Dans une interview recueillie par Magazine, Moustafa Allouche, ancien député du Futur, tire à boulets rouges sur le Hezbollah qu’il accuse de servir les intérêts de l’Iran. «Seule la coalition musulmane qui se met en place pour intervenir en Syrie est susceptible de changer la donne sur le terrain. Sans cette intervention militaire, les choses ne changeront pas et aucune solution ne se profilera à l’horizon, alors qu’un tel scénario réussira peut-être à imposer un compromis».
Une fois de plus, l’élection du président de la République a été reportée, quand verra-t-on un chef à la tête de l’Etat?
Quand le Hezbollah en décidera. C’est aussi simple que ça. Or, ce parti ne souhaite pas que les institutions soient renforcées, bien au contraire. Ivre d’un regain de force avec les évolutions des événements en Syrie et la levée des sanctions sur l’Iran, il ne bougera pas le petit doigt avant de voir dans quel sens iront les choses. Plus l’Etat libanais est paralysé, plus il s’effondre et plus il aura, lui, les mains libres pour faire ce qu’il veut et prolonger son intervention en Syrie. En fin de compte, le Hezbollah souhaite renforcer sa position, mais aussi remporter des acquis pour la communauté chiite.
Certains évoquent un amendement des accords de Taëf et dans la nouvelle Constitution, le commandant en chef de l’armée serait chiite et le vice-président de la République également. Avez-vous eu vent d’un tel scénario?
Les informations qui nous parviennent sont contradictoires. Oui, un tel scénario est très plausible, mais je vais aller plus loin: le Hezbollah souhaite certainement avoir des acquis sur le plan politique pour profiter de ce moment qui le renforce, mais il espère également étendre ses territoires sur le plan géographique. Comme tout semble indiquer que la géographie des pays changera, de l’Iran jusqu’au bassin de la Méditerranée, ce parti tentera de gagner de nouveaux territoires dans des régions syriennes notamment vers l’ouest de Damas en passant par Homs… c’est ce qui explique d’ailleurs les déplacements de populations et le nettoyage confessionnel qui ont lieu dans ces régions.
Une coalition des pays musulmans s’apprêterait à intervenir en Syrie sous prétexte de combattre Daech. Un tel scénario ne serait-il pas aventureux d’autant que Walid Moallem, le ministre syrien des Affaires étrangères, a promis que ces soldats rentreront chez eux dans des caisses en bois?
Seule la coalition musulmane qui se met en place pour intervenir en Syrie est susceptible de changer les choses sur le terrain. Sans cette intervention militaire, les choses ne changeront pas et aucune solution ne se profilera à l’horizon, alors qu’un tel scénario réussira peut-être à imposer un compromis.
Concernant vos relations avec les Forces libanaises à la veille de la commémoration du 14 février, date de l’assassinat de Rafic Hariri, comment les qualifiez-vous?
Les contacts n’ont jamais été coupés. Je pense que les FL et le Futur ont intérêt à rester unis si nous voulons que le Liban ressemble à celui prôné par l’évêque Hoayek.
Pourtant, les responsables et les partisans du Futur se déchaînent contre les FL depuis qu’elles ont appuyé la candidature de Michel Aoun à la présidence, alors que Saad Hariri n’a pas hésité à appuyer celle de Sleiman Frangié, lui aussi candidat du 8 mars. Qu’en pensez-vous?
Ce n’est qu’une simple réaction passagère. A mon avis, il y a eu un manque de maturité des deux côtés. Nous ne devons pas nous mettre en désaccord sur des choses sans grande importance. Nous devons serrer les rangs pour affronter ce qui nous attend. Pendant ce temps, les gens du 8 mars sont parfaitement organisés et satisfaits de nos différends. Certes, Saad Hariri a sa vision des choses et Samir Geagea aussi, mais il y a tant de choses communes que nous partageons.
Samir Geagea a pris le risque de mécontenter la rue chrétienne pour vous soutenir. En contrepartie, vous ne lui accordez aucune concession et précisément en ce qui concerne une loi électorale qui assure une meilleure représentativité. Le Futur donne l’impression qu’il tient à rester le seul décideur au sein du 14 mars…
Nous avons dit être prêts à tout pourparler dans ce sens, seule la loi orthodoxe est rejetée, parce qu’elle consacre la fédération non seulement politique mais géographique.
Propos recueillis par Danièle Gergès