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Nº 3031 du vendredi 11 décembre 2015

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Vitrine de l’Orient. Les mille et une vies de la maison Tarazi

Un magnifique ouvrage, intitulé Vitrine de l’Orient, restitue la saga de la famille Tarazi qui a fait de ce dernier son fonds de commerce. Depuis quinze ans, Camille Tarazi rassemble des archives sur sa famille. Pour les 150 ans de l’entreprise familiale, il lance ce joyau qui retranscrit l’histoire de ses aïeux qui, de Damas à Beyrouth en passant par Jérusalem, Le Caire, Alexandrie, Rabat et Casablanca, illustrent divinement le faste de l’Orient avec tout son raffinement. Un travail de mémoire indétrônable.

De l’hôtel familial, le jeune homme a conservé amoureusement, au fil des années, le fruit de ses recherches et ses découvertes. Des stickers, des brochures, des fiches en tout genre, des boîtes d’allumettes, des menus, des photographies, des coupures de presse, un livre d’or, mais aussi d’anciens bouts de papier peint, des morceaux de mosaïques, des uniformes d’employés, de la vaisselle et même des serviettes qu’il utilise toujours. Un vrai trésor qu’il préserve précieusement pour le plaisir d’abord mais, surtout, pour laisser des traces de cette époque. Ainsi, amasse-t-il ces trésors du passé qui appartiennent à sa famille, ne sachant pas ce qu’il en ferait un jour. En 1995, son grand-père décède. C’est un déclic. Il était très proche de cet homme qu’il aimait et admirait, mais avec qui il passait aussi du temps à reconstituer des arbres généalogiques pour retracer le parcours de la famille, cherchant des informations et des témoignages sur les naissances, les décès… A partir de là, rien ne l’arrête. Sa passion l’emporte et une vraie quête débute: il recueille des témoignages, fait des rencontres, puise dans les caisses des greniers, mais part également par monts et par vaux. Au gré de ses voyages, un jour, sur un marché aux cartes postales à Paris, il rencontre Fouad Debbas qui lui propose de découvrir sa propre collection, avec ses nombreuses cartes signées «Tarazi». Camille se prend au jeu et part littéralement à la chasse de ces cartes disséminées un peu partout et qui provenaient essentiellement du Liban, de la Palestine, de la Syrie… Il en rassemble au moins 1 300, dont celles qui montrent le Sérail à Beyrouth en 1905. Au fil de ses recherches, il apprend, entre autres, que la maison Tarazi avait réalisé un trône en bois de cèdre en 1900 pour le sultan ottoman Abdel-Hamid II, histoire qu’il raconte dans l’ouvrage, mais aussi pour plusieurs cours d’Europe. Il consacre des heures, des jours, parfois même des mois et des mois, à retrouver la trace d’un salon réalisé par son grand-père ou son père, d’une porte sculptée par la maison ou des meubles incrustés de nacre, des boiseries peintes avec un raffinement extrême ou d’objets d’artisanat de luxe… C’est toute la saga familiale que l’on retrouve donc dans cet ouvrage de 410 pages parsemé d’éblouissantes photos d’une époque à jamais révolue. C’est l’histoire d’une dynastie qui commence et qui s’étend jusqu’à nos jours…
 

Histoire d’une dynastie
L’histoire de la dynastie des maîtres artisans dans l’art oriental commence avec Dimitri Tarazi en 1862. Basé à Beyrouth avec ses fils, il ouvre des succursales à Jérusalem, Damas, puis au Caire et à Alexandrie. A la suite de la Première Guerre mondiale, des pertes économiques, une mauvaise gestion et un incendie sonnent le glas de l’entreprise familiale, endettée. Afin de sauver l’honneur, Georges Dimitri Tarazi charge ses fils Alfred et Emile (petits-fils de Dimitri), de travailler au Maroc afin de payer les dettes accumulées. Ils lancent, à leur tour, des magasins à Rabat et à Damas. Emile Tarazi, retour du Maroc, s’installe à Beyrouth en 1946. Il achète un ancien khan à Minet-el-Hosn dans la baie du Saint-Georges, où il installe sa marchandise d’art oriental vers 1954. Deux ans plus tard, il entreprend avec son frère Alfred la construction d’un hôtel, l’Alcazar, à la pointe de la modernité, reflétant également le savoir-faire oriental de la famille. Une dualité réussie, maintes fois adulée par la presse locale de l’époque. C’est que la famille Tarazi, de génération en génération, s’est imposée depuis 1862 en spécialiste de l’art oriental, créant les intérieurs des palais Sursock, Karamé, Daouk, Pharaon, ou encore de la Résidence des Pins et tant d’autres lieux prestigieux.

Danièle Gergès

Camille Tarazi en bref
Né à Beyrouth en 1974, Camille Tarazi est architecte de formation. Il intègre l’entreprise familiale spécialisée dans la création et l’exécution de boiseries et meubles orientaux en 1996. Parallèlement à son activité, il se lance dans des recherches généalogiques pour tenter de cerner les facettes des différents métiers exercés par ses aïeux et qui avaient toujours l’Orient pour source d’inspiration.

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