dans ce dépôt directement sous les restes du cheval. Il s’agit d’une pièce de monnaie islamique inscrite qui mentionne la Kalima et date de l’époque des Omeyades.
Outre des squelettes d’animaux articulés, deux tombes se trouvent dans ce fossé. Ces sépultures, remontant à 1160 – 1256 après J.-C, semblent avoir résisté à un conflit armé et contiennent les dépouilles d’adultes notamment masculines conservant des séquelles de traumatisme violent. Une pièce de monnaie et cinq boucles de ceinture en bronze, façonnées dans un style trouvé à Londres à l’époque médiévale, ont été assimilées à des contextes archéologiques datés entre 1250 et 1450 après J.-C. Ces sépultures sont l’image de la triste conséquence d’une bataille du XIIIe siècle à Sidon impliquant les croisés. Cette constatation est confirmée par les chroniques du roi Louis IX, qui décrivent des événements correspondant aux preuves archéologiques découvertes sur le chantier des Collèges.

 

Témoins de l’Histoire
Au nord de l’entrée médiévale, un grand mur d’appui remontant à la période perse, est également mis à jour cette année. Au sud de ce mur, on trouve les vestiges de cette période et d’autres pièces appartenant à un temple phénicien. La poterie phénicienne travaillée localement: des assiettes bichromes, trouvées dans ces nouvelles pièces, révèlent les vestiges de la vie quotidienne et sont étroitement liées au culte dans la région, tel le tannour rempli de noyaux d’olives brûlées, probablement utilisées en combustibles.
La plus impressionnante découverte de cette année est le nombre d’importations venant de l’Eubée vers Sidon. L’Eubée, dans la mer Egée, est la plus grande île de Grèce, après la Crète. Outre les nombreux vases qui servaient à boire (skyphoi), et le décor de cercles pendants, typiques de cette région, à forme d’oiseau, un cratère extrêmement rare a été découvert à Sidon, il remonte à 760-750 av. J.-C. Le thème peint sur le vase, ainsi que sa qualité se rapportent à ce qu’on appelle les créations de l’atelier du peintre de Cesnola, dont le sujet préféré était le thème central des chèvres dressées de part et d’autre de l’arbre de vie. La collection de Cesnola se fonde sur des critères stylistiques typiques de la période géométrique.
Une fois de plus, l’importance de Sidon dans la Méditerranée antique est ici illustrée par la quantité et la qualité incomparables d’importations qu’on y trouve, provenant de Crète, de Mycènes, d’Eubée et d’Athènes, plaçant sans contestation les fouilles de Sidon comme l’une des fouilles les plus importantes au Levant, illustrant les contacts méditerranéens sur notre côte à travers des millénaires.
Sur le site de Sandikli, où le travail a commencé il y a cinq ans, ont été découverts un système de drainage datant de l’époque romaine et mamelouk, ainsi qu’un bâtiment de l’âge du fer tardif.

 

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