La tradition se maintient. Le nouveau secrétaire général de la Ligue des Etats arabes est un Egyptien: Ahmad Aboul-Gheit, ancien ministre des Affaires étrangères. Le pays des Pharaons tient à ce privilège pour une double raison. Il invoque sa qualité de puissance régionale qui, de surcroît, abrite la Ligue depuis sa naissance au Caire le 22 mars 1945.
En février 2016, le secrétaire général sortant de la Ligue arabe, Nabil el-Arabi, a annoncé qu’il ne briguerait pas un second mandat. Ahmad Aboul-Gheit a immédiatement posé sa candidature et n’a eu aucun rival. L’Egypte l’a donc officiellement soutenu et la majeure partie des Etats arabes l’a accepté.
Ce diplomate de carrière, marié et père de deux enfants, a 74 ans. Il a fait ses études supérieures à l’Université de Aïn Chams, puis s’est dirigé vers la diplomatie. Nommé secrétaire de l’ambassade d’Egypte à Chypre, il occupe ensuite divers postes. En 1984, il est conseiller politique de l’ambassade en URSS, puis ambassadeur en Italie et, en finale, le délégué permanent de son pays à l’Onu. En 2004, Hosni Moubarak lui confie le poste de ministre des Affaires étrangères. Il l’occupera jusqu’à la démission du raïs, en février 2011.
Il mène ensuite une vie discrète, conforme à son caractère, et rédige ses mémoires. Il lancera diverses piques à son ancien président: «En commençant à travailler avec lui, j’ai été surpris de découvrir un homme à l’âge avancé, dont la détermination et la concentration s’érodaient avec le passage des années».
Le 10 mars, au cours de la réunion extraordinaire des ministres arabes des Affaires étrangères au Caire, Ahmad Aboul-Gheit a été élu à la majorité des voix. Mais deux pays, le Soudan et le Qatar, ne l’ont pas soutenu.
Cordial avec Israël
Le Soudan n’a pas expliqué son opposition, peut-être due au fait qu’Ahmad Aboul-Gheit ne tient pas en haute estime le président Omar el-Bachir. En revanche, le ministre qatari a exprimé «les réserves» de son pays sur ce choix, espérant qu’il maintiendrait le contact avec tous les pays arabes pour servir l’intérêt de l’action commune. On finira par savoir que le Qatar lui reproche d’avoir poussé l’Egypte, en 2009, à bouder le sommet arabe sur le conflit israélo-palestinien que ce petit pays cherchait à organiser.
L’action du nouveau secrétaire général pourrait, en effet, réserver des surprises. A l’opposé de Amr Moussa, résolument hostile à Israël, Aboul-Gheit jette un regard moins partial sur les drames régionaux. En décembre 2008, au risque de choquer le monde arabe, il a accusé le mouvement islamiste Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, d’avoir provoqué l’offensive israélienne «Plomb durci» sur l’enclave palestinienne.
Face à cette décision, les islamistes, orchestrés par le Qatar, sont aujourd’hui ses ennemis déclarés et attaquent son élection dans leurs médias.
Ahmad Aboul-Gheit n’est pas indifférent à cette levée de boucliers, mais elle ne modifiera pas son action politique. Son passé permet de prévoir certains comportements. On peut dire qu’il aura des relations plus cordiales avec Israël, sans pour autant ne pas condamner ses actes. En revanche, il sera d’une implacable sévérité envers le Hamas, accusé aujourd’hui par l’Egypte d’avoir assassiné le procureur général Hicham Barakat en 2015.
La Turquie continue de soutenir la légitimité de Mohammad Morsi et ses relations diplomatiques sont rompues avec l’Egypte. D’autre part, elle n’est pas en état de grâce avec divers pays arabes et Recep Tayyip Erdogan ne pourra pas redonner naissance à l’Empire ottoman.
L’Iran aussi est en mauvais termes avec le monde arabe. Il a rompu ses relations diplomatiques avec l’Egypte depuis la signature de son traité de paix avec Israël. En 2007, Aboul-Gheit l’avait accusé d’avoir encouragé le Hamas à s’emparer de la bande de Gaza et estimé que Téhéran constituait une menace pour l’Egypte et le Moyen-Orient.
Denise Ammoun, Le Caire
Une mission difficile
La rivalité actuelle entre l’Arabie saoudite et l’Iran, la rupture de leurs relations diplomatiques et le ton guerrier adopté par Riyad pourraient avoir de terribles répercussions sur la région. Cela rend encore plus difficile une sortie de crise dans la guerre en Syrie ou au Yémen.
Malgré son optimisme, Ahmad Aboul-Gheit est condamné à une mission difficile.