Bilal el-Baqqar, arrêté par les services de renseignements des Forces de sécurité intérieure (FSI), ne serait autre que l’émir de l’Etat islamique (EI) à Tripoli. Ce personnage, connu sous le nom d’Abou Moussaab el-Traboulsi, aurait planifié le double attentat suicide de Bourj el-Barajné, qui a fait 44 morts et plus de 240 blessés le 12 novembre. Selon des sources citées par la presse, Baqqar aurait été en relation avec Abou Walid, un membre de l’EI à Raqqa, la capitale de cette organisation en Syrie. Selon les allégations d’un autre suspect, le cheikh Ibrahim Barakat, accusé d’être un des chefs spirituels de l’EI au Liban, Baqqar aurait rencontré en Syrie le porte-parole du groupe terroriste, le cheikh Abou Mohammad el-Adnani.
Un officier des services de renseignements de l’armée estime, cependant, que «contrairement aux rumeurs propagées par la presse, Baqqar n’était pas un membre important de l’organisation terroriste, mais aurait fait partie de la cellule démantelée après l’attentat de la banlieue sud, à la suite de l’arrestation d’Ibrahim Jamal, un des kamikazes qui préparait un attentat terroriste dans le quartier alaouite de Jabal Mohsen, à Tripoli».
Manuel de radicalisation
Baqqar avait été récemment libéré après son incarcération pour avoir transporté des armes destinées au cheikh radical Ahmad el-Assir, qui a combattu l’armée en 2013. Il aurait par la suite joué un rôle logistique dans l’attentat de Bourj el-Barajné. En effet, il se serait rendu plusieurs fois dans la banlieue sud en mission de reconnaissance visant à choisir le lieu de l’explosion.
«Les rapports des journaux m’étonnent: Bilal el-Baqqar est à ma connaissance un homme simple et peu pratiquant. Son comportement ne correspond donc pas vraiment à celui des membres de l’EI, mais certains indices peuvent néanmoins expliquer sa radicalisation», souligne le cheikh salafiste Nabil Rahim.
Le cheikh met en exergue la pauvreté de la famille Baqqar et de Bilal. Celui-ci travaillait par le passé dans un restaurant près du central téléphonique de Tripoli et se trouvait sans emploi depuis un certain temps. Un autre facteur pourrait expliquer sa radicalisation: son emprisonnement dans le centre carcéral de Roumieh, connu comme un des bastions des mouvances radicales en raison de la présence d’un grand nombre de prisonniers appartenant à ces groupes. «Il avait subi des coups et avait été victime de torture. Ceci pourrait expliquer son comportement à moins que le motif principal n’ait été l’argent», explique le cheikh Rahim.
A l’époque de son jugement devant le tribunal militaire, lors de sa précédente arrestation, Baqqar avait justifié son implication dans l’affaire Assir en raison de la «pauvreté et du chômage» auxquels il été confronté. Ces deux facteurs peuvent évidemment avoir une influence dans cette nouvelle affaire, mais ils ne peuvent expliquer, à eux seuls, la montée de l’extrémisme au Liban.
Arrestations en série
En quelques jours seulement, les forces de sécurité ont arrêté trois personnes soupçonnées de terrorisme, dans le cadre de trois opérations distinctes. Deux suspects ont été appréhendés dans la région du Akkar au nord du pays, tandis qu’un troisième a été arrêté dans la région de Zahlé dans la Békaa. Une patrouille des services de renseignements a également arrêté un autre suspect à Wadi Khaled dans le Akkar. Ces arrestations interviennent dans le cadre d’une répression majeure des services de sécurité ayant suivi le double attentat suicide de la banlieue sud de Beyrouth. L’Armée libanaise a également arrêté le fugitif Ahmad Adnan el-Hamad, à Mashta Hassan (Akkar), à cause de ses liens avec les groupes terroristes. Hamad était en relation avec le terroriste Mohammad Ahmad el-Satem et aurait voulu mener des attaques dans la région de Wadi Khaled, a ajouté le communiqué de l’armée. Mohammad el-Satem serait le cousin de Qutaiba el-Satem, le kamikaze ayant exécuté un des attentats de la banlieue sud.
Mona Alami
Qui est le cheikh Barakat?
Le suspect, le cheikh Ibrahim Barakat, est accusé d’être le chef spirituel de l’EI à Tripoli. «Cet homme a été impliqué dans les combats ayant eu lieu à Tripoli contre l’armée l’année passée. Mais ce n’est pas un véritable homme de religion, il n’avait pas fait de vraies études de charia islamique», met cependant en exergue le cheikh Nabil Rahim.