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Nº 3034 du vendredi 1er janvier 2016

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Aboud Saeed. L’écriture à l’ère des réseaux sociaux

Un livre qui porte comme titre le nom de son auteur tout simplement, Aboud Saeed. Publié récemment aux éditions Naufal, (Hachette Antoine), le livre, en arabe, est une compilation de textes, parfois même de simples phrases, difficile à placer dans un genre précis. Au fil des pages et des mots, l’impression d’une écriture en jet, peut-être spontanée, peut-être réfléchie, mais sûrement proche de la vie, du quotidien. Une écriture «facebookienne», aurait-on envie de dire. D’ailleurs, selon les informations sur le Net, il semble bien que Aboud Saeed soit apparu, ou plutôt «né de manière mystérieuse sur Facebook, écrivant sur son mur d’une manière fébrile, presque folle». Lui-même se présente: «Je suis Aboud Saeed, habitant à Manbij (ville syrienne d’Alep, ndlr), là où les filles ne vont pas aux cafés, là où aucun bâtiment ne dépasse quatre étages… Dans mon quartier, les enfants se moquent du grain de beauté que j’ai au milieu du front, et mon frère aîné ne croit pas que je suis poète… Je suis Aboud Saeed, je caresse le cou de l’animal qui habite en moi pour qu’il grandisse comme un loup aveugle». Le contexte est placé, toujours flou, dans un style qui ne ménage ni les rêves ni la violence, ni l’ironie ni l’humour, dans l’idée millénaire d’une écriture jaillie essentiellement des endroits les plus sombres de l’être, ou tout simplement de ce qui constitue le quotidien d’un être marginalisé par naissance ou qui marginalise son vécu auquel il sent profondément ne pas appartenir. «Est-ce que le dieu qui a créé Paris Hilton est le même que celui qui m’a créé?», se demande-t-il, criant plus loin: «Chaque fois qu’ils disent: gangs armés / un rire collectif éclate de la tombe», et clamant «Moi, je n’écris pas de la poésie / Moi, je dis juste la vérité»… à moins de redéfinir la poésie, surtout à l’ère des réseaux sociaux…

Le ciel fuit chaque jour de Katia el-Tawil
Entre la fuite et le silence

Après avoir publié, dans diverses revues, des nouvelles et des articles, Katia el-Tawil publie son premier roman Al sama’ tahroub koull yaoum. Un livre qu’elle dédie à nous tous, parce que tous, «nous fuyons, nous fuyons un souvenir, un visage, un passé que nous blâmons et qui ne cesse de nous manquer comme le bourreau manque à la victime». Le ton est donné et enclenché dès les premières pages: des histoires de femmes et d’hommes, les personnages du roman, qui n’ont pas de prénoms, qui se meuvent, se croisent dans une fuite qui semble perpétuelle, sans issue, même au cœur de la mort, une fuite de soi avant tout. A l’image de la vie et du monde actuel, il est question d’amour, de doute, de relation, de mariage, de traditions, de famille, d’ambition, de religion, d’extrémisme… Le narrateur semble se dédoubler, toujours dans une focalisation zéro tout près de l’histoire des personnages qu’il croise, ou qui viennent, l’espace d’un moment, s’assoir sur ce «banc en bois délabré abandonné dans une église silencieuse». C’est ce banc qui raconte aux lecteurs, qui nous raconte l’histoire de ces femmes et de ces hommes, «que vous ne connaissez pas, que vous ne voulez pas connaître, mais qui vont vous envahir, et que vous ne pourrez pas fuir…», pour retrouver le silence des mots qui racontent.

Le laid visage de Margaret
Le noir pouvoir des mots de Kassem Marouani

«La vie mérite ceux qui se battent pour elle, quant aux lâches, elle les laisse à leur sort, mais elle se moque d’eux. A Youssef Marouani, qui s’est battu pour la vie, et elle l’a écrasé»; voilà l’exergue, mais de l’auteur, Kassem Marouani, la quatrième de couverture ne nous révèle que le nom, «toute autre information étant inconnue». Et c’est peut-être encore mieux, puisqu’on le retrouve dès les premières pages, avant que la première des 15 histoires du recueil Wajeh Margaret al-kabih ne soit lancée, dans un bus en direction de Saïda, côtoyant les passagers et ceux qui viennent de monter, ne cessant de répliquer à son voisin de banc, de laisser tout le monde faire ce que bon lui semble, sans intervenir, pour avoir, dit-il, «quelque chose à écrire le lendemain». Le pouvoir des mots, noirs forcément, maquillés de sang et de fantaisie sombre, pétris dans le visage de Margaret devenu laid parce que disparu très tôt. «Tu déambules dans les rues à la recherche de son visage et tu ne le trouves pas. Son visage illuminé s’est éteint et il n’en reste plus que la face laide de l’absence. A ce visage tu t’ouvriras et tu raconteras des histoires…. Tu berceras son esprit d’histoires de gens qui ont mené une vie amputée comme la sienne, et d’autres à qui les destinées ont offert des rêves colorés… et elle ne s’en lassera pas».

Nayla Rached

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