Magazine Le Mensuel

Nº 3040 du vendredi 12 février 2016

general

Présidentielle. Le statu quo… en attendant Godot!

Comme les précédentes, la 35e séance d’élection présidentielle a rapidement tourné au rendez-vous manqué. En dépit d’un certain suspense alimenté par les médias, les nouvelles donnes politiques n’ont rien changé au blocage, ni aux accusations réciproques. Plus que jamais, la présidentielle libanaise semble liée aux développements régionaux.

Après ce qui avait été considéré comme un «événement historique», plus précisément l’appui spectaculaire du chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, à la candidature du général Michel Aoun, les analystes pensaient qu’il y aurait probablement un déblocage au niveau de la présidentielle. Les médias avaient envoyé des correspondants au Parlement, pour guetter l’arrivée des députés en vue d’une séance exceptionnelle et il y avait comme une sorte d’espoir dans l’air, étayé par l’arrivée du président de la Chambre, Nabih Berry, place de l’Etoile, alors que depuis longtemps, il avait choisi de ne plus se déplacer aux rendez-vous que lui-même avait fixés pour l’élection présidentielle. Mais au bout d’une demi-heure, le secrétaire général du Parlement a annoncé que la séance a été reportée au 2 mars, faute de quorum. S’il y avait effectivement un peu plus de députés que d’habitude, on était encore loin du compte (les deux tiers exigés) et, côté déclarations, il n’y a pas eu de grands changements, les députés du Courant du futur ont continué à faire assumer la responsabilité du blocage au Hezbollah, alors que les Kataëb ont persisté à tenter de se distinguer de toutes les parties locales en se présentant comme le seul protagoniste purement libanais. Seules les FL ont mis un peu d’eau dans leur vin, en évitant d’égratigner le général Aoun ou le leader des Marada, Sleiman Frangié, préférant concentrer leurs critiques sur le Hezbollah.
Unité chrétienne ou pas, le blocage est donc resté le même. Mais comme cela se passe depuis plus d’un an et demi, chacun l’interprète à sa façon. Le 14 mars a beau être en morceaux, il ne retrouve son unité que pour rendre le Hezbollah responsable de la vacance au niveau de la présidence. Pour les FL en particulier, l’initiative du déblocage est entre les mains du Hezbollah qui devrait faire pression sur ses deux alliés, Amal et son président Nabih Berry et les Marada et son chef Sleiman Frangié. Il s’agirait donc de convaincre Berry d’appuyer la candidature de Aoun, et Frangié de retirer la sienne en faveur du «général». A ce moment-là, pour les Forces libanaises, le quorum sera assuré et Michel Aoun sera élu à la présidence.
 

Lectures contradictoires
Le Hezbollah a évidemment une autre lecture. Selon lui, le plus efficace et nécessaire serait plutôt de convaincre le Courant du futur et son chef Saad Hariri de la nécessité de voter en faveur du général Aoun, car il est convaincu que ce serait un désastre de chercher à élire un président sans l’aval des sunnites. Le leader du Hezbollah a expliqué, en long et en large, que les relations de son parti avec ses alliés ne sont pas celles d’un supérieur à ses subordonnés. Ce qui signifie, selon lui, qu’il n’est pas question de donner des instructions à Amal et aux Marada de voter en faveur du général Aoun. En revanche, il est clair, pour lui, que le fait d’occulter la position du Courant du futur serait aller vers une catastrophe, notamment avec les tensions grandissantes entre l’Iran et l’Arabie saoudite et, plus généralement, entre les chiites et les sunnites. Demander donc au Hezbollah, dans les circonstances actuelles, d’exiger de ses alliés de voter en faveur de Michel Aoun serait une maladresse et la préparation d’un nouveau «7 mai politique», ce dont le Hezbollah ne veut pas entendre parler. En plus du fait que le fossé entre les sunnites et les chiites s’est gravement approfondi depuis 2008, la présence de plus d’un million et demi de réfugiés sur le territoire libanais, pour la plupart sunnites, pourrait faire exploser une crise sans précédent, si la communauté sunnite se sent exclue ou bafouée.
Face à ce paysage politique, le statu quo reste le plus simple, en attendant des développements régionaux et internationaux qui, soit favoriseront la position du Hezbollah et de son principal candidat le général Michel Aoun, soit pousseront celui-ci à retirer sa candidature en faveur d’un compromis avec le 14 mars.

Joëlle Seif
 

Le grand sacrifice de Frangié
Sleiman Frangié était censé être la vedette de la séance du 8 février, depuis que sa candidature a été approuvée par Saad Hariri. Il a pourtant choisi de ne pas se rendre au Parlement, alignant sa position sur celle du Hezbollah. Certaines figures du 14 mars ne se sont d’ailleurs pas privées de le critiquer, se demandant comment on peut être candidat et ne pas venir à la séance. Frangié l’avait d’ailleurs prévu, mais il avait, malgré tout, pris sa décision, en signe de loyauté et de fidélité à son allié le Hezbollah…

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