Magazine Le Mensuel

Nº 3046 du vendredi 25 mars 2016

Événement

Retrait russe de Syrie. 8 et 14 mars: interprétations opposées

L’actualité locale a porté sur les conséquences et les retombées sur la scène libanaise du retrait par la Russie du gros de son contingent de Syrie, décidé par le président Vladimir Poutine.
 

La première concernée par le retrait russe est indubitablement la Syrie, mais celui-ci a aussi de graves répercussions sur le Hezbollah et l’Iran, tant sur le plan de la  négociation, désormais soumise à de nouvelles règles, que sur la situation sur le terrain. Les régions reconquises par le régime syrien, où le Hezbollah est présent, sont à découvert depuis la cessation des frappes aériennes russes. Cette nouvelle situation pousse ce dernier à remettre en question ses plans militaires, de manière à les rendre plus défensifs qu’offensifs. A son tour, l’Iran devrait redéfinir sa stratégie militaire en Syrie ou s’impliquer dans le processus politique sur lequel se sont mis d’accord les Etats-Unis et la Russie.
La division libanaise sur la décision russe n’est pas surprenante. Alors que le moral du 8 mars était au plus fort au moment de l’intervention des Sukhoï, c’est aujourd’hui au tour du 14 mars de crier victoire. Selon lui, le Hezbollah devrait procéder à une réévaluation de la situation et envisager son retrait de Syrie, devenu une option sérieuse et dont le compte à rebours a commencé avec le retrait russe. Il devrait envisager les conditions et le prix de son retour. Le 14 mars, et en particulier le Courant du futur, estime que le Hezbollah sera dorénavant plus disposé à accepter un compromis politique qui mènerait à un déblocage de la présidentielle et pourrait jeter les bases de la prochaine étape. Toujours selon le 14 mars, le Hezbollah échangerait ses pertes humaines en Syrie contre des profits politiques au Liban, ce qui impliquerait plus de flexibilité et une reconsidération de ses options et de sa politique.
A cette lecture optimiste du 14 mars correspond une lecture opposée du 8 mars. Pour ce dernier, le retrait russe ne représente pas un affaiblissement du régime syrien et du rôle iranien. Bien au contraire, il représente une consolidation de la solution politique sur laquelle se sont mis d’accord l’Iran et la Russie. Le Hezbollah sera plus intransigeant et moins souple dorénavant en attendant que la situation se décante et que les choses soient plus claires. Ce qui se dit concernant son retrait de Syrie s’inscrit dans le cadre d’une guerre psychologique. Et contrairement à ces prédictions, la guerre contre le terrorisme et Daech se poursuivra à partir de Palmyre et Deir Ezzor.  
La vision du Hezbollah concernant le développement russe et la nouvelle situation en Syrie peuvent se résumer de la manière suivante: à première vue, le retrait partiel est une décision stratégique dont le but est de récupérer en politique les exploits sur le terrain, de pousser en avant les négociations de Genève et de donner le coup d’envoi à un compromis. L’intervention russe a réalisé ses objectifs en écartant l’éventualité de la chute du régime et en le consolidant. Le retrait des troupes russes donne une chance à une solution politique, mais ne signifie pas l’arrêt de la guerre contre le terrorisme ni le recul ou le retrait de la Russie de cette lutte ou son désistement de ses engagements. Le Hezbollah n’est ni inquiet ni embarrassé par ce retrait et n’a pas l’intention de modifier ses plans et sa mission en Syrie, comme l’a encore réaffirmé, lundi soir, sayyed Hassan Nasrallah. Les rumeurs sur un retrait ou un redéploiement de ses troupes ne sont nullement fondées. Pour le Hezbollah, les raisons qui l’ont poussé à se rendre en Syrie tiennent toujours. Il y restera tant que cela est nécessaire et tant qu’il y trouve un intérêt stratégique. Sa présence en Syrie a eu lieu bien avant l’intervention russe et continuera après le retrait de celle-ci. Il est évident que l’intervention russe a largement bénéficié au Hezbollah et a propulsé en avant sa stratégie et ses objectifs.

Joëlle Seif

Le rôle de l’Iran
Le retrait russe de Syrie n’apporte pas, selon les milieux du 8 mars, de modifications importantes dans les données surtout au niveau du rôle de l’Iran, de sa présence et de son action sur le terrain. L’intervention russe ne s’est pas faite aux dépens du rôle et de l’influence de l’Iran et ce retrait ne l’affaiblira pas. Cette situation représente une source d’inquiétude pour Israël qui craint que le retrait russe ne renforce encore plus l’Iran, qui comblera alors le vide laissé par la Russie et menacera de nouveau le front du Golan. En dernier lieu, les développements russes n’ont aucune influence directe sur le Liban.

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