Le Liban a accueilli pendant deux jours, les 24 et 25 mars, une délégation formée par le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-Moon, le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, et le président de la Banque islamique de développement, Ahmad Mohammad Ali el-Madani.
C’est dans le cadre d’une tournée de cinq jours qu’il effectue au Moyen-Orient dans les pays qui reçoivent des réfugiés syriens que se situe la visite du secrétaire général des Nations unies. Pendant ses 48 heures passées au Liban, Ban Ki-Moon a sillonné le pays du Cèdre, du nord au sud, et rencontré un nombre de responsables libanais. De Naquoura, au Liban-Sud, où il a rencontré les soldats de la Finul, jusqu’au Liban-Nord où il s’est rendu dans un camp de déplacés syriens, ainsi qu’au camp palestinien de Nahr el-Bared, sa visite n’a pas manqué de susciter beaucoup de réactions. Le spectre de l’implantation syrienne était vivement présent tout au long de ce bref séjour. Pour le député Ali Osseiran, cette visite arrivait à un moment inopportun et il regrette que Ban Ki-Moon n’ait pas trouvé de solution à la crise syrienne. Quant au président de la Ligue maronite Antoine Klimos, nouvellement élu, il a invité les Nations unies et la communauté internationale à ne pas favoriser l’implantation des réfugiés syriens au Liban, mais de maintenir leur présence provisoire.
Le secrétaire général de l’Onu a rencontré, à l’occasion de son séjour, le Premier ministre, Tammam Salam, le président de la Chambre, Nabih Berry, le ministre de la Défense, Samir Mokbel, ainsi que le patriarche maronite Béchara Raï. A Tripoli, il a inauguré aux côtés du ministre des Affaires sociales, Rachid Derbas, un centre de formation aux nouvelles technologies dans un quartier populaire de la ville.
La vacance présidentielle n’était pas absente des concertations du secrétaire général des Nations unies avec les dirigeants libanais ni son support à l’armée. Du Grand sérail, il a renouvelé son appel au Conseil de sécurité de poursuivre l’appui à l’armée. Mais c’est surtout la hantise de l’implantation qui a plané sur cette visite. La majorité des Libanais craignent que le scénario des réfugiés palestiniens ne se répète et que la présence des déplacés syriens au Liban ne devienne permanente depuis que les pays européens ont mis un terme à la migration en bouclant leurs frontières. Certains pays européens ont même commencé à déporter les réfugiés sur leurs sols. Avec l’entrée en vigueur, en juin 2016, de l’accord entre la Turquie et la Communauté européenne, en contrepartie de généreuses donations de plusieurs milliards d’euros, la Turquie s’engage à fermer hermétiquement ses frontières. C’est la raison pour laquelle, disent les observateurs, le secrétaire général de l’Onu chercherait à garder les Syriens dans les pays où ils se trouvent et à empêcher leur passage en Europe.
Le président de la Banque islamique a signé, au cours de cette visite, des accords d’un montant de 372,7 millions de dollars pour le financement de projets qui contribuent à appuyer l’Etat libanais dans l’accueil des déplacés syriens.
Une absence controversée
Selon la version officielle, le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, n’était pas présent à l’aéroport pour accueillir Ban Ki-Moon en raison d’un deuil familial qui l’a tenu loin de Beyrouth. De même, Bassil n’était pas présent à la réunion qui a eu lieu au Grand sérail. Mais il n’en demeure pas moins que cette absence a donné libre cours à plusieurs interprétations. Des sources proches du ministre des Affaires étrangères parlent de ses craintes concernant un réel danger d’une implantation syrienne au Liban. C’est comme s’il avait voulu adresser un message au secrétaire général des Nations unies et manifester son désaccord avec la politique suivie. En cherchant à améliorer les conditions de vie des déplacés syriens et en adoptant le principe du «retour volontaire», l’Onu chercherait actuellement à les garder au Liban au lieu de tout mettre en œuvre pour les ramener en Syrie.
Joëlle Seif